S-5 : un projet de loi trop permissif‎

Flory Doucas, de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, a dénoncé les lacunes de S-5 en ce qui concerne la publicité sur les cigarettes électroniques.
Montréal, 22 février 2018 – Le projet de loi sur les cigarettes électroniques actuellement à l’étude au fédéral ne restreint pas suffisamment les publicités sur les produits de vapotage. Trois groupes de santé tirent la sonnette d’alarme.

Des publicités sur les cigarettes électroniques à la télévision, dans les abribus, à la radio ou sur les panneaux-réclames : c’est ce que permettrait le projet de loi canadien S-5 , Loi modifiant la Loi sur le tabac. Avec une telle loi, « le Canada deviendrait l’un des pays les plus permissifs en ce qui concerne la promotion des appareils de vapotage », a dit Ian Culbert, directeur général de l’Association canadienne de santé publique (ACSP) lors d’une conférence de presse. Le lundi 12 février, l’ACSP, la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT) et Médecins pour un Canada sans fumée (MCSF) ont donc réclamé que le projet de loi S-5 soit amendé. S’il ne l’est pas, la CQCT et MCSF pourraient retirer leur soutien au projet de loi S-5.

Ce projet législatif, introduit au Sénat en novembre 2016, est présentement à l’étude à la Chambre des communes. Le projet de loi propose de faciliter la mise en place éventuelle de l’emballage neutre et un encadrement des cigarettes électroniques et de leurs accessoires. En ce qui concerne les produits du vapotage, le gouvernement veut réglementer leur contenu, leurs émissions, leur apparence et leur promotion. Les groupes de santé ont d’abord salué cet effort législatif, assumant que celui-ci serait renforcé par des amendements, suivant la tendance des autres gouvernements à travers le monde.

Des publicités télévisées

Alors que l’adoption de ce projet de loi tire à sa fin, il conserve toutefois une grave lacune : il restreint insuffisamment la promotion des produits du vapotage. En gros, le projet de loi permettrait que des publicités sur les cigarettes électroniques soient diffusées dans tous les médias, incluant la télévision, le Web et l’affichage. Même des professionnels de la santé généralement favorables à ces appareils, comme le Dr Gaston Ostiguy, estiment qu’une aussi grande liberté est inutile. « Je suis d’accord avec l’interdiction de la publicité, a témoigné le Dr Ostiguy devant le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. La popularité de ces produits n’est pas venue de la communauté médicale, mais des fumeurs eux-mêmes, et ils n’ont pas eu besoin de publicité pour s’y intéresser! » (notre traduction)

Ces publicités visibles partout et par tous poseraient plusieurs problèmes. D’une part, elles annonceraient un produit contenant de la nicotine, c’est-à-dire une des substances les plus toxicomanogènes (addictives) au monde. Ensuite, à la suite de l’adoption du projet de loi S-5, on peut s’attendre à ce que les grands cigarettiers introduisent leurs cigarettes électroniques sur le marché canadien. Or, ces multinationales du tabac sont susceptibles de mener des campagnes de marketing visant l’ensemble de la population, c’est-à-dire les fumeurs et les non-fumeurs. Enfin, ces publicités diffusées dans l’espace public seraient visibles par les jeunes. Ces derniers y verraient probablement moins un outil de cessation tabagique qu’un gadget cool qui permet de faire des nuages de vapeur, avec tous les dangers de dépendance que cela comporte.

Les publicités sur les cigarettes électroniques sont susceptibles d’attirer les fumeurs, mais aussi les jeunes et les non-fumeurs.

Deux jours après la déclaration des groupes de santé, le Comité permanent de la Santé a entendu la ministre fédérale de la Santé, Mme Ginette Petitpas . « Je partage certaines inquiétudes exprimées par la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac et d’autres, particulièrement en ce qui concerne la promotion du style de vie », a-t-elle affirmé. Par contre, la ministre a préféré ne pas s’engager sur les lieux de diffusion des publicités, répétant que le projet de loi S-5 donne au gouvernement « les pouvoirs réglementaires de décider où ces publicités peuvent se retrouver ». Finalement, c’est la sévérité du projet de loi qui déterminera si les groupes de santé le soutiendront ou non.

Anick Labelle