Sans fumée depuis 1998, les bars californiens sont plus attrayants et tout aussi rentables

Contrairement aux arguments véhiculés par les groupes qui s’opposent aux interdictions de fumer dans les lieux publics, il est parfois plus rentable, pour les propriétaires de bars, d’interdire la cigarette de leurs établissements que de les garder enfumés. C’est du moins ce qu’ont constaté les auteurs de Smoke-free laws and bar revenues in California – The last call, une étude publiée en décembre dans le Health Economics Journal.

Pionnière en matière de lutte antitabac, la Californie est le premier État américain à avoir empêché la consommation de cigarettes à l’intérieur de ses bars et de ses restaurants. Contrairement au Québec, où les restrictions sur l’usage du tabac entreront en vigueur la même journée (le 31 mai) dans les différents types de commerces, en Californie, ce changement s’est effectué en deux phases. La première a chassé la fumée des restaurants en janvier 1995. Trois ans plus tard, les mêmes règles s’appliquaient aux débits de boisson.

Afin d’évaluer les répercussions économiques de ces interdictions de fumer, David W. Cowling, de la Tobacco control section du Département des services sociaux de Californie, et Philip Bond, du Wharton Finance Department de l’Université de Pennsylvanie, ont passé en revue les données de 1990 à 2002 des taxes sur les revenus des établissements servant nourriture et boissons alcoolisées.

« L’industrie du tabac et ses groupes de façade ont constamment attaqué ces lois à plusieurs niveaux, indiquent les auteurs. Un de leurs principaux arguments était que les fumeurs allaient fuir et que par conséquent, ces entreprises encaisseraient des pertes de revenus. » Or, le nombre de non-fumeurs atTirés par ces nouveaux environnements sans fumée a largement dépassé celui des fumeurs qui les ont désertés parce qu’ils ne pouvaient plus y fumer.

Un an après que la cigarette ait été bannie des restaurants de Californie, les revenus des bars ont décliné de 0,5 %, par rapport à ceux de tous les établissements servant de la nourriture et des boissons alcoolisées. Les chercheurs attribuent cette baisse au fait que la clientèle non-fumeuse est partie des bars pour aller vers les restaurants. De plus, l’année suivant l’interdiction de fumer dans les bars, la proportion de leurs revenus a augmenté de 0,22 %.

Cowling et Bond en arrivent donc à la conclusion que les bars sont plus attrayants pour la population lorsqu’ils sont sans fumée. « Néanmoins, écrivent-ils, il se peut qu’un bar qui décide volontairement d’interdire la cigarette ne soit pas rentable, surtout s’il ne fait pas la promotion de son nouveau statut auprès de la population non-fumeuse qui pourrait lui fournir de nouveaux clients potentiels. » Selon eux, pour assurer une concurrence juste et équitable, il est préférable, pour les tenanciers, que la cigarette soit bannie dans tous les bars en même temps.

Plusieurs recherches attestent que les mesures antitabac de la Californie ont clairement réduit l’exposition à la fumée secondaire des employés de bars et de restaurants – diminuant, par le fait même, leurs risques de souffrir de maladies cardiaques et respiratoires. Alors qu’en 2003, l’American Journal of Public Health publiait les résultats d’une enquête (Changes of attitudes and patronage behaviors after a smoke-free bar law) qui confirmait que les clients passent plus de temps dans les bars depuis qu’ils sont sans fumée, l’étude de Cowling et Bond ajoute qu’ils y dépensent plus d’argent.

Josée Hamelin