Commission parlementaire : les députés prêts à agir

La Commission de la santé et des services sociaux a examiné la Loi sur le tabac lors d’une audience publique tenue à la fin de l’été. Les groupes qui y ont témoigné ont trouvé des élus curieux et attentifs, prêts à faire bouger les choses.

Les groupes de lutte contre le tabagisme ont remporté une victoire de taille cet été : les premiers pas vers une révision de la Loi sur le tabac. La dizaine de députés de la Commission de la santé et des services sociaux (CSSS) ont examiné le Rapport sur la mise en œuvre de la Loi sur le tabac 2005-2010 lors de deux jours d’audience. Les groupes réclament un renforcement de la loi depuis quatre ans. Leur insistance – notamment lors d’une importante conférence de presse, le 31 mai dernier – leur a donné cette commission parlementaire.

Des députés attentifs

Les députés devaient examiner le rapport, mais ils étaient visiblement ouverts à la révision de la loi. « À travers leurs propos très positifs, la qualité de leur écoute et la pertinence de leurs questions, on sentait qu’ils voulaient faire avancer les choses », dit Mario Bujold, directeur général du Conseil québécois sur le tabac et la santé. Yves Bolduc, ancien ministre de la Santé et membre de la CSSS, l’a dit lui-même : « C’est inévitable qu’il y ait une nouvelle loi. »

Trois députés du Parti Québécois attentifs aux témoignages lors de la commission parlementaire: Roland Richer, Diane Gadoury-Hamelin et Suzanne Proulx.
Trois députés du Parti Québécois attentifs aux témoignages lors de la commission parlementaire: Roland Richer, Diane Gadoury-Hamelin et Suzanne Proulx.
Des témoignages forts

Quelques témoignages ont particulièrement marqué les esprits. Mentionnons celui de Micheline Bélanger, qui a témoigné aux côtés de la Division du Québec de la Société canadienne du cancer (SCC). Son expérience d’ancienne fumeuse et de survivante d’un cancer du poumon a ému les élus. « J’ai une petite-fille de 12 ans, exactement l’âge que j’avais quand j’ai commencé à fumer », a-t-elle dit. Pour elle, les élus doivent tout faire pour que les jeunes échappent au tabac. « Vous avez le pouvoir, vous en avez la responsabilité, vous en avez le devoir. »

Un autre moment fort a été le témoignage de Nicola Roxon, ex-ministre de la Santé australienne. Invitée par la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, Mme Roxon a raconté comment l’Australie a été le premier pays au monde à imposer des emballages neutres aux produits du tabac, fin 2012, malgré la désinformation et les menaces de l’industrie.

Enfin, une adolescente de 15 ans, Riney Chen, a parlé de son expérience. « Cet emballage [semblable à celui d’un rouge à lèvres], quand je l’ai vu, j’ai vraiment voulu l’essayer pendant une fraction de seconde, alors que j’ai lu plein d’articles sur les méfaits de la cigarette », a dit cette jeune fille engagée dans La gang allumée de son école.

Nécessaire mise à jour

Au fil des témoignages, deux consensus sont apparus. L’actuelle Loi sur le tabac, adoptée en 1998 puis révisée en 2005, a bien servi le Québec. Mais elle nécessite une importante mise à jour. En effet, l’industrie « s’est adaptée à la législation comme une bactérie aux antibiotiques », a dit Horacio Arruda, directeur national de santé publique. En clair : les compagnies de tabac ont créé de nouvelles technologies, de nouvelles saveurs, et de nouveaux emballages pour mieux séduire les consommateurs. Résultat : les taux de tabagisme stagnent et c’est le système de santé qui écope. « Si on n’avait pas autant de fumeurs au Québec, on aurait probablement des médecins chômeurs », a lancé Dr Hélène Daneault, députée caquiste, membre de la CSSS.

Pour réduire le nombre de fumeurs, les groupes prosanté ont recommandé des mesures qui affecteront surtout le marché du tabac. « Si les cigarettes ne sont plus attirantes, qu’elles n’ont plus de saveur, […] il va y avoir moins de jeunes qui vont s’initier au tabagisme  », a justifié Marie Jacques, coordonnatrice de la priorité tabac à la Direction de santé publique de Montréal. Donc, moins de Québécois fumeront.

Pour l’emballage neutre, contre les saveurs

Faisant front commun, presque tous les groupes prosanté ont réclamé cinq grandes mesures : l’emballage neutre et standardisé (voir l’article en page 7), l’interdiction des saveurs, un moratoire sur les nouveaux produits, l’interdiction de l’usage du tabac dans les voitures en présence d’enfants et l’application de la Loi sur le tabac à la cigarette électronique.

D’autres recommandations ont été formulées par un moins grand nombre de groupes : interdire l’usage du tabac sur les terrasses (voir l’article en page 16) et dans l’ensemble des établissements du réseau de la santé; accroître l’offre d’immeubles résidentiels complètement sans fumée et sévir contre les salons de chicha illégaux.

Les membres de la commission devraient déposer leur rapport sous peu. « Nous sommes en droit de nous attendre à un travail sérieux et rapide de leur part, dit Mélanie Champagne, directrice, Questions d’intérêt public à la SCC. Reste à savoir si la volonté gouvernementale est assez forte pour qu’un projet de loi soit déposé d’ici Noël. » Les groupes prosanté, en tout cas, continueront d’insister auprès des élus sur l’importance d’agir.

Anick Labelle