Nouvelles brèves
Hiver 2002 - No 39
La Colombie-Britannique recule un peu
Mi-janvier, le gouvernement libéral de Colombie-Britannique a modifié la réglementation du Workers Compensation Board (WCB) – l’équivalent de notre CSST -, qui prévoyait d’interdire au personnel des bars et des restaurants l’accès aux salles fumeurs de ces établissements. La politique retenue, en vigueur à compter du 1er mai 2002, permettra aux employés – qui le veulent bien – de travailler au maximum 20 % de leur temps dans des pièces pour fumeurs. Séparées, ces salles ne pourront contenir plus de 45 % des places et devront être munies d’un système d’aération respectant certaines normes. Selon le règlement, les employés seront protégés contre la discrimination s’ils refusent de travailler dans une salle enfumée.
Ces normes provinciales sont les plus sévères au Canada et elles n’empêchent pas les municipalités d’interdire totalement le tabac, a expliqué le ministre du Travail, Graham Bruce. En effet, 25 municipalités de Colombie-Britannique, totalisant 2 millions d’habitants, ont un règlement antitabac complet, comme de celui d’Ottawa.
Par communiqué, le WCB a de nouveau signifié son désaccord à la décision gouvernementale. L’organe provincial de protection des travailleurs considère qu’il lui sera difficile d’enquêter sur le consentement des employés, sur le temps passé dans les lieux enfumés ou sur l’efficacité des systèmes de ventilation; il répète qu’aucune aération intérieure ne procure de protection complète contre la FTE. Les organismes de santé ont aussi fait connaître leur insatisfaction.
Fin février toutefois, le gouvernement de Colombie-Britannique a fait plaisir aux groupes antitabac en augmentant sa taxation de 8 $ la cartouche de cigarettes, amenant le coût de celle-ci à environ 62 $. Cette initiative pourrait encourager d’autres provinces à hausser unilatéralement leur taxation.
Roger Bertrand remplace Agnès Maltais
Lors du remaniement ministériel majeur du 30 janvier, le premier ministre du Québec Bernard Landry a nommé Roger Bertrand, député de Portneuf, au poste de ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux, à la Protection de la jeunesse et à la Prévention. M. Bertrand sera ainsi le responsable politique de la lutte contre le tabagisme, prenant la relève d’Agnès Maltais qui devient ministre déléguée à l’Emploi. Au nom de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, Louis Gauvin est heureux du travail effectué par Mme Maltais et de la nomination de M. Bertrand. « Nous avons été enchantés de la vigilance d’Agnès Maltais, en particulier en rapport aux récents amendements à la Loi sur le tabac, qui ont notamment retiré l’exemption aux casinos », témoigne M. Gauvin. Le coordonnateur de la Coalition est optimiste sur le soin qu’accordera M. Bertrand au dossier du tabac. « Ayant été membre de la Commission Rochon et ayant dirigé une Régie régionale de la santé [RRSSS de Québec, de 1988 à 1993], Roger Bertrand est déjà sensibilisé aux méfaits du tabac. De plus, nous apprécions que M. Landry ait ajouté le terme prévention au poste du ministre délégué », considère-t-il.
Perquisition chez RBH
Selon le quotidien Le Soleil, une cinquantaine d’agents de la Gendarmerie royale du Canada ont perquisitionné les bureaux de l’usine Rothmans, Benson & Hedges (RBH) de Québec à la mi-janvier, à la recherche de preuves dans une enquête criminelle. La GRC ciblerait des documents datant de 1989 à 1996, époque où la contrebande des cigarettes faisait rage. Par le biais d’un bref communiqué, le fabricant de cigarettes affirme coopérer avec la Gendarmerie; il croit que l’enquête confirmera que ses activités furent menées correctement en tout temps. Pour sa part, le gendarme Guy Amyot a révélé au Journal de Québec que l’enquête était en cours mais que la GRC était encore loin de déposer des accusations. Le siège social de Toronto et l’usine de Brantford, en Ontario, ont aussi été perquisitionnés.
Début du procès de la Loi sur le tabac
C’est devant une salle pleine à craquer qu’a débuté, le 14 janvier, la cause judiciaire opposant l’industrie du tabac au gouvernement canadien sur la validité de la Loi sur le tabac. Ayant été invités au Palais de Justice de Montréal tant par des groupes antitabac que par l’industrie, une quinzaine de journalistes ont assisté aux premières heures d’un procès qui pourrait durer toute l’année 2002. Désolé de voir les représentants des médias entassés debout à l’arrière, le juge André Denis a expliqué qu’il s’attendait à ce que le reste des plaidoiries se fasse devant une faible audience, ce qui s’avère exact. La salle 15.03 a été réservée à cette cause, bordée d’étagères de documents s’y rapportant, tout comme lors d’un premier procès similaire devant le juge Chabot, il y a une douzaine d’années.
Lors de notre passage, le 14 février, dix avocats s’affairaient à la défense de la loi pour le Procureur général du Canada et pour la Société canadienne du cancer, alors que l’industrie du tabac devait se contenter d’environ quatre ou cinq pour la contester. François Damphousse, de l’Association pour les droits des non-fumeurs, et Neil Collishaw, des Médecins pour un Canada sans fumée, assistaient aux débats au nom des groupes de santé, comme ils le font assidûment.
Des décennies de lutte furent nécessaires pour interdire les commandites ou la publicité du tabac, et pour apposer des avertissements clairs sur les paquets. Protéger ces gains pour la santé publique est primordial, d’autant plus que le Canada expose sa loi comme modèle lors des négociations de la Convention-cadre mondiale antitabac.
John Slade n’est plus
John Slade, un des pionniers de la lutte antitabac aux États-Unis, est décédé des suites d’un accident cérébro-vasculaire, le 24 janvier à l’âge de 52 ans. Ayant consacré sa carrière aux traitements des dépendances, il fut l’un des grands spécialistes mondiaux de l’étude de la nicotine. Il a aussi milité vigoureusement pour l’adoption de lois sur le tabac. Le Dr Slade s’était vivement opposé à la publicité du tabac, dont il avait accumulé une importante collection. « John était un vrai leader qui ne cherchait pas les honneurs. Ses interventions étaient très appréciées, surtout parmi ses pairs. », a témoigné Matt Myers, président de Tobacco-Free Kids, un autre géant de la cause antitabac chez nos voisins du Sud.