Cigarette électronique | Un encadrement plus strict aux États-Unis, en Europe et en Grande-Bretagne

Elle chauffe à haute température sans produire de combustion, suscite à la fois espoirs et inquiétudes et intrigue les jeunes. Ce n’est pas pour rien si la cigarette électronique suscite autant de débats. Un consensus se dégage toutefois peu à peu parmi les groupes de santé : cet appareil serait vraisemblablement moins dangereux que la cigarette combustible et, bien encadré, pourrait favoriser la cessation tabagique. Dans le dossier qui suit, Info-tabac décortique deux rapports récents qui se sont penchés sur les cigarettes électroniques ainsi que les législations qui les encadrent depuis peu aux États-Unis, en Europe et en Grande-Bretagne.

La cigarette électronique s’est développée en toute liberté pendant une dizaine d’années, créant un véritable Far West où il n’existe ni garantie sur la qualité des produits, ni certitude sur leur effet sur la santé ou sur le tabagisme. De plus en plus de gouvernements encadrent toutefois l’usage de cet appareil, de même que sa fabrication et sa vente.
États-Unis

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Aux États-Unis, la production, l’importation, l’étiquetage, la promotion, la vente et la distribution de toutes les cigarettes électroniques seront encadrés dès le 26 août 2016 par la Food and Drug Administration (FDA) sous l’autorité de la Family Smoking Prevention and Tobacco Control Act. Cette loi adoptée en 2009 s’appliquait déjà aux cigarettes. Désormais, elle encadrera également les cigarettes électroniques avec et sans nicotine ainsi que tous leurs composants (e-liquides, cartouches, vaporisateurs, piles, saveurs, etc.), de même que, entre autres, la chicha et les petits cigares.

La principale caractéristique de cette loi? Exiger que tous les produits du tabac mis sur le marché après février 2007 soient approuvés par la FDA avant d’être commercialisés. Cela s’apparente à un quasi-moratoire. Avant d’introduire un nouveau produit du tabac sur le marché, les fabricants et importateurs doivent démontrer que celui-ci est « substantiellement équivalent » à un produit qui était en vente avant février 2007. Concrètement, les fabricants et importateurs doivent notamment démontrer à l’aide de données probantes que leur produit n’est pas plus toxique ni plus attirant que les produits existants, ni perçu comme plus sécuritaire par les consommateurs. Ils doivent aussi prouver qu’il engendre moins de risques que les produits existants, n’augmente pas le nombre de personnes qui fument et ne réduit pas le nombre de fumeurs qui essaient d’arrêter.

Si un nouveau produit n’a aucun « équivalent substantiel » qui était en vente avant 2007 (comme c’est le cas pour la plupart des cigarettes électroniques), les fabricants peuvent alors soumettre une demande préalable à la mise en marché (premarket tobacco product application, ou PMTA). Les règles exactes de la PMTA qui s’appliqueront aux cigarettes électroniques restent à confirmer, mais elles pourraient exiger :

  • une description complète des méthodes et des lieux où est fabriqué et emballé le produit;
  • une description de ses ingrédients, composés et additifs;
  • les risques relatifs du produit comparativement aux autres produits du tabac et au fait de ne pas fumer;
  • la probabilité que les non-fumeurs commencent à fumer en utilisant ce produit;
  • une analyse toxicologique de chaque ingrédient et des mélanges d’ingrédients;
  • l’effet des saveurs sur les perceptions des consommateurs et l’attrait pour les cigarettes électroniques.

Comme les autres thérapies de remplacement de la nicotine, les cigarettes électroniques qui se présentent comme une aide à la cessation tabagique doivent se plier, en outre, aux règles d’approbation des médicaments établies par le Center for Drug Evaluation and Research.

Enfin, des règles additionnelles s’appliquent aux fabricants et importateurs qui vendent des cigarettes électroniques approuvées. Par exemple, ils n’ont pas le droit de distribuer des échantillons de leurs produits, ce qui fait disparaître les essais en magasin. Par ailleurs, ils doivent désormais apposer une mise en garde sur leurs produits et en inclure une à leur publicité.

