La Convention-cadre au coeur des discussions d’Helsinki

C’est à Helsinki, capitale de la Finlande, que se tenait du 3 au 8 août dernier la 12e Conférence mondiale sur le tabac ou la santé. Au cours de cette semaine consacrée à la réduction du tabagisme, la ratification de la Convention-cadre pour la lutte antitabac et la nécessité d’adopter des lois et règlements dans les pays en voie de développement furent au cœur des discussions.

La Conférence mondiale sur le tabac ou la santé est présentée tous les trois ans. À Helsinki, elle rassemblait plus de 2 000 congressistes provenant d’une centaine de pays. La délégation canadienne se composait d’environ 120 personnes, dont une vingtaine de Québécois. Parmi eux figuraient des professionnels de la santé, représentants d’organismes non-gouvernementaux ainsi que des délégués du gouvernement.

Les matinées des congressistes ont débuté par une séance plénière sur les principaux thèmes de l’actualité tabagique. En après-midi, la surabondance d’ateliers et de sujets a donné du fil à retordre aux participants qui devaient privilégier certaines présentations. Malgré l’embarras du choix, la qualité des informations véhiculées et la présence d’autant d’acteurs de la lutte contre le tabagisme font de ces conférences des événements indispensables, selon le Dr Fernand Turcotte, professeur de santé publique à l’Université Laval. « Elles permettent aux intervenants de mettre à jour leurs connaissances et de se nantir de nouveaux outils pour agir globalement. »

Les participants qui le désiraient ont pu faire une brève allocution sur un sujet de leur choix ayant préalablement été approuvé par le comité organisateur de la conférence. François Damphousse, de l’Association pour les droits des non-fumeurs (ADNF), a présenté la poursuite de l’industrie canadienne du tabac qui conteste la validité de la loi fédérale sur le tabac. Le directeur de l’Association du sport étudiant de Québec, Gilles Lépine, a fait la promotion de son projet De Facto : une vaste campagne publicitaire pour prévenir le tabagisme juvénile dans la région de Québec.

Selon M. Lépine, la conférence d’Helsinki a démontré qu’il existe désormais un consensus mondial face au problème du tabagisme. « Même si tous les pays ne sont pas rendus à la même étape, c’est encourageant de voir que la lutte antitabac a beaucoup progressé au cours des dernières années, indique-t-il. On sent qu’il y a maintenant une volonté d’agir et de faire front commun contre l’industrie du tabac. »

Le long processus de ratification

« Adoptée à l’unanimité par l’Assemblée mondiale de la santé en mai dernier, la Convention-cadre pour la lutte antitabac se présente comme un outil de choix pour combattre l’épidémie planétaire de tabagisme », a affirmé la présidente de la Conférence et secrétaire général de la Société finlandaise du cancer, Dr Liisa Elovainio, dans un éditorial du Daily News, le journal officiel de la conférence. Rappelons que cette Convention établit les normes minimales sur lesquelles devront se baser les pays pour élaborer leurs propres politiques de lutte contre le tabagisme. Elle prévoit, entre autres, des mesures de taxation des produits du tabac, une interdiction totale de la publicité, l’affichage d’avertissements de santé sur les emballages, de même que la protection des individus face à la fumée de tabac dans l’environnement.

« Lorsqu’elle sera en vigueur, la Convention permettra de lutter simultanément sur plusieurs fronts et obligera les pays qui l’auront entérinée à respecter leurs engagements, explique le Dr Turcotte. Elle favorisera le partage du savoir-faire des pays possédant une politique antitabac efficace vers ceux qui n’en ont pas, et créera aussi un fonds qui servira à épauler les pays en voie de développement dans leurs démarches de réduction du tabagisme. »

Dans son discours inaugural, le nouveau directeur-général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Jong-Wook Lee, a lancé un appel à toutes les nations, leur demandant de signer, mais surtout, de ratifier le traité le plus tôt possible. « Le vrai travail ne fait que commencer », a-t-il souligné en faisant allusion au fait que, contrairement à la signature, la ratification de la Convention nécessitera de longues procédures.

