La Blondinette de Jean-Pierre, trop séduisante pour Stop-Tabac

Les centres d’arrêt tabagique Stop-Tabac (un à Montréal et l’autre à Sherbrooke) prétendent obtenir un taux de succès de 85 % grâce à des rayons laser appliqués sur le pavillon de l’oreille. Une prétention irréaliste et non conforme à la littérature, selon les médecins de l’Institut national de santé publique.

Loin d’oeuvrer en catimini, le directeur de ces centres, Stephen Wallack, demande au ministère de la Santé du Québec d’enquêter sur ses méthodes pour les valider. Il a aussi invité Info-tabac à tester sa thérapie. Nous lui avons confié Jean-Pierre Rhéaume, un fumeur expert…

Il serait temps que l’État reconnaisse ma compétence en matière d’arrêt tabagique… En effet, j’ai divorcé de Blondinette, ma blonde compagne, une bonne dizaine de fois tout au long de ma carrière de fumeur. De multiples séparations de quelques mois. Ma plus longue période d’abstinence a duré trois ans. Le malheur est que je retombe immanquablement sous le charme des volutes de la cigarette.

Malgré mon expertise finalement toute relative, ma volonté s’est ramollie avec le temps. Âgé de 55 ans, je n’arrivais plus à réussir ce qui ne me demandait aucun effort surhumain il y a des lustres. J’hésite à faire le saut. Arrêter ma démarche ou la mener à terme? Je décide de me lancer dans l’aventure. En quête d’une béquille, je mets toute ma confiance dans un Centre d’Arrêt Stop-Tabac qui devrait, selon sa réclame, me préserver à jamais de l’envie irrépressible de fumer. Après tout, Stop-Tabac annonce un taux de réussite de 85 % – voire 95 % grâce au suivi qui comprend une possibilité de deux traitements d’appoint (environ 20 minutes chacun). Son tarif est de 298 $ plus taxes pour le commun des mortels.

Me voici donc au rendez-vous. On me fait passer un interrogatoire pour établir mon dossier de fumeur. Puis, dans une ambiance feutrée par une musique en sourdine et un éclairage tamisé, le charismatique thérapeute-laser Malik touche et même chatouille avec son « laser doux » certains points de mes oreilles. À la fin de la séance, il me conseille aussi de me mettre cinq gouttes d’un liquide spécial (appelé « catère ») sur la langue en cas de « crisette » d’envie de fumer.

Les premiers jours suivant le traitement, peu de difficultés à me priver du tabac… comme lorsqu’il m’était arrivé d’écraser par moi-même. Puis, chassée par la porte, la blonde est entrée par la fenêtre. Nous nous sommes fréquentés de façon épisodique dès la deuxième semaine. Pourrai-je jamais divorcer de façon définitive et recouvrer ma liberté?

Chaque fois que je succombais, un sentiment trouble de honte me tenaillait car, me disais-je, j’ai à composer un compte-rendu pour Info-tabac qui malheureusement fera la preuve de ma lâcheté à la face du monde. Dur, dur… Après avoir repoussé Blondinette pour un moment, ma locomotive fume autant qu’avant. Pourtant, j’ai bénéficié d’un traitement d’appoint et même d’un autre en entier. Je présume que Malik et son patron, monsieur Wallack, tiennent mordicus à se tailler une place dans le Guinness.

Mon histoire est-elle le récit d’un échec entier? La faute en incombe-t-elle à l’inefficacité de la méthode de Stop-Tabac? Je ne le pense pas. Tout comme je ne me serais pas senti redevable de mon succès à Stop-Tabac. On ne fait pas des statistiques avec un cas isolé. À supposer même que cette méthode soit vraiment efficace, il y aurait toujours des cas irréductibles. À ce jour, aucun système d’arrêt tabagique n’a garanti un taux de réussite de 100 %, les meilleurs n’obtenant que 25 ou 30 % après un an selon les experts. Peut-être est-ce même mieux ainsi car, autrement, nous ne serions que des machines dociles et parfaitement prévisibles, sans la liberté de s’adonner à une activité ridicule et meurtrière. Tel est le prix du libre-arbitre.

NOTE TECHNIQUE (Au dire de Stop-tabac) :

« Le laser stimule la glande hypothalamus qui secrète des morphines naturelles appelées endorphines, ces dernières étant bloquées par la nicotine et les produits chimiques ajoutés au tabac. Le laser les dégage et le taux d’endorphines se rétablit comme il doit être. » Renseignements : www.stoptabac.ca ou 1 888 914-2222.

Jean-Pierre Rhéaume