En 2008, le cancer du poumon emportera 6 300 Québécois

Chaque année, la division québécoise de la Société canadienne du cancer (SCC) convoque la presse à ses bureaux montréalais pour dévoiler son livret de statistiques sur la progression du cancer. Par le témoignage d’experts et de patients locaux, elle y lance un message adapté à la réalité québécoise.

Une douzaine de journalistes et de nombreux caméramans s’entassaient donc dans la salle de réunion de la division, le 9 avril dernier, pour écouter les propos de sa directrice générale Suzanne Dubois, de son vice-président, le Dr Gilles Pineau, et d’une hémato-oncologue pédiatre, la Dre Anne-Sophie Carret.

Le portrait de la situation est accablant. En 2008 au Québec, il y aura 42 100 nouveaux cas de cancer et 19 700 personnes en mourront. À l’échelle canadienne, on dénombrera 166 400 diagnostics et 73 800 décès. Dans la province, le cancer est devenu la première cause de mortalité, alors que les maladies cardiovasculaires le dépassent encore dans le reste du pays. La SCC estime que plus d’un Canadien sur trois (40 % des femmes et 45 % des hommes) développera un cancer au cours de sa vie. Et d’ici quelques années, si la tendance se maintient, ce sera une personne sur deux.

Cancer du poumon

Causé essentiellement par la cigarette, le cancer du poumon demeure le plus meurtrier. On prévoit qu’il emportera 6 300 Québécois en 2008, soit 3 600 hommes et 2 700 femmes. Le Dr Gilles Pineau signale que la province compte 31 % des cas de ce type de cancer au pays, alors qu’elle ne forme que 24 % de la population canadienne. L’écart provient des hauts taux de tabagisme québécois au cours des décennies antérieures. La chute récente et spectaculaire de la prévalence n’apparaîtra que plus tard dans les taux de cancer du poumon, car celui-ci peut prendre 10 à 15 ans à se développer. Le Dr Pineau et Mme Dubois ont insisté sur la nécessité de poursuivre les efforts de lutte contre le tabagisme. Ils ont rappelé la contribution de leur organisme dans le domaine, notamment la ligne de soutien téléphonique J’arrête et la revendication de mesures gouvernementales, tant à Québec qu’à Ottawa.

En Colombie-Britannique, où l’on fumait beaucoup moins qu’au Québec durant les années 1980 et 1990, l’incidence du cancer du poumon, par 100 000 habitants, est de 53 nouveaux cas prévus pour 2008, comparativement à 94 chez nous, le plus haut taux provincial. La moyenne pancanadienne est de 67 cas par 100 000. À l’échelle du pays, chez les hommes, il y a presque deux fois plus de nouveaux cas de cancer de la prostate (incidence de 129) que du poumon, mais ce dernier est deux fois et demie plus meurtrier (incidences de 59 contre 24). On constate une situation similaire parmi les femmes, où le cancer du sein est deux fois plus diagnostiqué que le cancer du poumon (incidences de 103 contre 51) mais tue presque deux fois moins (incidences de 22 contre 40).

Environ 60 % des décès par cancer du poumon surviennent entre les âges de 60 et de 79 ans. En 2008, cette maladie tuera toutefois quelque 2 500 Canadiens dans la cinquantaine et environ 710 dans la quarantaine. Le taux de survie demeure faible, soit à peine 15 % cinq années après le diagnostic.

Aussi des enfants

La division québécoise de la Société a aussi abordé les cancers pédiatriques, appuyée par un jeune survivant, Vincent Chapdelaine-Poirier, âgé de 10 ans. Malgré sa relative rareté parmi les enfants, le cancer est la principale cause de décès par maladie. En 2008, quelque 230 jeunes Québécois de moins de 15 ans seront diagnostiqués d’un cancer alors que 40 en mourront. Nouvelle encourageante toutefois : la survie cinq ans après le diagnostic est aujourd’hui de 82 %, en hausse de 11 points par rapport à il y a 15 ans.

Notant que le taux de survie chez les adultes s’améliore également (il est actuellement de 62 % cinq ans après le diagnostic), la Société canadienne du cancer insiste sur trois priorités : le maintien de la lutte antitabac, car 1,2 million de Québécois fument encore, un programme de dépistage pour le cancer colorectal et une participation accrue des Québécoises de 50 à 69 ans au dépistage du cancer du sein.

Louise Labrie

Au milieu de sa présidence de la division québécoise de la Société canadienne du cancer, de 2006 à 2008, Louise Labrie fut elle-même victime d’un cancer du poumon. En conférence de presse, elle a témoigné des soins et du réconfort qu’elle a reçus lors de son épreuve : « Je suis guérie grâce aux soins, au traitement, mais aussi parce que j’avais confiance en moi et que j’étais bien entourée. J’ai croisé des gens en détresse qui n’avaient pas de soutien. Il faut qu’ils sachent que la Société canadienne du cancer peut leur offrir différents types d’appui et d’écoute. » Ayant cessé de fumer en 1990, madame Labrie fut par la suite l’instigatrice du Défi « J’arrête, j’y gagne! », lequel a aidé des dizaines de milliers de Québécois à rompre avec le tabac.

Denis Côté