Les emballages sont hors de vue mais de grandes photos de cigarettes sont apparues

Étalages, promotion au point de vente: les emballages sont hors de vue mais de grandes photos de cigarettes sont apparues!

Les paquets de cigarettes, cigarillos et autres vecteurs de tabagisme sont désormais soustraits à la vue du public dans l’écrasante majorité de leurs points de vente au Québec, selon un bilan communiqué par la relationniste Marie-Claude Gagnon du ministère de la Santé et des Services sociaux. Mme Gagnon a déclaré que les points de vente de tabac qui n’ont pas encore des installations conformes à la loi, sont empêchés par des motifs sérieux de réaliser les travaux promis.

Un poster anti-contrebande jouant au plus fin

En revanche, dans plusieurs dépanneurs, presque exactement là où la clientèle du commerce voyait en mai un étalage de paquets de cigarettes colorés, la clientèle voit maintenant un poster de 29 centimètres par 45 montrant en gros plan des mains et des cigarettes, ainsi qu’un message en caractères blancs. Sous couvert d’appeler la population à interroger ses élus sur le soi-disant laisser-faire gouvernemental en matière de contrebande des cigarettes, plusieurs exploitants de dépanneurs au Québec, encouragés notamment par le vice-président de l’Association canadienne des dépanneurs, Michel Gadbois, ont affiché depuis juin ce poster que la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT) considère comme de la publicité à peine déguisée pour les cigarettes, toutes marques confondues. Heidi Rathjen, directrice de campagne à la CQCT, croit qu’un message politique concernant la contrebande du tabac pourrait être diffusé par les marchands sans faire du même coup de la réclame pour les cigarettes. La CQCT s’est plainte au ministère de la Santé et des Services sociaux.

En Ontario, où un poster identique avait été placardé dans plusieurs commerces au détail au mois de juin, le président de l’Association ontarienne des dépanneurs et de l’Association canadienne des dépanneurs, Dave Bryans, a demandé dès le 3 juillet à ses membres de le retirer de la vue du public, à la suite d’un avis clairement désapprobateur du ministère ontarien de la Santé, lequel a considéré que le poster en question n’est pas conforme aux lois et règlements touchant désormais le commerce des produits du tabac dans cette province.

Murs de cigarettes et lamentations

En Ontario et au Québec, comme on pouvait s’y attendre de toute façon, les commerçants de tabac interrogés par la presse cet été ont presque tous déclaré ne pas avoir observé de changement dans les ventes de produits du tabac à la suite de l’entrée en vigueur de l’interdiction d’exposer ces derniers à la vue du public, le 31 mai. Selon toutes vraisemblances, les amateurs de tabac ont continué de visiter leurs points de vente habituels, même sans « murs de cigarettes ». On ne se défait pas rapidement d’une dépendance à la nicotine.

Quant aux versements d’argent des cigarettiers aux commerçants québécois et ontariens, ils ne diminueront vraisemblablement pas en 2008 du fait de l’interdiction des étalages de produits du tabac. En 2007, année d’entrée en vigueur d’une législation similaire en Colombie-Britannique, les versements des manufacturiers de cigarettes aux commerçants de cette province ont été plus élevés de 24 % qu’en 2006. Au Manitoba, où l’interdiction d’exposer le tabac aux yeux du public date de 2005, les cigarettiers ont plus que doublé leurs versements aux détaillants entre 2005 et 2007. Les gâteries de l’industrie cigarettière aux commerçants de la Saskatchewan ont elles aussi été plus généreuses en 2007 qu’en 2005, année d’entrée en vigueur de la loi provinciale.

Vestiges légaux

En vertu de l’article 20.3 de la Loi sur le tabac, certains commerces au Québec sont encore autorisés à exposer les produits du tabac à la vue de leur clientèle. Il s’agit des boutiques hors taxes, c’est-à-dire une quinzaine de commerces situés dans les aéroports internationaux et près de la frontière avec les États-Unis. Il y a aussi d’authentiques tabagies, qualifiées de « points de vente spécialisés », dont les ventes au détail de produits du tabac et d’articles connexes représentaient au moins 75 % des recettes annuelles en mai 2006. S’ajoutent enfin aux commerces exemptés les 27 « salons de cigares », sorte de magasins et de fumeries de tabac où les personnes mineures ne sont pas admises.

Pierre Croteau