La marque Player’s serait estimée à 5 milliards $!
Juillet-Août 2000 - No 33
Selon l’industrie, le gouvernement exproprie sans compensation une partie du bien des fabricants, en réduisant de 65 % à 50 % la surface réservée aux marques sur les paquets. Ce n’est pas tant le contenu des avertissements qu’elle conteste, mais plutôt l’empiètement de ceux-ci sur ses marques.
Rob Cunningham, de la Société canadienne du cancer, soutient toutefois que ces marques conservent leur valeur, même en plus petit, puisqu’elles sont déjà reproduites sur des surfaces aussi minimes que des paquets d’allumettes.
Devant le Comité permanent de la santé, le président du Conseil canadien des fabricants des produits du tabac, Rob Parker, a révélé que les marques de commerce de ses trois membres valaient entre 15 et 20 milliards $. « Nos marques constituent l’actif le plus précieux pour nos compagnies, a-t-il affirmé. La valeur collective de ces marques se situe entre 15 et 20 milliards $, et on les défend avec vigueur, pas seulement au moyen de mesures de protection juridique, mais aussi contre quiconque tenterait de les contrefaire ou de les utiliser de quelque façon. »
En considérant que la valeur de chaque marque correspond à sa part de marché, on peut estimer les deux principales marques de cigarettes au pays, Player’s et du Maurier, à environ cinq milliards $ chacune, si l’on en croit M. Parker. Cet ordre de grandeur a été répété plus tard par Bob Bexon, président d’Imperial Tobacco (fabricant de ces deux marques), qui a laissé tomber : « Moi je connais des gens qui viennent de payer 9 milliards $ pour ces marques », en rapport sans doute avec l’achat d’actions de sa compagnie par British American Tobacco.
Le mot « Player’s », en blanc sur un fond bleu, avec un marin et deux petits voiliers, vaudrait donc environ cinq milliards $. Le mot « du Maurier », en gris sur un fond rouge, dans un lettrage des plus banal, accompagné des lettres d, u et m dans un rectangle doré, partagerait la même cote. Cet estimé étonnant s’explique principalement par l’attachement des fumeurs canadiens à leurs marques et par la politique de prix très élevés développée conjointement par les trois grands fabricants au cours des années.
Interrogé par Info-tabac, Gilbert Cantin, directeur général de Bastos du Canada, un petit fabricant de marques économiques, a indiqué que sa compagnie vendait ses cigarettes aux grossistes environ 50 cents le paquet, en excluant les taxes, alors que les trois grands fabricants les livrent à environ 1,50 $. Cette différence d’un dollar par paquet illustre l’ampleur des profits que réalisent les majeurs, lesquels détiennent environ 98 % du marché des cigarettes manufacturées au Canada.
Il est prévu que les bénéfices d’exploitation d’Imperial Tobacco dépasseront le milliard $ en 2001, soit environ la moitié de ses revenus, en excluant les taxes. Et si les gouvernements réussissent réellement à réduire la publicité et la mise en marché du tabac, selon l’intention des lois en vigueur, les sommes épargnées par les grands fabricants sajouteront à leurs profits. D’où la valeur des petits voiliers Player’s.
Denis Côté