Québec consulte sur la forme et non sur le fond
Mars 2005 - No 56
Afin d’obtenir l’avis de la population sur les améliorations qu’il serait souhaitable d’apporter à la Loi sur le tabac, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Philippe Couillard, a lancé une consultation publique, le 11 janvier dernier. « Il est temps de revoir les normes sociales relatives à l’usage du tabac dans notre société », a-t-il déclaré au cours d’une conférence de presse fort courue.
Même si le tabagisme a régressé de manière significative au cours des 10 dernières années, il constitue toujours un grave problème de santé publique qui affecte 25 % de la population âgée de 15 ans et plus. En ce qui concerne la fumée de tabac dans l’environnement (FTE), ses effets sur la santé sont maintenant bien démontrés et il est important de s’en préoccuper, a indiqué M. Couillard.
« Si une personne qui connaît les risques du tabagisme choisit de continuer à fumer, ce n’est pas à l’État de l’en empêcher, a soutenu le ministre. Par contre, je trouve qu’il n’est pas éthique que l’on impose à des gens qui n’ont pas choisi de fumer, de respirer la fumée des personnes qui se trouvent dans le même lieu public qu’eux. »
S’il a confirmé son intention d’interdire l’usage du tabac dans les restaurants et les bars, Philippe Couillard a également indiqué qu’il pourrait étendre cette mesure à certains endroits qui ne sont actuellement pas couverts par la loi, comme par exemple le terrain des écoles primaires et secondaires, de même que les aires communes des immeubles de deux à 12 logements – la loi s’applique déjà aux habitations de 13 logements ou plus.
Consensus social
Alors qu’en 1998, certains médias critiquaient les défenseurs de la santé publique qui soutenaient l’adoption de la Loi sur le tabac, la plupart sont maintenant favorables à un resserrement des mesures antitabac. Plusieurs journalistes ont d’ailleurs reproché au ministre de la Santé d’être trop prudent et de ne pas avoir agi plus tôt.
Tenir une consultation alors que les décisions semblent déjà prises permettra d’accélérer le processus législatif, selon M. Couillard : « Si on consulte à ce stade-ci, peut-être que nous ne serons pas obligés de le refaire lors de la commission parlementaire. » Les consultations serviront essentiellement à déterminer l’ordre à suivre et la manière d’établir les règles d’application de la future loi, a précisé le ministre, qui a promis d’aller aussi loin que possible avec le consensus social.
Promotion et points de vente
Outre la protection des non-fumeurs contre la FTE, la consultation traite également des points de vente et de l’ampleur que prend la promotion des produits du tabac à l’intérieur de ces lieux.
« Actuellement, on peut vendre du tabac à peu près n’importe où, a observé le ministre, et les compagnies profitent de cette situation pour installer des kiosques de cigarettes lors d’événements culturels ou sportifs. » Afin de mieux surveiller la distribution des produits du tabac, M. Couillard prévoit établir une liste précise des endroits où il sera permis de vendre des cigarettes.
La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac a maintes fois demandé au gouvernement de réglementer les points de vente et d’interdire les « murs de cigarettes ». Elle se réjouit donc qu’une importante partie de la consultation porte sur ces sujets. Les cigarettiers tentent par tous les moyens de déjouer les interdictions sur la commandite et la publicité du tabac qui les empêchent de montrer leurs produits, commente son coordonnateur Louis Gauvin. « En se tournant vers des points de vente non conventionnels tels les kiosques extérieurs et les cigarettes-girls, les fabricants continuent de faire la promotion des cigarettes dans des endroits branchés, associant le tabac à des images positives et attrayantes qui font oublier que ce produit tue 50 % de ses consommateurs. »
Quant aux étalages, toujours plus abondants chez les détaillants, ils n’ont pas encore été l’objet de limitation, même si une disposition de la loi actuelle permet d’adopter un règlement les concernant.
Participer à la consultation
En plus de l’ensemble de la population, une cinquantaine de groupes, impliqués dans la réduction ou la propagation du tabagisme, ont été spécialement invités à participer à la consultation. Les individus ou organismes désireux de soumettre leurs recommandations au ministre avaient jusqu’au 25 février pour envoyer un mémoire.
Le document de consultation Pour notre progrès vers un avenir sans tabac renferme une quarantaine de pages. Différents aspects du tabagisme québécois y sont exposés et les questions qu’il soulève sont bien définies.
Processus législatif
À la lumière des commentaires qui lui auront été soumis, le ministre Couillard devrait présenter son projet de loi ce printemps. On se souviendra qu’après plus de trois ans de débats, l’actuelle Loi sur le tabac avait été adoptée à l’unanimité par le gouvernement péquiste en juin 1998, grâce à l’appui des libéraux. Le chef de l’Action démocratique du Québec, Mario Dumont (seul représentant élu de son parti à l’époque) avait pour sa part brillé par son absence le jour du vote.
Dans le cas présent, la porte-parole de l’opposition officielle en matière de services sociaux, la députée péquiste de Rimouski, Solange Charest, a invité le ministre Couillard à déposer rapidement son projet de loi afin d’interdire l’usage du tabac dans la plupart des lieux publics. « L’opposition officielle participera à cette révision législative avec toute l’ardeur nécessaire afin de mieux lutter contre les méfaits du tabac », a-t-elle déclaré dans un communiqué de presse émis dans le cadre de la Semaine québécoise pour un avenir sans tabac.
Si tout se passe comme prévu, la nouvelle législation devrait entrer en vigueur cet automne, ou, au plus tard, en janvier 2006. Même si quelques mois d’adaptation seront peut-être alloués à certains types d’établissements, le ministre Couillard a assuré que l’application de la loi se fera de façon uniforme.
Josée Hamelin