Engager une communauté à lutter contre le tabagisme chez les jeunes
Novembre 2016 - No 118
Une nouvelle publication de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) fait le point sur les interventions communautaires visant à prévenir l’usage du tabac chez les jeunes.
Des jeunes et des adultes engagés dans la lutte contre le tabagisme, qui développent leur capacité d’action tout en redéfinissant la place du tabac dans leur communauté. Voilà, en quelques mots, l’esprit d’une intervention communautaire. L’INSPQ fait le point sur ces actions dans sa récente Synthèse des connaissances sur les interventions communautaires de prévention du tabagisme chez les jeunes : mise à jour 2016. Cette actualisation d’un document de 2004 fait le point sur les retombées et le potentiel de ces interventions, et détaille les bonnes pratiques à adopter pour obtenir les meilleurs résultats possibles.
Des interventions qui ont des retombées positives
Mentionnons d’emblée que ce type d’intervention peut contribuer à prévenir le tabagisme chez les jeunes, conclut l’INSPQ après avoir examiné 39 publications triées sur le volet. En particulier, elles pourraient « jouer un rôle intéressant en matière de réduction des inégalités en matière de tabagisme, notamment en permettant l’application du principe de l’universalisme proportionné », estime l’organisme de recherche. En clair : ces interventions permettraient d’allouer aux communautés les plus affectées par le tabagisme des ressources locales supplémentaires, sachant que ces interventions s’arriment souvent à un programme « universel » d’origine étatique ou provinciale.
Parmi les recherches analysées par l’INSPQ, certaines montrent un effet favorable des interventions communautaires sur différents facteurs tels que l’initiation au tabagisme, la proportion de fumeurs, les attitudes à propos du tabac ou les normes sociales. Aux États-Unis, par exemple, des regroupements de partenaires créés pour réclamer des politiques locales de lutte contre le tabagisme parviendraient fréquemment à leurs fins. Ces regroupements sont particulièrement efficaces s’ils possèdent notamment une structure formelle, des règlements, une vision claire, des membres diversifiés et un leadership fort.
Les groupes de jeunes qui se mobilisent contre le tabac – à l’image de La gang allumée, par exemple – en retirent également des effets positifs. Selon plusieurs études, leur implication leur apporte des compétences en communication ou en politique municipale, faisant d’eux des citoyens capables d’intervenir sur différents enjeux touchant leur communauté. Enfin, les interventions menées auprès de groupes ciblés peuvent joindre des jeunes à l’extérieur du milieu scolaire parfois marginalisés et plus susceptibles de fumer.
Les facteurs de réussite
Plusieurs facteurs augmentent les chances qu’une intervention communautaire obtienne de bons résultats. Parmi eux, le temps. En effet, il faut compter plus de 12 mois pour bâtir une relation de confiance avec une communauté, développer les capacités d’action et le leadership de ses membres ou mettre sur pied une coalition.
Les interventions qui connaissent du succès s’adaptent aussi au contexte local et aux besoins les plus pressants de la communauté. La pleine participation des membres de la communauté est un autre élément essentiel. Ceux-ci ne doivent pas être vus comme « des récipiendaires des interventions en santé, mais plutôt comme des participants actifs ayant une contribution importante à apporter », précise l’INSPQ. Divers éléments peuvent faciliter cette participation aux actions et prises de décision, dont la présence de leaders locaux et des rencontres à des moments compatibles avec leur emploi du temps. Le soutien d’experts peut aussi être un facteur de réussite, qu’ils soient spécialisés en santé publique ou en développement communautaire.
Enfin, il y a plusieurs moyens de recruter des jeunes pour qu’ils s’impliquent dans des activités de lutte contre le tabac, rappelle l’INSPQ. Parmi eux, mentionnons le fait de miser sur des groupes qui existent déjà, visiter les lieux et événements fréquentés par les jeunes, passer par leurs pairs ou les intervenants qui travaillent avec eux. Pour maintenir leur intérêt et leur participation, un coordonnateur adulte payé peut représenter un atout.
Indispensables évaluations
En somme, les interventions communautaires peuvent contribuer à changer la norme sociale sur l’usage du tabac et réduire le tabagisme chez les jeunes. Par contre, puisqu’elles s’inscrivent souvent dans des plans d’action nationaux ou provinciaux, il peut être difficile de déterminer la part spécifique du succès qui leur revient, écrit l’INSPQ. « Dans le futur, l’évaluation des interventions communautaires implantées au Québec s’avère indispensable », conclut l’organisme. Pour l’INSPQ, « il importe de documenter les caractéristiques des interventions capables de joindre des populations prioritaires pour réduire les inégalités en matière de tabagisme au Québec comme les autochtones, les jeunes décrocheurs, les populations aux prises avec des problèmes de santé mentale, etc. » Et s’assurer que tous les citoyens du Québec puissent vivre sans fumée.
Qu’est-ce qu’une intervention communautaire?
L’expression « intervention communautaire » peut évoquer bien des choses. Pour l’INSPQ, il s’agit d’abord d’actions locales, circonscrites à un lieu ou un groupe précis, comme un centre de jeunes, une équipe de hockey ou un quartier. Une autre de leurs particularités : elles visent à la fois des changements comportementaux et environnementaux. En cela, elles évoquent l’approche socioécologique, qui préconise de lutter contre le tabac en combinant des mesures éducatives, législatives, fiscales, médiatiques et communautaires. Les interventions communautaires ont donc un double objectif : changer la norme sociale et outiller les jeunes faisant face aux pressions de leurs pairs et de la société en faveur du tabagisme. Enfin, les interventions communautaires sont participatives : elles suscitent l’implication des principaux intéressés, soit les jeunes, leurs camarades, leur famille, etc. Ici encore, l’objectif est double. D’une part, joindre tous les membres d’un milieu, même ceux qui sont souvent plus difficiles à atteindre, comme les jeunes qui ne fréquentent plus l’école. D’autre part, favoriser leur empowerment, c’est-à-dire le développement de leur pouvoir d’agir et celui de prendre des décisions qui affectent leur santé.
Concrètement, ces interventions peuvent prendre plusieurs formes. Cela peut être aussi simple qu’amener un groupe à organiser un événement sans fumée dans un parc. Il peut aussi s’agir d’un regroupement local qui exige l’adoption de règlements municipaux contre le tabagisme ou d’un groupe de jeunes qui se mobilise pour compter les commerces qui vendent du tabac autour des écoles. La candeur des jeunes, ainsi que leur créativité et leur crédibilité auprès de leurs pairs, en font de très bons ambassadeurs antitabac, précise l’INSPQ.
Anick Labelle