Les élèves du secondaire délaissent enfin le tabac

Le tabac est moins en vogue qu’il ne l’était auparavant auprès des jeunes étudiants. C’est ce que révèle l’Enquête québécoise sur le tabagisme chez les élèves du secondaire, réalisée par l’Institut de la statistique du Québec, dont les résultats préliminaires furent dévoilés fin mai. De 2000 à 2002, le tabagisme juvénile a chuté de 6 points, passant de 29 % à 23 %, ce qui est remarquable considérant qu’entre 1998 et 2000, seule une légère baisse de 1,4 % fut observée.

Troisième d’une série d’enquêtes effectuées tous les deux ans auprès d’élèves du secondaire 1 à 5, l’étude 2002 démontre que les interventions antitabac des dernières années se sont avérées efficaces. « C’est très encourageant, on voit que les messages passent, souligne le Dr Marcel Boulanger, président du Conseil québécois sur le tabac et la santé et directeur d’une clinique de traitement du tabagisme. Chez les jeunes, la norme sociale a changé. Ce n’est plus cool de fumer et ce qui est formidable, c’est que ce phénomène est aussi présent chez les fumeurs adultes. »

Résultats préliminaires

Selon les premières analyses, la réduction du tabagisme remarquée au cours des deux dernières années serait davantage attribuable au nombre croissant d’ados n’ayant jamais fumé qu’aux fumeurs ayant décidé d’écraser. Alors qu’en 1998, 48 % des répondants se disaient « non-fumeurs depuis toujours », ce taux est passé à 54 % en 2000 pour atteindre 60 % en 2002.

Ce sont principalement les élèves de secondaire 1 à 3 qui font changer la donne puisqu’ils affichent les plus forts taux de non-fumeurs. Cependant, à chaque hausse de niveau scolaire, une majoration du pourcentage de fumeurs est également remarquée. Alors qu’on en compte 13,9 % en première secondaire, le ratio augmente à 31,3 % chez les élèves de secondaire 5.

Les filles se démarquent encore malheureusement par leur attrait vers la cigarette. Même si la proportion de fumeuses est passée de 33 % à 26 % de 2000 à 2002, il reste beaucoup de chemin à faire; six points d’écart les séparent des garçons, dont la prévalence est de 20 %. « Encore trop de jeunes filles croient, à tort, qu’elles pourront plus facilement contrôler leur poids en fumant, déplore le Dr Boulanger. Or, les femmes qui décident de cesser de fumer se retrouvent souvent avec un gain de poids important, qu’elles n’auraient probablement jamais acquis si elles n’avaient pas été fumeuses. »

Même s’ils sont moins nombreux en 2002 que par les années passées, les adeptes de la nicotine ont des habitudes tabagiques similaires à leurs prédécesseurs. Ils consomment approximativement la même quantité de cigarettes à une fréquence semblable. Cependant, en 2002, ils sont plus nombreux à envisager de rompre avec la cigarette dans les 6 mois suivant l’enquête (36 % d’entre eux le désirent, contre 31 % en 2000).

Moins exposés à la fumée de tabac dans leur environnement familial et scolaire, les adolescents d’aujourd’hui comptent plus d’amis non-fumeurs; 27 % d’entre eux affirment qu’aucun de leurs camarades ne fume, comparativement à 21 % en 2000. Alors que 36 % des fumeurs interrogés disent avoir la permission de fumer à la maison, 47 % de tous les jeunes sondés rapportent, à l’inverse, vivre dans un domicile totalement sans fumée.

Méthodologie et conclusions

Près de 4 800 élèves provenant de 150 écoles secondaires ont répondu au sondage, entre le début novembre et la mi-décembre 2002. Parmi eux, les jeunes ayant fumé au moins une cigarette entière, pendant les 30 jours précédant l’enquête, étaient répartis en trois catégories : fumeurs débutants, occasionnels ou quotidiens, dépendamment du nombre et de la fréquence de cigarettes consommées.

L’enquête a comme principal objectif de tracer un portrait des habitudes de consommation du tabac chez les élèves du secondaire : pourquoi les jeunes commencent ou cessent de fumer, quelles sont leurs perceptions du tabagisme et des mesures pour le contrer?

Si les résultats ne permettent pas d’identifier avec exactitude les facteurs à l’origine d’une telle réduction du tabagisme, le Dr Alain Poirier, directeur national de santé publique, croit que le progrès constaté est attribuable à la lutte sur plusieurs fronts qui a été menée par le gouvernement et les intervenants du milieu antitabac.

« Il y a d’abord eu la mise en place de la Loi sur le tabac qui a, entre autres, interdit la publicité. La dénormalisation et les campagnes contre la fumée de tabac dans l’environnement ont fait en sorte que fumer n’est plus perçu comme une habitude enviable. Sans oublier les hausses de taxes ayant un impact très perceptible chez les jeunes, dont les revenus sont souvent modestes », expose le Dr Poirier.

« Au Québec, en ce qui concerne le tabac, poursuit-il, on a fait des progrès énormes en très peu de temps. On va d’ailleurs pouvoir se servir du cas du tabac pour montrer que lorsque l’on investit de l’argent de manière coordonnée, dans différents projets, sur plusieurs fronts, on arrive à des résultats concluants. »

Les résultats préliminaires de l’enquête ont été placés sur le site de l’Institut de la statistique du Québec. Le rapport exhaustif d’une centaine de pages paraîtra à l’automne.

Diminution importante des ventes de cigarettes

Selon des données de Santé Canada compilées par Francis Thompson, analyste à l’Association pour les droits des non-fumeurs (ANDF), les ventes de tabac auraient chuté de 15 % de 2001 à 2002 au Québec, ce qui représente un recul remarquable du tabagisme. Or, pour la même période, un sondage de Statistique Canada indique, qu’au Québec, la prévalence serait plutôt passée de 24 à 27 %. Préférant se fier aux rapports des ventes pour suivre l’évolution du tabagisme, M. Thompson croit que les sondages ne sont pas toujours fiables, car les gens peuvent mentir pour bien paraître. « À l’inverse, lorsqu’il y a des cigarettes vendues, logiquement, il y a des gens qui les fument. » Selon l’analyste, il est improbable que la contrebande entraîne une diminution des quantités déclarées par les fabricants puisque la taxe à l’exportation en vigueur depuis 2001 enraye ce phénomène : « Une réduction de 15 %, c’est presque du jamais vu, même sur la scène internationale, se réjouit M. Thompson. Si une telle baisse est renouvelée l’an prochain, ce sera un exploit. »

Josée Hamelin