Lutter contre le marché noir du tabac sans baisser les taxes

Rapport de la Commission des finances publiques sur la consommation du tabac de contrebande
La lutte contre la consommation de tabac de contrebande au Québec pourrait recevoir un nouveau souffle si le gouvernement donne suite aux recommandations contenues dans le rapport de la Commission des finances publiques (CFP) déposé à l’Assemblée nationale en février.

« La Commission des finances publiques a fait un excellent travail », résume la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac par voie de communiqué.

Ce rapport d’une quarantaine de pages note qu’« acheter des cigarettes de contrebande [au Québec] est […] devenu banal ». En effet, 20 % des cigarettes qui y sont fumées proviennent du marché noir, contre 12 % en Australie et 10 % dans l’Union européenne. En 2010, le Québec y a perdu 225 millions $ de revenus en taxes.

Meilleur suivi des producteurs
Plusieurs groupes proposent de taxer le tabac vendu sur les territoires autochtones tout en permettant aux Premières Nations d’en bénéficier.

Pour affaiblir ce marché, il faut « resserrer le contrôle de la production et de la distribution des produits du tabac », concluent les commissaires. Ils recommandent donc, entre autres, que les producteurs de tabac soient tenus de fournir des rapports mensuels sur leurs activités. Ils souhaitent aussi que le gouvernement provincial crée un inventaire des produits du tabac et instaure une marque pour distinguer les produits destinés à la vente légale dans les réserves autochtones et les boutiques hors taxe. De plus, la CFP interpelle la Commission de la santé et des services sociaux pour qu’elle revoie la Loi sur le tabac.

90 % proviennent des réserves autochtones

Le rapport s’arrête aussi sur le rôle des Premières Nations. En 2007, « plus de 90 % [des] cigarettes illégales étaient issues de réserves et territoires autochtones », rappelle-t-il.

Pour atténuer ce problème, plusieurs groupes proposent de taxer le tabac vendu sur les territoires autochtones tout en permettant aux Premières Nations d’en bénéficier. Certaines communautés indiennes ne sont toutefois pas intéressées par cet argent. Elles craignent notamment qu’il réduise les transferts qu’elles reçoivent des gouvernements fédéral et provinciaux. Ainsi, Akwesasne est prêt à discuter de cette nouvelle taxe alors que Kahnawake s’y oppose.

Par ailleurs, bien des lois et règlements s’appliquent dans les réserves, dont ceux de l’Agence du revenu du Canada et d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. Or, selon les Premières Nations, ces lois parfois contradictoires ralentissent les pourparlers avec les autorités gouvernementales au sujet de la contrebande. D’ailleurs, l’Entente sur la fiscalité du tabac, des carburants et des boissons alcooliques, convenue entre Québec et Kahnawake en 1999, n’a jamais été mise en oeuvre « faute d’entente entre les parties », indique la CFP.

Pour démêler le rôle autochtone dans le tabac illicite, la Commission recommande que Québec approche les gouvernements canadien, américain et ontarien, de même que la nation mohawk, « en vue de créer une commission mixte […] consacrée à la lutte à la contrebande ». Rappelons que la réserve mohawk d’Akwesasne s’étend sur les territoires du Québec, de l’Ontario et de l’État de New York.

Plus grand rôle des policiers municipaux

Enfin, le rapport s’arrête aussi sur le rôle des policiers municipaux dans le combat contre le marché noir du tabac. Adoptée en 2009, la Loi modifiant la Loi concernant l’impôt sur le tabac et d’autres dispositions législatives principalement afin de lutter contre la contrebande de tabac permet aux municipalités d’empocher les amendes qu’elles imposent aux contrebandiers. Malheureusement, « la gestion des pièces à conviction coûte souvent plus cher que les amendes […] parce qu’on doit les conserver pendant une longue période », rapportent les commissaires.

Pour régler cette question, les commissaires recommandent donc notamment que Québec crée un système de conservation des preuves moins onéreux et « [révise] à la hausse les amendes prévues en cas d’infraction à la Loi concernant l’impôt sur le tabac ».

Au niveau policier, la CFP suggère aussi que le programme ACCES tabac (Actions concertées pour contrer les économies souterraines), créé en 2001, reçoive davantage de ressources. En 2010-2011, son budget de 13,6 millions $ a notamment permis à cinq municipalités de bénéficier d’une équipe d’enquêteurs dédiés à la contrebande.

On le voit : hormis réduire les taxes, il y a bien des moyens de lutter contre le tabac illicite.

Anick Perreault-Labelle