Extraits de témoignages
Juillet-Août 2000 - No 33
Extraits de témoignages devant le comité permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, Sénat du Canada, en appui au projet de loi S-20, juin 2000
Dr. Greg Connolly, directeur, programme du contrôle du tabac, Département de santé publique du Massachusetts
Notre État a dépensé 58 millions $ US l’année dernière pour réduire le tabagisme, cela pour une population de six millions d’habitants. En dollars canadiens, cela représente 15 $ par personne, soit plus que ce qui est recommandé ici. Ce ratio est inférieur à ce qui se fait au Vermont, dans le Maine ou au Mississippi.
J’estime qu’il est primordial que le financement soit substantiel et régulier. Plus vous disposez d’argent, plus vous obtenez pour chaque dollar. Les campagnes doivent être permanentes. Vous ne pouvez pas interrompre vos activités pendant deux ans parce que cela causerait une rupture d’impact importante.
Les programmes doivent être complets, en incluant des hausses de prix (du tabac), le développement des lieux sans fumée, le respect des lois, la cessation et des campagnes médiatiques audacieuses.
Que faisons-nous avec nos 58 millions $ US? Nous consacrons environ 16 millions aux médias. Les médias ne règlent pas tout, mais ils créent un contexte favorable. Nous investissons aussi 30 millions dans les communautés locales, dans les départements de santé, lesquels ont la responsabilité de l’application des lois, dont l’interdiction de la vente aux mineurs.
Nous encourageons les lieux sans fumée. Grosso modo, il est défendu de fumer dans les restaurants du Massachusetts. Personne ne peut fumer au Fenway Park, au Patriot Stadium ou dans les centres commerciaux. C’est dépassé. Cependant, c’est par la publicité que nous avons changé les normes sociales.
Nous offrons à tous les fumeurs de l’État des consultations pour cesser de fumer; ce sont des programmes gratuits disponibles dans les réseaux des hôpitaux et des centres de santé. Les thérapies de remplacement de nicotine sont gratuites.
Ces programmes sont très populaires. Si vous demandez aux citoyens ce que le gouvernement fait de bien, le contrôle du tabac figure bien haut sur la liste. Les programmes sont très efficaces; ils donnent de bons résultats.
Quels ont été nos succès depuis que la campagne a commencé en 1993? Il y a eu une chute de 35 % des ventes, quatre fois la moyenne nationale. Cela représente un milliard $ US que nos citoyens épargnent en produits du tabac et dépensent maintenant autrement, notamment en voyages à Québec, Halifax, Toronto et Montréal.
Parmi les étudiants, nous affichons un déclin de 30 % au niveau secondaire. Nous avons réussi cela au cours des deux dernières années. Il y a une baisse de 20 % au niveau postsecondaire. Pourtant, à l’exception de la Californie ou de la Floride, les taux chez les mineurs stagnent ou montent à travers le pays.
Parmi les adultes, la consommation quotidienne a baissé de 20 cigarettes par jour à environ 14 par jour. La prévalence est passée de 22 % à 18 %. Cela ne semble pas impressionnant, mais si vous partez avec un million de fumeurs, cela fait 200 000 personnes qui ne fument plus. Gardez en tête qu’une de ces personnes sur deux serait morte 14 ans plus tôt d’une maladie liée au tabac. Nous avons évité 100 000 décès prématurés.
Greg Oliva, chef, programme de la planification et du développement des politiques, Département du contrôle du tabac, Californie
Dans le peu de temps qui m’est accordé, je présenterai la recette du succès du programme de contrôle du tabac de la Californie. Comme dans toute recette, celle-ci comporte des ingrédients. Lorsque mal dosés, non seulement ces ingrédients vous laissent sur votre appétit, mais ils gaspillent les ressources qui auraient pu créer un bon repas.
En 1998, la Californie a décidé qu’une taxe de 25 cents par paquet de cigarettes allait être dédiée aux programmes de soins de santé et de recherches, et à l’éducation sur le tabac; 20 % des sommes amassées ont été consacrées à la sensibilisation antitabac en milieu scolaire et communautaire. Ces sommes ont créé notre programme.
