Un nouveau portrait du tabagisme au Québec

L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) fait le point sur les réalités tabagiques de la province avec son Monitorage du Plan québécois de lutte contre le tabagisme 2012.

Cette imposante deuxième édition du Monitorage donne d’abord l’impression que la bataille contre le tabagisme est gagnée au Québec. Jusqu’à ce qu’on y regarde de plus près.

Ainsi, on y apprend que les fumeurs québécois ont globalement grillé presque 50 % moins de cigarettes en 2008 qu’en 1998. Les nouvelles sont tout aussi encourageantes du côté des élèves du secondaire : 75 % d’entre eux n’ont jamais fumé une cigarette complète en 2008, contre moins de 50 % en 1998. Encore mieux : ceux qui ont fait l’essai du tabac se sont lancés en moyenne un peu plus tard : à 12,7 ans en 2008 plutôt qu’à 12 ans, en 1998. Enfin, dans l’ensemble de la province, à peine 5 % des non-fumeurs sont encore exposés à la fumée secondaire chez eux, soit quatre fois moins qu’en 1999!

Screen Shot 2014-01-15 at 1.36.19 PMDe nouvelles inquiétudes

Ces données positives ne doivent toutefois pas faire oublier le chemin restant vers une société sans fumée. D’abord, les enquêtes présentées dans le Monitorage ne tiennent pas compte des cigarillos, alors que ceux-ci sont fort populaires auprès des jeunes. Par ailleurs, la proportion de jeunes fumeurs qui n’a jamais essayé d’écraser a grimpé de 17 % entre 1998 et 2008.

« Les tentatives de cessation augmentent généralement après la mise en œuvre d’une mesure contre le tabac d’importance, comme l’interdiction du tabac dans les restaurants et les bars, commente Flory Doucas, codirectrice de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. On verra dans la prochaine édition du Monitorage si linterdiction des étalages de tabac en 2008 a eu cet effet. » Les nouvelles du côté des non-fumeurs sont également inquiétantes : au cours des 30 derniers jours précédant l’enquête, 77 % d’entre eux ont été exposés à de la fumée secondaire. Chez les 15-24 ans, la proportion grimpe à plus de 90 %! « Cela démontre qu’il n’est pas vrai qu’on ne peut plus fumer nulle part », remarque Flory Doucas.

Enfin, l’application de certains articles de la Loi sur le tabac laisse à désirer. Alors que les commerçants n’ont pas le droit de vendre de tabac aux mineurs, un tiers des jeunes au secondaire qui fument les achètent eux-mêmes en magasin. Autre triste nouvelle : plus d’un jeune fumeur sur dix reçoit gratuitement du tabac… de ses parents.

Enfin, le Monitorage note que les budgets provinciaux dédiés à la diminution du tabagisme ont fondu de près d’un million de dollars depuis 2007.

Le tabagisme dans le ROC

À l’instar de l’INSPQ, le Centre pour l’avancement de la santé des populations Propel de l’Université de Waterloo a publié en début d’année la quatrième édition de Tobacco Use in Canada: Patterns and Trends.

Le Canada, comme le Québec, compte de moins en moins de fumeurs de cigarettes : 17 % en 2011 contre 25 % en 1999. Par contre, cette proportion reste stable depuis 2008. Le Québec demeure la province où l’on fume le plus, avec 20 % de fumeurs. La Colombie-Britannique, avec ses 14 % d’accros au tabac, est celle où l’on fume le moins. C’est toutefois en Saskatchewan qu’on trouve le plus grand pourcentage de fumeurs de 15 à 19 ans : 20 % contre 17 % au Québec et 12 % en moyenne au Canada.

Moins de jeunes fumeurs

Le nombre d’élèves canadiens du secondaire qui ont essayé la cigarette est également à la baisse, passant de près de 50 % en 1994 à environ 15 % en 2011. Une autre bonne nouvelle : les cigarillos perdent de leur popularité. Les utilisateurs diminuent depuis 2008 et ne représentent plus que 3 % des Canadiens. Ce déclin est même visible chez les plus gros consommateurs de ce produit, c’est-à-dire les 15 à 24 ans. Détail intéressant : parmi ceux qui consomment des cigarillos, 72 % ont choisi des produits aromatisés.

Enfin, la proportion de fumeurs qui considère sérieusement arrêter au cours des six prochains mois a augmenté d’environ 10 % entre 1999 à 2011. Désormais, ce sont 66 % des fumeurs canadiens qui y songent. Dans les faits, toutefois, le nombre de fumeurs qui ont réellement essayé d’arrêter n’a guère augmenté au cours de la dernière décennie, oscillant toujours autour de 50 %. Pire : parmi ceux qui ont abandonné le tabac dans la dernière année, seulement 10 % environ étaient toujours non-fumeurs au moment de l’enquête, un taux de succès qui prévaut depuis (au moins) 2006. La bataille contre le tabac avance, mais elle n’est pas encore gagnée.

Anick Labelle