Les pauvres fument plus et sont davantage exposés à la FTE

Rien de neuf sous le soleil
L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a publié à la mi-août une recherche d’une soixantaine de pages à propos de l’impact de la pauvreté sur le tabagisme.

Intitulé Les inégalités sociales de santé en matière de tabagisme et d’exposition à la fumée de tabac dans l’environnement au Québec, le document compare des indices de richesse individuelle ou collective aux proportions de fumeurs et à la permissivité du tabac à la maison ou dans l’automobile, pour les années 2000 à 2008. Il est signé par Benoit Lasnier, Denis Hamel et Bernard-Simon Leclerc, tous trois de l’INSPQ.

Les chercheurs ont relevé que les personnes les plus favorisées, soit celles qui se classent parmi le premier 20 % selon des indices matériels et sociaux (revenus, emploi, scolarité, commodités courantes, etc.), ont vu leur taux de prévalence (fumeurs quotidiens) passer de 18,9 % à 14,6 % de 2000 à 2008. Au cours de ces mêmes années, leurs compatriotes les moins favorisés (figurant parmi les 20 % au bas de l’échelle), étaient des fumeurs quotidiens dans une proportion qui est passée de 33,5 % à 27,5 %. Dans leur cas, la prévalence a même augmenté de 2005 à 2008. « On peut donc affirmer que les inégalités notées sur le plan matériel et social en matière de tabagisme sont demeurées relativement stables entre 2000-2001 et 2007-2008 », écrivent les auteurs. Ainsi, tant les plus pauvres que les plus riches fument un peu moins qu’il y a 10 ans, mais on compte toujours encore nettement plus de fumeurs quotidiens chez les plus défavorisés, soit environ 80 % de plus (± 27%  /  ± 15% = 1,8).

C’est du côté de l’exposition des adolescents (12-17 ans) à la fumée de tabac dans l’environnement (FTE) à la maison que la différence est la plus marquée. En 2007-2008, le tiers (33,5 %) des adolescents non-fumeurs québécois, vivant dans les milieux moins favorisés, étaient exposés à la FTE de manière quotidienne ou presque. Cette proportion est de 15,9 % chez leurs vis-à-vis plus fortunés. Ici, les chercheurs ont simplement comparé les 40 % plus favorisés aux 40 % moins favorisés (soit les quintiles 1-2 par rapport aux quintiles 4-5). La différence était sans doute plus grande entre les quintiles 1 et 5, dont les données n’étaient pas suffisantes et significatives au fil des ans.

Dans l’automobile

Concernant l’usage du tabac dans l’automobile, un domaine qui pourrait être couvert prochainement par la Loi sur le tabac du Québec, on a constaté, là encore, une différence notable dans le comportement en fonction du milieu social. Quelque 15,5 % des non-fumeurs adolescents provenant des familles plus favorisées (les 40 % supérieurs) sont exposés à la FTE dans un véhicule. Cette proportion monte à 27,1 % parmi leurs vis-à-vis moins favorisés (les 40 % inférieurs). Chez les adultes, les proportions sont beaucoup moindres, soit 5,4 % parmi le quintile 1 (les 20 % les plus favorisés) et 8,9 % parmi le quintile 5 (les 20 % les moins favorisés). Comme pour l’exposition à la FTE au domicile, les non-fumeurs adolescents sont nettement plus nombreux que les non-fumeurs adultes à subir la fumée des autres. Tout simplement parce qu’ils ne sont pas maîtres dans la résidence, ni l’automobile de leurs parents.

Les chercheurs de l’INSPQ ont distingué l’influence de l’entourage géographique au statut social. Ils ont remarqué que l’endroit de résidence a parfois autant ou même plus d’impact que l’éducation et le revenu de l’individu. Ainsi, des pauvres qui vivent auprès des riches ont moins tendance à fumer que s’ils demeurent dans un quartier défavorisé où le tabagisme est fortement présent.

Selon Johanne Laguë, chef de l’unité Habitudes de vie à l’INSPQ, le gouvernement devrait apporter une considération particulière aux inégalités sociales dans l’élaboration des politiques visant à contrer le tabagisme. Quant aux auteurs du document, ils considèrent que les campagnes publiques antitabac devraient mieux cibler les milieux défavorisés et en tenir compte.

Denis Côté