En Californie, nous cherchons à modifier les normes sociales pour influencer les fumeurs actuels et futurs. Nous avons créé un environnement et un contexte légal qui ont rendu le tabac moins désirable, moins acceptable et moins accessible. Ceci est obtenu par la combinaison de deux forces qui agissent en synergie. Premièrement, il y a une campagne publicitaire tenace et bien financée à la grandeur de l’État qui couvre l’usage du tabac, la fumée secondaire et les manipulations de l’industrie. Deuxièmement, nous finançons des programmes communautaires qui impliquent les groupes de citoyens localement, au moyen de programmes de sensibilisation et de l’instauration de réglementations régionales.
Le succès du programme de contrôle du tabac de Californie est éloquent. Nous avons dépensé un milliard $ US durant nos dix ans d’existence et ce milliard a été bien dépensé. Nous détenons le deuxième plus bas taux de consommation chez les adultes aux États-Unis. Seul l’Utah nous dépasse, un État relativement petit, peuplé en majorité de Mormons, une religion qui interdit l’usage du tabac. Nous sommes aussi le seul État à afficher une réduction de 50 % de la consommation, de 112,6 paquets (par habitant) en 1989 à 61,3 paquets en 1999.
Bien que nous ayons dépensé beaucoup d’argent, cela nous a fait économiser. Nous savons que pour chaque dollar investi dans notre programme, nous épargnons 10 $ en soins médicaux directs et indirects.
Le programme a complètement modifié la manière dont le tabagisme est perçu en Californie; il a provoqué des changements majeurs pour la santé et le bien-être de vraiment tous les Californiens.
Quels sont les ingrédients? Le plus important, c’est de compter sur des individus motivés à la fois au niveau de l’État et au niveau régional. Deuxièmement, il faut des interventions ambitieuses qui modifient les normes sociales et entraînent des réformes législatives. Troisièmement, on doit, le plus possible, éviter les interférences politiques. Enfin, quatrièmement, on doit disposer d’un financement important et continu.
Gilles Lépine, directeur général de l’Association régionale du Sport Étudiant de Québec, porte-parole de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac
Ma mission est de proposer aux jeunes une vie en santé et de les inciter à faire du sport. Lorsque nous atteignons 35 ou 40 % de jeunes qui font du sport dans les écoles, nous sommes satisfaits. Malheureusement pour moi, le loisir le plus populaire parmi les étudiants, présentement, est le tabagisme avec un taux de 38 %.
Vous avez ici quelques images véhiculées dans les écoles. Entre autres, lorsqu’on dit que la cigarette tue, on parle bel et bien de 12 000 personnes qui meurent chaque année au Québec, 33 par jour, ce qui signifie plus d’une à l’heure. C’est énorme. Depuis qu’on a débuté la discussion aujourd’hui, trois personnes sont décédées au Québec à cause du tabac.
On parle de l’argent du tabac. Si vous considérez que les jeunes sont des consommateurs, les calculs nous amènent approximativement à 280 millions $ de ventes par année aux mineurs. Considérez que le gouvernement fédéral met dans ses coffres plus de 80 millions $ de taxes sur la vente illégale.
Les compagnies de tabac s’achètent une image corporative, il s’agit de mise en marché. On retrouve la publicité à gauche et la commandite à droite, c’est donc exactement la même chose. Seulement au Québec, on parle de 90 millions $ si on inclut la publicité et la commandite. Ces 90 millions $ sont saupoudrés sur sept millions de personnes. Il s’agit de 13 $ par habitant au Québec : les jeunes, les bébés naissants, les vieillards.
On a également parlé des montants investis ailleurs en comparaison des 65 cents investi au Canada, par habitant, pour lutter contre le tabagisme. On a le succès qu’on a bien voulu se donner. Si on a investi 65 cents par habitant, il est normal qu’on récolte ce que nous avons semé, surtout au Québec où 38 % des jeunes fument.
Vous m’emmenez à la guerre parce que je dois lutter quotidiennement contre le tabac, mais vous m’y emmenez avec un tire-pois contre un bazooka. Vous me donnez l’équivalent de 70 $ par école, soit 20 cents par jeune, pour que la société s’achète une conscience. Alors que les gens de l’industrie du tabac, eux, y vont à coup de 13 $ par personne. Ils ont 13 $, j’ai 20 cents et vous voulez qu’on s’achète une conscience avec cela? C’est cela le projet de loi S-20! Combattre le feu par le feu! Ou nous attaquons comme une firme de marketing, en professionnels, ou nous continuons avec de belles intentions de prédicateurs et là, c’est zéro.