La Convention-cadre mondiale est prête!

Après quatre années de gestation, le texte définitif de la Convention-cadre mondiale pour la lutte antitabac a finalement été arrêté le 28 février dernier. Réunis à Genève lors de la sixième et dernière ronde de négociations, les délégués de 171 des 192 États membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) se sont entendus sur un traité final. Il sera vraisemblablement entériné lors de la prochaine Assemblée mondiale de la Santé à la fin mai.

Arborant les points majeurs de la lutte antitabac, la Convention-cadre couvre les taxes, la prévention et le traitement du tabagisme, le commerce illicite, la publicité, le parrainage d’activités par l’industrie, ainsi que la promotion et la réglementation des produits du tabac. Elle prévoit, entre autres, des mises en garde sanitaires claires occupant au moins 30 % (mais idéalement 50%) de la surface des paquets de cigarettes, et l’interdiction des termes trompeurs, tels « légères » ou « douces ». Les gouvernements adhérant à la Convention pourront également « envisager » des mesures législatives permettant d’établir la responsabilité de l’industrie du tabac face aux coûts associés à la consommation de leurs produits.

En raison des dispositions constitutionnelles de certains pays où la « liberté d’expression » prévaut sur la santé publique, l’interdiction globale de la publicité est retardée. Le texte final stipule que les signataires devront orienter leur pays vers une interdiction totale au cours des cinq années suivant l’entrée en vigueur de la Convention. Toutefois, les États sont tenus de restreindre la publicité en faveur du tabac ainsi que la promotion et les commandites et ce, dès l’application du traité.

Ouverte à la signature des États membres de l’OMS, la convention entrera en vigueur 90 jours après le dépôt de la quarantième ratification. En souscrivant, les gouvernements acceptent également de contribuer « à la recherche de ressources financières ». Misant sur la bonne foi et l’honneur des signataires, aucune mesure particulière ne contraindra toutefois les États à respecter leurs engagements.

Selon le Dr Gro Harlem Brundtland, directrice générale de l’OMS, cette Convention marque un tournant décisif dans le domaine de la santé publique mondiale. Alors que le tabac tue neuf personnes chaque minute à l’échelle mondiale, « ce traité international protégera la vie des générations présentes et futures contre les méfaits du tabac », soulignait-elle dans un communiqué.

Nuisance américaine et allemande

Plusieurs organisations non gouvernementales ont dénoncé les manoeuvres de l’industrie, laquelle aurait obtenu l’appui de certains gouvernements pour affaiblir le texte final, dont ceux des États-Unis, de l’Allemagne et du Japon. Selon un responsable de Action on smoking and health, un organisme américain de défense des droits des non-fumeurs, « il est évident que les États-Unis veulent un traité n’ayant aucune interférence dans le commerce, aucune obligation d’avertissements de santé, et aucune restriction (et encore moins une interdiction) de la publicité ».

Responsable du dossier du tabac à l’OMS lors des premiers pas de la Convention, le Canadien Neil Collishaw croit que la position de l’Allemagne est beaucoup plus problématique que celle des États-Unis. « En affirmant qu’elle ne signerait pas le traité, l’Allemagne pourrait avoir un impact important sur d’autres pays, mentionne-t-il à Info-tabac, puisqu’au sein de l’Union européenne, les décisions internationales doivent être acceptées à l’unanimité. »

M. Collishaw est aujourd’hui directeur de la recherche à Médecins pour un Canada sans fumée. Il précise que la Convention est le premier traité de santé des temps modernes fournissant des règles minimales qui favoriseront l’avancement et le soutien de la santé publique. Sa collègue Cynthia Callard ajoute « qu’avec cette Convention, les pays en développement auront une chance réelle d’obtenir l’aide technique et financière nécessaire à l’implantation de fortes mesures de contrôle du tabac ».

Rôle positif du Canada

Le Canada a joué un rôle majeur dans l’achèvement de la Convention, en présidant des groupes de négociation et en prenant fermement position sur les questions clés de la publicité, de l’emballage et de l’étiquetage. La ministre de la Santé Anne McLellan, ainsi que le ministre aux Affaires étrangères Bill Graham, ont félicité, par voie de communiqué, l’organe intergouvernemental de négociation de la Convention-cadre pour l’achèvement de ses travaux.

Josée Hamelin