Le gouvernement du Québec, de A à E…

Une douzaine d’organismes de santé ont profité de la Semaine québécoise pour un avenir sans tabac pour rendre public leur Bulletin de la performance transversale du gouvernement provincial en matière de lutte contre le tabagisme. Même si Québec a fait bonne figure dans les disciplines législatives et budgétaires en 2005, des efforts supplémentaires auraient pu être fournis au niveau des taxes et de la contrebande.
Législation : A +

Grâce à l’adoption de sa nouvelle Loi sur le tabac, le gouvernement obtient « A+ » sur le plan législatif. « Cette loi a un potentiel énorme pour la réduction du tabagisme », affirme Suzanne Lemire, responsable des Services à la communauté de la Société canadienne du cancer. Cependant, il faudra s’assurer qu’elle soit efficacement mise en oeuvre, insistent les auteurs du Bulletin : « Par le passé, certaines lois ont été vouées à l’échec à cause d’ambiguïtés législatives, de campagnes inefficaces, du manque de renforcement, de la diminution des budgets et de la capacité de l’industrie du tabac à les contourner ingénieusement. »

Taxes sur le tabac : E

Pour avoir omis de hausser les taxes sur les produits du tabac cette année encore, le gouvernement échoue en matière de taxation. La dernière augmentation remonte au 3 décembre 2003 et de toutes les provinces canadiennes, c’est au Québec que les cigarettes sont les moins chères.

« Pourtant, chaque augmentation du prix du tabac permet de diminuer le nombre de fumeurs. Elle réduit les coûts liés aux traitements des maladies causées par le tabac et génère des revenus supplémentaires pour financer le système de santé », indique le coordonnateur de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, Louis Gauvin. Lorsque le prix des cigarettes augmente de 10 %, une baisse de la consommation de 4 % est enregistrée. Ainsi, une hausse de 7 $ par cartouche entraînerait une diminution de 30 000 fumeurs au Québec – ce qui représente 15 000 victimes de moins pour les années à venir.

Contrebande : C

Intimement reliée aux taxes, la contrebande est un domaine dans lequel le gouvernement a fait des efforts considérables mais pourrait faire mieux. Pour enrayer efficacement le problème, il est essentiel d’implanter des mesures de prévention, rappellent les « évaluateurs ». Selon eux, la performance du gouvernement s’améliorerait grandement si les lois étaient respectées sur les réserves autochtones et qu’un système de marquage et de traçabilité des produits était mis au point.

Pour ceux qui prétendent que le prix des cigarettes est le principal responsable de la contrebande qui sévit actuellement au Québec, les signataires précisent qu’en Colombie-Britannique et en Saskatchewan, « les prix sont plus élevés et il y a moins de contrebande qu’ici ». Afin de rejoindre la moyenne des autres provinces canadiennes, il faudrait majorer les taxes de 13 $ la cartouche.

Budget : B

Parce que « Stagner, ce n’est pas progresser », Québec reçoit un « B » pour son budget « stable, mais insuffisant ». Jusqu’à maintenant, les investissements gouvernementaux dans la lutte antitabac se sont montrés extrêmement rentables, exposent les intervenants. Une étude d’impact réalisée pour le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec au printemps 2005 confirme que « chaque baisse de 1 % de la prévalence du tabagisme entraîne une économie annuelle correspondant à près de 115 millions $ en coûts directs et indirects ».

Matière en voie d’évaluation

Même si « les poursuites » n’étaient pas une matière évaluée par les groupes de santé en 2005, ceux-ci suggèrent fortement au gouvernement d’entreprendre une action judiciaire contre les cigarettiers. En septembre, la Cour suprême du Canada a reconnu la constitutionnalité de la Tobacco Damages and Health Care Costs Recovery Act, une loi de la Colombie-Britannique qui facilite les poursuites contre l’industrie du tabac. « Poursuivre l’industrie permettrait de fournir au gouvernement des montants très importants pour défrayer le fardeau financier que représente l’usage du tabac sur notre système de santé », expliquent les spécialistes de la lutte antitabac. D’ailleurs le Québec ne faisait-il pas partie des huit provinces qui sont intervenues en faveur de la Colombie-Britannique, lorsqu’elle a eu à défendre sa loi?

Hormis les principaux groupes antitabac de la province – Association pour les droits des non-fumeurs, Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, Conseil québécois sur le tabac et la santé – on retrouve, parmi les 12 signataires : l’Institut de cardiologie de Montréal, l’Association pour la santé publique du Québec, l’Association pulmonaire du Québec, la Fondation des maladies du coeur du Québec, la division québécoise de la Société canadienne du cancer, la Coalition Gatineau sans fumée, la Fédération québécoise du sport étudiant, l’Alliance pour la lutte au tabagisme de Québec et Chaudière-Appalaches ainsi que l’Association régionale du sport étudiant de cette même région.

Josée Hamelin