Le Québec mieux protégé contre la fumée de tabac secondaire
Mai 2016 - No 114
Dès le 26 mai, il sera interdit de fumer dans plusieurs nouveaux endroits au Québec : les terrains sportifs, les aires de jeu pour enfants, les terrasses, les véhicules transportant un mineur de moins de 16 ans et les espaces communs des immeubles d’habitation comportant de 2 à 5 logements. Rappel des éléments scientifiques qui sous-tendent la nécessité de ces mesures.
Certains ont une vision sensationnaliste et fausse des répercussions qu’aura la nouvelle Loi concernant la lutte contre le tabagisme : bars et restaurants en faillite, fumeurs stigmatisés, invasion de l’État dans la vie privée. Au contraire, les nouvelles mesures limitant l’exposition à la fumée de tabac secondaire (FTS) qui entreront en vigueur le 26 mai visent moins à persécuter les fumeurs qu’à réduire le tabagisme et les souffrances qui y sont liées. Non seulement sont-elles basées sur la science, mais dans les sondages, elles obtiennent systématiquement l’approbation d’une forte majorité.
Des terrasses pour tout le monde
C’est à l’unanimité que l’Assemblée nationale du Québec a adopté cette nouvelle loi, comme toutes les lois concernant la lutte contre le tabac depuis 1996. L’interdiction du tabac sur les terrasses est sans doute la mesure qui a généré le plus de débats. Ceux qui s’y opposent invoquent principalement trois arguments : les terrasses sont le dernier refuge des fumeurs; la FTS ne pose aucun risque à l’extérieur (car elle se dissipe rapidement) et cette interdiction va entraîner la fermeture de bars et de restaurants.
Des dangers reconnus pour la santé
Rappelons d’abord que les terrasses n’appartiennent pas aux fumeurs, mais à tous ceux qui veulent profiter de l’extérieur en y consommant une boisson ou en y prenant un repas. Sans compter que certaines terrasses accueillent des enfants. Mentionnons aussi qu’il n’existe pas d’exposition sécuritaire à la FTS et que cette fumée ne se dissipe pas nécessairement avec la brise. C’est ce que démontre l’Américain James Repace dans un rapport qu’il a déposé en septembre dernier, à la Commission de la santé et des services sociaux. M. Repace est un scientifique reconnu pour son expertise sur la pollution de l’air, et en particulier sur la FTS. Ses études montrent que la fumée de tabac peut voyager jusqu’à 13 mètres à partir d’une seule cigarette. Son rapport cite des dizaines de recherches démontrant que fumer sur une terrasse y augmente de manière statistiquement significative la proportion de particules fines qui se logent dans les alvéoles pulmonaires. Selon ses calculs et expériences, la concentration de FTS sur une terrasse dépend du nombre de fumeurs ainsi que de la force et de la direction du vent. Bref, même à l’extérieur, il est possible d’être incommodé par celle-ci. Cela est encore plus vrai pour les serveurs qui y travaillent pendant la saison estivale.
Finalement, que dire des fermetures de bars qu’entraînerait cette nouvelle interdiction? Dans les faits, peu d’études semblent avoir analysé spécifiquement cette question. L’Unité de recherche sur le tabac de l’Ontario rappelle toutefois que, au Canada, quatre provinces et sept grandes villes ont banni le tabac de leurs terrasses entre 1996 et 2012 et qu’aucune n’a subi de préjudices économiques. Par ailleurs, de nombreuses recherches indépendantes ont montré que la disparition du tabac à l’intérieur des bars et des restaurants n’a eu quasiment aucune répercussion sur le chiffre d’affaires ou le nombre d’emplois du secteur, rapportaient Andrew Hyland et son équipe en 2011 dans After Tobacco: What Would Happen if Americans Stopped Smoking? (chapitre 7).
Terrains de jeu, terrains de sport et voitures sans fumée
La Loi concernant la lutte contre le tabagisme interdit aussi l’usage du tabac dans les aires de jeu extérieures pour enfants, les terrains de jeu et les terrains sportifs. Il va de soi que personne ne veut respirer la FTS des autres spectateurs dans les gradins d’une estrade. Par contre, à première vue, il peut sembler que fumer dans un parc entraîne peu de désagréments, hormis les inévitables mégots. Le portrait change toutefois lorsqu’on y regarde de plus près. Fumer à proximité d’une aire de jeu pour enfants peut nuire à leur santé. Ensuite, y interdire le tabac réduit aussi le contact des enfants avec ce produit et, donc, les risques qu’ils s’intéressent à son usage. Enfin, des aires de jeu sans tabac contribuent au développement d’une société sans tabac.
Enfin, la nouvelle loi interdit l’usage du tabac dans les véhicules transportant un jeune de moins de 16 ans. « On ne doute plus que la fumée secondaire dans les automobiles – peu importe le type de ‘‘ventilation’’ – constitue un danger pour la santé, surtout pour les jeunes », note la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac dans un document récapitulatif sur la question . Le Québec a été la dernière province à adopter une telle interdiction. Dans cet espace restreint, l’exposition à la FTS est particulièrement dommageable pour les jeunes en pleine croissance. Sans compter que cette nouvelle restriction pourrait aider les fumeurs à réduire leur consommation. Pour le plus grand bien de chacun.
Des campagnes pour sensibiliser le grand public
Le ministère de la Santé et des Services sociaux déploiera sous peu une campagne médiatique annonçant l’entrée en vigueur des nouvelles interdictions. L’organisation à vocation sociale Capsana publicisera également certaines mesures dans le cadre de son programme de sensibilisation Famille sans fumée. Gardez l’œil ouvert et n’hésitez pas à partager l’information!
Anick Labelle