Les Amérindiens laissés à eux-mêmes pour combattre le tabagisme

Même si les Amérindiens fument trois fois plus que les autres Canadiens, le gouvernement fédéral ne semble pas s’en inquiéter outre mesure. Il vient tout juste d’abolir le financement de la Stratégie de lutte contre le tabagisme chez les Premières Nations et les Inuits, et ce, quelques semaines après qu’une étude ait révélé que l’usage du tabac commence à régresser chez les populations autochtones.

Les 10,8 millions $ amputés (qui incluent 1 million $ destiné au Québec) devaient permettre de prévenir l’usage du tabac, d’encourager son abandon et de sensibiliser les populations aux méfaits de la cigarette, au cours des années 2006 et 2007. Ce programme n’est toutefois pas le seul à avoir subi un régime minceur. Il fait partie d’une série de coupures annoncées par le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, et le président du Conseil du Trésor, John Baird, le 25 septembre.

« Nous coupons dans le gras, et nous recentrons les ressources financières en fonction des grandes priorités des Canadiens », a déclaré M. Baird. Or, il appert que la dette nationale figure parmi « les grandes priorités des Canadiens » puisque le milliard $ qui sera économisé, d’ici la fin de l’année prochaine, servira essentiellement à son remboursement.

Au moment de mettre sous presse, Santé Canada n’était toujours pas en mesure de fournir les critères sur lesquels le gouvernement s’est basé pour conclure à l’inefficacité de ce programme.

L’Assemblée des Premières Nations, qui représente tous les citoyens autochtones du Canada, juge ces coupures discriminatoires, puisqu’elles ne touchent que les initiatives antitabac amérindiennes. De son côté, la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac s’indigne que le gouvernement ait aboli ce programme alors qu’il commençait à porter fruit.

Tabagisme autochtone

Selon l’Enquête régionale longitudinale sur la santé des Premières Nations – dont les résultats ont été dévoilés à la mi-septembre – le taux de tabagisme des Autochtones est passé de 62 % en 1997 à 58,8 % en 2002, à l’échelle canadienne. Au Québec, la prévalence a régressé de 61,8 à 55 % pour ces mêmes années. Environ 51,2 % des jeunes amérindiens fumaient, en 2002. Toutefois, il est impossible de savoir si leur consommation a varié puisqu’ils n’étaient pas inclus dans la précédente édition de l’enquête.

Plus de 22 000 personnes, dont près de 4 000 au Québec, ont participé à cette étude portant sur l’état de santé et les conditions de vie des Amérindiens. Dans la province, elle était dirigée par la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador (CSSSPNQL).

Alors que les prix élevés contribuent à dissuader l’usage du tabac, surtout chez les jeunes, Info-tabac a demandé à l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador si le fait que les membres des communautés autochtones paient leurs cigarettes moins chères – en raison de l’absence de taxes – a pu influencer la prévalence observée? « Nous n’avons aucune donnée qui pourrait confirmer ou infirmer l’hypothèse, a répondu son agent d’information, Alain Garon. Cependant, si une telle association existe pour une autre population, il y a lieu de penser qu’elle pourrait se reproduire chez les Premières Nations sans que ceci ne constitue une preuve. »

À la fin de l’enquête, la CSSSPNQL a recommandé plusieurs mesures destinées à réduire le tabagisme chez les populations autochtones. On retrouvait parmi celles-ci des investissements supplémentaires et récurrents, qui auraient notamment permis de développer des outils de renoncement au tabac adaptés aux membres des Premières Nations.

Plus de 40 ans d’écart

Chez la population canadienne non autochtone, il faut revenir plus de quarante ans en arrière (1963) pour observer un usage du tabac similaire à celui que l’on retrouve actuellement chez les Amérindiens. À l’époque, 49 % des Canadiens et des Canadiennes fumaient. C’est en 1960 que la prévalence des hommes était la plus élevée (62 %). Chez les femmes, le tabagisme a atteint son plus haut sommet en 1974 (40 %).

Espérance de vie

Le tabagisme et les divers problèmes de santé qui affligent les Autochtones se reflètent sur leur espérance de vie. En 2002, le ministère des Affaires indiennes estimait que les hommes atteignaient en moyenne 68,9 ans, ce qui constitue un écart de 7,4 ans avec les autres Canadiens. Les femmes vivaient environ jusqu’à 76,6 ans, soit 5,2 ans de moins que leurs concitoyennes canadiennes.

Population amérindienne
Au Canada

704 851 Autochtones

· 57 % habitaient sur une réserve

· 43 % habitaient hors réserve

Au Québec

65 496 Autochtones

· 70 % habitaient sur une réserve

· 30 % habitaient hors réserve

(Données du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien au 31 décembre 2002.)

Josée Hamelin