Pas de nouvelle hausse de taxes sur le tabac : une occasion ratée

Déposé fin mars, le deuxième budget du gouvernement de Philippe Couillard ne prévoit aucune hausse des taxes sur le tabac. Une occasion manquée pour les coffres de l’État et la santé publique.

C’est un moyen simple pour augmenter les revenus de l’État et diminuer ses dépenses tout en améliorant la santé publique. Malgré cela, le ministre des Finances Carlos Leitão n’a pas inclus une hausse des taxes sur les produits du tabac dans le budget 2015- 2016 du Québec. Il a aussi passé outre à des mesures qui auraient fait contribuer l’industrie du tabac à la lutte contre le tabagisme.

Une mesure à l’efficacité reconnue

Le Rapport d’experts sur l’état des finances publiques du Québec (rapport Godbout) recommandait pourtant d’augmenter les taxes sur les produits du tabac de cinq dollars sur cinq ans. L’Organisation mondiale de la Santé va plus loin : dans un manuel technique sur l’administration des taxes prélevées sur le tabac, elle préconise que les taxes représentent 70 % du prix de vente du tabac. Au Québec, cela équivaudrait à une augmentation de 16 dollars pour une cartouche de 200 cigarettes, calcule la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT). Le pire : même avec cette augmentation, les taxes québécoises sur le tabac resteraient les moins élevées au pays. En fait, le Québec demeure l’une des provinces où le tabac demeure le plus abordable, une fois pris en compte les taxes et le salaire moyen, calcule Alberta Health, le ministère de la Santé de l’Alberta. Bref, le Québec a une marge pour majorer le prix du tabac.

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Le budget que le ministre des Finances québécois Carlos Leitão a présenté en mars n’inclut aucune hausse de taxes.
Le mythe des taxes comme moteur de la contrebande

Contrairement à ce que prétendent certains, augmenter ces taxes n’accroît pas nécessairement la contrebande. La preuve : le Québec compose à la fois avec le taux de contrebande le plus élevé au Canada… et le niveau de taxation le plus bas. À l’évidence, d’autres facteurs jouent, dont les moyens juridiques mis en place pour combattre la contrebande. Dans les faits, une hausse de 10 % des taxes sur le tabac conduit à une baisse d’environ 5 % du nombre de fumeurs. Au Québec, cela représenterait environ 75 000 personnes. Or, une chute de seulement 1 % de fumeurs se traduit par des économies annuelles et récurrentes de 41 millions de dollars, seulement en frais de santé directs, calcule le ministère de la Santé et des Services sociaux. Un bénéfice sonnant et trébuchant dont le Québec s’est malheureusement privé cette année.

D’autres sources de revenus possibles

Hausser les taxes est une des mesures les plus intéressantes pour lutter contre le tabagisme. Cependant, pour s’assurer que ces augmentations conservent leur effet, il faut les indexer, indiquent les directives d’application de la Conventioncadre de l’OMS pour la lutte antitabac. Ottawa a opté pour cette mesure dans son dernier budget. Désormais, les taxes fédérales sur les produits du tabac augmenteront automatiquement tous les cinq ans (même s’il est plutôt recommandé de le faire annuellement).

Il est aussi possible de mettre en place des permis tarifiés pour les fabricants, les distributeurs et les vendeurs de tabac, rappelle un document de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac soumis au ministre des Finances du Québec. Le rapport Godbout recommande un permis annuel de 250 dollars pour les vendeurs de tabac. Plusieurs villes et provinces canadiennes exigent déjà un tel permis, dont l’Alberta (700 dollars par année). Le ministre des Finances n’a toutefois malheureusement pas retenu cette option dans le budget 2015-2016 du Québec.

Anick Perreault-Labelle