Une étape de plus est franchie!
Mars-Avril 2014 - No 100
Une Loi sur le tabac revue et améliorée se concrétise peu à peu. Il reste cependant d’importants obstacles à surmonter avant d’y arriver, rappellent les groupes de santé.
Le feuilleton de la révision de la Loi sur le tabac a connu un nouvel épisode en décembre dernier : la Commission de la santé et des services sociaux (CSSS) de l’Assemblée nationale a publié un rapport sur la mise en oeuvre de cette loi de 2005 à 2010, à la suite de ses consultations publiques en août dernier. En théorie, plus rien ne s’oppose au dépôt d’un projet de loi de la part du ministre de la Santé, le Dr Réjean Hébert. Dans les faits, toutefois, un agenda législatif chargé et l’absence d’un échéancier précis annoncent de nouveaux délais. Ainsi, le ministre a annoncé, à l’automne passé, que ses fonctionnaires travaillaient déjà sur un projet de loi. Mais, lors de la Semaine pour un Québec sans tabac, à la mi-janvier, le Dr Hébert n’a rien dit à ce propos. En janvier, la campagne de lettres « La santé avant leurs profits » lui a rappelé l’urgence d’agir. Cette campagne a été lancée par les Drs David Mulder et Dick Menzies, du Centre universitaire de santé McGill, et la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT).
Une loi à améliorer
Le rapport de la CSSS compte environ 20 pages. Il conclut que la loi est bien respectée dans son ensemble. Au cours des audiences de la commission, cependant, les groupes de santé ont insisté sur la nécessité d’améliorer la loi. Ils ont proposé à cet effet une vingtaine de mesures. Mentionnons l’abolition des saveurs dans les produits du tabac, l’adoption d’un emballage neutre, l’interdiction des nouveaux produits du tabac, l’interdiction de fumer dans un véhicule en présence de jeunes de moins de 16 ans ainsi que sur les terrasses des bars et des restaurants, l’encadrement de la cigarette électronique par la Loi sur le tabac, un contrôle plus serré des salons de chicha et une réflexion sur la protection des non-fumeurs dans les immeubles de deux logements ou plus.
Les cigarettiers parviennent encore à rendre leurs produits attrayants pour les jeunes.
Plutôt que de trancher, le rapport de la CSSS recommande simplement que « la Loi sur le tabac soit révisée » afin que « la prévalence du tabagisme diminue; que la protection de la santé des enfants et des jeunes à l’exposition à la fumée soit améliorée; que la santé des non-fumeurs soit mieux protégée [et que] l’attrait des non-fumeurs pour les produits du tabac, en particulier les jeunes, se dissipe. » Le rapport recommande également que le Ministère « maintienne un suivi de la mise en oeuvre de la Loi sur le tabac » et « évalue la pertinence d’intensifier les activités d’information, de sensibilisation et d’inspection afin que les mesures législatives existantes soient appliquées dans leur intégralité. »
Des députés à convaincre
Bref, les députés ne proposent pas de mesure spécifique ni d’échéancier.
En fait, ils semblent hésiter sur la façon d’intégrer à la loi les changements proposés par les groupes de santé. Stéphanie Vallée, par exemple, députée libérale et membre de la CSSS, refuse d’interdire les saveurs dans tous les produits du tabac. « Même si on interdit les cigarillos aromatisés qui visent les jeunes, il faudrait tout de même conserver le tabac à pipe aromatisé, davantage destiné à une clientèle adulte », illustre-t-elle.
Les groupes de santé, eux, ont hâte que le ministre dépose un projet de loi.
« Le gouvernement et l’opposition proposent et commentent presque chaque jour des façons pour désengorger les systèmes de santé, a rappelé Flory Doucas, codirectrice de la CQCT, lors du lancement de la campagne de lettres. Mais le gouvernement tarde à renforcer la Loi sur le tabac alors que le tiers des journées d’hospitalisation sont dues au tabagisme. » Une réalité qui ne risque malheureusement pas de changer de sitôt puisque environ 100 jeunes s’initient au tabagisme chaque jour, selon la CQCT.
Le tabac, une vraie priorité pour le gouvernement?
La révision de la loi est attendue depuis 2010. Lorsqu’il était ministre de la Santé du Québec, Jean Rochon a mis trois ans pour accoucher de « sa » Loi sur le tabac. Selon lui, le délai actuel est mathématique et politique. « Le programme du gouvernement est établi en fonction d’autres priorités », a-t-il expliqué à Info-tabac en novembre dernier, en marge des 17es Journées annuelles de santé publique. En ce moment, l’adoption de la Charte des valeurs québécoises et de la Loi concernant les soins de fin de vie bloque d’autres actions. Sans oublier qu’un gouvernement minoritaire a une marge de manoeuvre réduite. « Pour agir, ça prend une volonté politique et une fenêtre d’opportunités, et cette fenêtre n’est peut-être pas là », conclut l’ex-ministre.
Anick Perreault-Labelle