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L’Union européenne

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En Europe, la nouvelle directive sur le tabac encadre la fabrication et la vente des cigarettes électroniques avec nicotine depuis mai 2016. Dans l’ensemble, les règles européennes ressemblent à celles de la FDA. Par exemple, six mois avant de mettre une e-cigarette en vente, les fabricants et importateurs doivent fournir aux autorités des informations détaillées sur son processus de fabrication, sa composition et ses émissions ainsi que des données toxicologiques sur ses ingrédients et émissions. Les fabricants et importateurs ne peuvent pas faire d’allégations santé concernant leurs produits. Par contre, ils ont l’obligation de créer et tenir à jour « un système de collecte d’informations sur tous les effets indésirables présumés de ces produits sur la santé humaine. »

Les étiquettes de ces produits sont aussi encadrées. Elles ne peuvent pas suggérer que les cigarettes électroniques sont moins nocives que d’autres produits ni qu’elles sont bénéfiques pour la santé. Elles doivent aussi afficher la composition intégrale de leur e-liquide et porter un avertissement disant minimalement que « la nicotine contenue dans ce produit cause une forte dépendance. »

Enfin, la directive européenne interdit la vente des e-cigarettes aux mineurs ainsi que la publicité de ces produits et le parrainage qui leur est associé, sauf exception (par exemple, dans le cas d’une publicité qui apparaît dans une publication destinée à des professionnels de l’industrie).

Cependant, cette directive doit être adoptée par chaque pays européen, qui est libre d’y ajouter sa touche personnelle. En France, par exemple, la législation touche les cigarettes électroniques avec et sans nicotine, alors que la directive européenne ne concerne que celles avec nicotine.

Grande-Bretagne

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La Grande-Bretagne est le seul territoire au monde qui a accordé le statut de médicament à une marque de cigarette électronique : l’e-Voke, fabriquée par BAT. Concrètement, cette e-cigarette est soumise aux règles de la Medicines and Healthcare products Regulatory Agency (MHRA), l’équivalent britannique de Santé Canada. L’e-Voke est donc la seule cigarette électronique dont la publicité peut mentionner ou faire référence à :

  • la dépendance;
  • des témoignages incluant des allégations médicales, même implicites;
  • des informations générales comme un article de journal ou des études scientifiques.

Toutes les autres cigarettes électroniques sont tenues de se plier à la directive de l’Union européenne.

Des règlements trop sévères?

Certains chercheurs reconnus se sont prononcés avec fougue contre les règles européennes ou américaines sur la cigarette électronique. Ils estiment que, la cigarette électronique étant beaucoup moins dangereuse que le tabac combustible, ces règles sont beaucoup trop sévères. Pour d’autres, au contraire, ces règles sont importantes et nécessaires. Que faut-il en penser?

En premier lieu, rappelons que l’encadrement de la cigarette électronique est généralement plus souple que celui du tabac. La directive européenne, par exemple, comme la loi québécoise, permet la présence de saveurs dans les e-cigarettes, mais les interdit dans les autres produits du tabac. La directive européenne exige aussi que les mises en garde occupent de 30 % à 35 % des emballages des cigarettes électroniques, contre 65 % pour les autres produits du tabac. De même, contrairement aux cigarettes traditionnelles, les e-cigarettes n’ont pas à être présentées dans des emballages neutres et standardisés en Grande-Bretagne ou en France. Bref, dans un contexte où il n’y avait préalablement aucune règle entourant les e-cigarettes, toute nouvelle règle risque de paraître contraignante.

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Flory Doucas

« Il ne s’agit pas d’être “pour” ou “contre” la cigarette électronique, mais de créer le meilleur contexte possible pour que cet outil soutienne les fumeurs qui souhaitent cesser de fumer sans qu’il favorise le vapotage chez des gens qui n’ont jamais fumé ou l’initiation tabagique chez les non-fumeurs ou les jeunes », dit Flory Doucas, codirectrice de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. Or, pour l’instant, ces garanties ne sont pas en place. Bien que les e-cigarettes soient vraisemblablement moins dangereuses que les produits combustibles, il y a actuellement beaucoup de modèles sur le marché et ils n’ont pas tous le même effet sur la cessation tabagique. De même, « certains fabricants ou manufacturiers ont abusé de leur liberté. Quand on voit des saveurs baptisées avec des noms de bonbon, on peut légitimement se demander à qui elles s’adressent », ajoute Mme Doucas. En somme, des règles équivalentes à celles adoptées aux États-Unis et en Europe sont nécessaires pour assurer que les vapoteurs ne deviennent pas les cobayes de cette nouvelle industrie.

Anick Labelle