De nouveaux avertissements pourraient apparaître sur les paquets en 2001

Des images chocs pourraient apparaître dès le début de 2001 sur les paquets de cigarettes, illustrant les ravages du tabac. Mesure proposée par le ministre fédéral de la Santé, Allan Rock, ces images de coeur malade, de bouche tuméfiée, de poumons cancéreux, pour n’en nommer que quelques-unes, suscitent énormément de réactions.

Le 19 janvier à Ottawa, lors de la Semaine nationale sans fumer, le ministre Rock accueillait la presse et des représentants du monde de la santé, pour le dévoilement d’une série de 16 nouveaux avertissements avec photos couleurs, couvrant 50 % du haut des paquets, au lieu de 25 % comme c’est le cas actuellement. De plus, Santé Canada entend utiliser les tiroirs intérieurs des paquets pour y faire apparaître des renseignements sanitaires, tels que des conseils pour cesser de fumer.

Des experts en marketing et du secteur de la santé sont d’avis que ce type de campagne pourrait être efficace. D’autres estiment qu’une telle approche, fondée sur la peur, risque d’être contre-productive. Plusieurs spécialistes en domaine tabagique s’interrogent sur ces nouvelles mesures et, de part et d’autre, des arguments sont présentés. La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac a écouté les propos des opposants et a répliqué.

Au chapitre de la liberté d’expression, maintes fois invoquée par l’industrie, à savoir que l’emballage d’un paquet de cigarettes constitue une forme d’expression et que l’exigence d’avertissements de plus grande taille attaque « l’intégrité » de l’emballage et de la marque de commerce, la Coalition estime que ces avertissements ajoutent de l’information pour le bénéfice du consommateur : « Comme tout autre produit de consommation, le gouvernement peut et doit exiger l’affichage de suffisamment d’informations pour permettre aux citoyens de prendre des décisions informées quant à ce qu’ils consomment. »

Le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac, l’industrie et même des consommateurs, soutiennent que les fumeurs sont déjà conscients des risques liés au tabagisme. À cela, répond la Coalition : « les fumeurs sous-estiment les risques pour leur propre santé. Selon une étude d’Imperial Tobacco de 1986, il n’y a que 55 % des fumeurs qui “s’inquiétaient des effets du tabac sur eux-mêmes”. En 1996, seulement 64 % des Canadiens pouvaient identifier le cancer du poumon comme un risque lié au tabac, et seulement 26 % étaient conscients de la dépendance créée par la nicotine. »

Au surplus, l’industrie invoque que, de toute façon, les avertissements n’ont pas d’effet sur le tabagisme. Pourtant, la Coalition a mis en lumière un document confidentiel de British American Tobacco où il est dit : « Il ne devrait pas y avoir de mention spécifique de maladies liées au tabagisme (…) des références à des maladies spécifiques sur les avertissements de santé devraient être fortement contestées. »

Bien que l’industrie du tabac nie les effets de ces avertissements, elle soulève la possibilité de les contester en Cour. De plus, elle prétend que ces mesures feront perdre des emplois dans l’industrie et dans l’imprimerie. En réplique, la Coalition blâme la stratégie de l’industrie canadienne du tabac en 1994, qui « pour bloquer les emballages neutres, consistait à enrôler la participation positive de tiers, particulièrement les fournisseurs, les syndicats et les détaillants ».

En outre, il est légitime que plusieurs personnes se posent la question à savoir si le gouvernement va trop loin avec de telles mesures. Citant un sondage Environics effectué en août 1999 auprès de 2018 Canadiens, la Coalition indique que la majorité du public (74 %) appuie des avertissements plus larges et plus explicites à l’aide de photos, l’ensemble couvrant 60 % de la surface avant et arrière des paquets de cigarettes. De même 59 % des fumeurs soutiennent ce type d’avertissement. « Rien dans les avertissements réclamés par les groupes de santé n’est exagéré : les risques et les maladies représentés sont bel et bien réels et affectent des milliers de fumeurs chaque jour. »

Santé Canada tiendra une seconde consultation sur ce projet en avril, par courrier et lors de rencontres à huis-clos. Les consultations préliminaires furent généralement favorables aux nouveaux avertissements, nous a-t-on rapporté. Ensuite, il est prévu que le Comité permanent de la santé tienne des audiences publiques d’ici l’été, afin d’entériner la version finale de la réglementation.

Le gouvernement pourrait ainsi obliger les fabricants canadiens à fournir aux marchands des paquets imprimés selon les nouvelles normes, vraisemblablement à partir du début de 2001. On peut voir les avertissements proposés, en couleur, à www.hc-sc.gc.ca.

Lucie Desjardins