« Alors qu’en signant, les pays manifestent leur intention de ratifier la Convention, ils ne peuvent la ratifier qu’au moment où leurs lois et règlements sont conformes à toutes les politiques de contrôle du tabac qu’elle suppose », précise Neil Collishaw, de Médecins pour un Canada sans fumée. Au début novembre, près de 80 pays avaient déjà signé l’entente alors que seules la Norvège, les îles Fidji et Malte l’avaient ratifiée. Elle aura force de loi lorsque 37 autres pays l’auront entérinée.

Parmi les résolutions adoptées à Helsinki, janvier 2005 a été fixé comme date à laquelle la Convention-cadre devrait idéalement entrer en vigueur. Les représentants d’organismes non gouvernementaux (ONG) ont reçu le mandat de faire pression sur leur gouvernement afin d’accélérer le processus dans leur pays respectif. D’après le Dr Turcotte, « la commande est de taille puisque dans certains pays, tout est à faire ».

Le tabagisme : un problème de développement

Sur 1,3 milliard de fumeurs estimé par l’OMS à l’échelle mondiale, 800 millions vivent dans des pays en voie de développement où la santé de la population est souvent précaire. Dans ces pays, l’absence de loi contrôlant le tabac expliquerait, en partie, pourquoi les compagnies de tabac peuvent y organiser d’agressives campagnes de marketing, relate un article de Mark Walker paru dans le Daily News.

« Le tabac n’est pas seulement un problème de santé, a indiqué dans un communiqué émis en marge de la conférence, le directeur de l’OMS, c’est aussi un problème de développement. Il désavantage particulièrement les pauvres et peut même contribuer à la malnutrition lorsque l’argent qui serait consacré à l’alimentation est dépensé pour le tabac. » Malgré cela, le contrôle du tabagisme ne figure pas encore à l’agenda des principaux programmes de développement international.

Afin de remédier à la situation, une résolution d’Helsinki demande aux Nations unies d’intégrer le contrôle du tabac à ses objectifs de développement du millénaire. Les gouvernements sont, quant à eux, invités à contribuer financièrement (en proportion de leur PIB) afin de favoriser l’entrée en vigueur de la Convention dans les pays moins développés.

Au Canada, l’organisme Médecins pour un Canada sans fumée a approché l’Agence canadienne de développement international (ACDI). Il lui a demandé de fonder un programme qui reconnaîtrait la réduction du tabagisme comme un facteur de développement. Bien qu’aucune décision n’ait été prise jusqu’à maintenant, l’ACDI se serait montrée plutôt réceptive.

Vers Washington 2006

Alors que la précédente Conférence sur le tabac ou la santé avait lieu en 2000, à Chicago, la rencontre d’Helsinki s’est singulièrement différenciée des colloques précédents, selon certains participants. « Alors qu’en Amérique du Nord, on a tendance à agir rapidement dans les dossiers relatifs au tabac; en Europe, un temps plus long est consacré aux recherches, ce qui retarde nécessairement les actions et donc les résultats », observe M. Lépine, de l’Association du Sport étudiant de Québec.

Si la majorité des congressistes canadiens interrogés par Info-tabac étaient satisfaits du déroulement de la conférence d’Helsinki, bon nombre d’entre eux ont déploré l’étroitesse de certains locaux, qui les a empêchés d’assister à d’importants exposés, alors que d’autres ont blâmé le manque de profondeur de plusieurs présentations. Plus optimiste, François Damphousse, de l’ADNF, croit que si certaines présentations ont pu paraître sans intérêt, c’est simplement un signe que le Canada a une longueur d’avance sur plusieurs pays en matière de lutte antitabac. « De plus, remarque-t-il, ça illustre le fait qu’à travers le monde, des gens de tous les milieux s’impliquent à réduire le tabagisme. »

Après cet arrêt en sol européen, la Conférence mondiale sur le tabac ou la santé reviendra aux États-Unis en juillet 2006. Washington sera l’hôte du prochain rassemblement, cette fois organisé par la Société américaine du cancer.

Josée Hamelin