Bénéfices records pour les fabricants canadiens

Les deux principaux fabricants de cigarettes au Canada, Imperial Tobacco et Rothmans, Benson & Hedges (RBH) ont tous les deux réalisé des bénéfices d’exploitation records en 2000. La troisième compagnie, JTI-Macdonald, n’est pas tenue de diffuser ses rapports financiers, n’étant pas cotée en bourse. On peut supposer que cette filiale de Japan Tobacco se porte également très bien, puisqu’elle partage les mêmes activités et prix élevés de ses deux concurrents.
909 millions $ pour Imperial

Pour les mois de février à décembre 2000, Imperial Tobacco affiche des revenus de 1,702 milliard $ hormis les taxes sur le tabac, et des charges d’exploitation de 844 millions $, réalisant ainsi des bénéfices d’exploitation de 858 millions $. Ces bénéfices phénoménaux dépassent maintenant la moitié des revenus! En y additionnant ceux de janvier 2000, de 51 millions $, alors que le fabricant appartenait à Imasco, Imperial a réalisé des bénéfices d’exploitation de 909 millions $ en 2000, soit 4,3 % de plus qu’en 1999 (871 millions $).

Lors de sa fusion à la multinationale British American Tobacco, en février 2000, Imperial Tobacco fut évalué à 9 milliards $, dont 8,2 milliards $ pour ses seules marques de commerce.

51 milliards de cigarettes

Les profits records des fabricants ne s’expliquent pas par des hausses de volume, puisque le marché canadien du tabac a rétréci en 2000. Selon Imperial, l’industrie a vendu l’équivalent de 51 milliards de cigarettes l’an dernier, comparativement à 52,8 milliards en 1999 et 53,2 milliards en 1998. Le pays aurait donc réduit sa consommation de 4 % en deux ans. Compte tenu de la croissance de la population canadienne – de 0,8 % annuellement – la consommation de tabac per capita aurait donc reculé de 2,8 % par année depuis 1998.

En 2000, l’ensemble de l’industrie canadienne a vendu 43,4 milliards de cigarettes usinées, ainsi que 1,8 milliard de bâtonnets à finir et du tabac haché pouvant former 4,1 milliards de cigarettes. Le 1,7 milliard manquant provient des exportations, lesquelles sont normalement fumées par les Canadiens eux-mêmes (achetées aux États-Unis, en contrebande ou dans les boutiques hors taxes). Imperial Tobacco évalue ses parts de marché à 68,7 % pour les cigarettes usinées et 64,3 % pour le total des expéditions.

En plus de l’essoufflement du volume global, les trois grands fabricants subissent la montée des marques économiques et importées, dont les parts de marché sont passées de 1,6 à 2,3 % en 2000, soit une augmentation remarquable d’environ 45 % en douze mois. Les hausses de taxes et l’interdiction de la publicité du tabac axée sur un style de vie, comme les commandites, favorisent ce secteur. « Poison pour poison, mieux vaut payer moins cher », semblent se dire davantage de fumeurs.

La direction d’Imperial Tobacco entrevoit le reste de l’année avec optimisme : « La compagnie prévoit une augmentation régulière de ses bénéfices d’exploitation pour 2001, en comparaison avec l’année précédente. Cette majoration devrait découler de gains de parts de marchés, d’une productivité accrue, et de hausses de prix. »

201 millions $ pour RBH

Le second fabricant, Rothmans, Benson & Hedges, déclare pour sa part un chiffre d’affaires de 538 millions $, hormis les taxes, pour les douze mois se terminant au 31 mars 2001. Ses charges d’exploitation étant de 337 millions $, elle vient de réaliser des bénéfices d’exploitation de 201 millions $, en hausse de 8,6 % sur l’exercice précédent. La compagnie attribue son succès à une compression des charges et à une hausse de parts de marché. RBH passe sous silence les hausses de prix aux grossistes.

Depuis mars 2000, les prix des cigarettes des trois fabricants ont pourtant augmenté quatre fois, pour un total de 1,91 $ la cartouche. La dernière augmentation, de 0,88 $ la cartouche, à la fin d’avril, fut notamment mise sur le compte de la surtaxe sur les impôts des fabricants, laquelle datait pourtant de 1994.

Ces récentes majorations de prix rapporteront aux trois fabricants plus de 400 millions $ par année, de façon récurrente bien entendu. Un autre facteur contribue vraisemblablement aux hausses de profits des fabricants, soit la réduction obligatoire de leurs dépenses de commandites et de publicité, en vertu des législations entrant en vigueur.

Pendant que les trois fabricants et les gouvernements encaissent des milliards $, les grossistes et les petits détaillants du tabac se livrent une féroce concurrence entre eux, leurs bénéfices nets sur ce produit étant souvent nuls!

Denis Côté