De Facto s’en prend aux « voleurs de vie »

Campagne québécoise visant les jeunes
Sur l’air de la Valse triste de Jean Sibelius, rythmée par le tic-tac d’un pendule, dans un vaste bureau aux murs lambrissés, un homme en habit noir regarde par la fenêtre. Au bout de deux secondes, l’écran tourne à l’écarlate et un texte en blanc explique que « Les produits du tabac enrichissent leur industrie de 31 milliards de dollars par année », « et tuent une personne toutes les six secondes », des mots qu’un narrateur hors champ nous lit d’une voix où pointe une indignation contenue.

La caméra a valsé sur les accessoires du bureau, entre les deux bouts de phrases écrites à l’écran, puis on voit l’homme du début de face portant un masque de tissu noir sur les yeux, alors que la trame sonore se transforme en laissant craindre qu’un événement tragique va se produire. L’adresse électronique voleursdevie.ca apparaît enfin en blanc sur rouge. Et c’est tout. Après 11 secondes, voilà le message signé DeFacto.ca.

Le clip existe aussi dans une autre version, moins brutale et aussi mystérieuse. Les deux clips ont été diffusés à la télévision durant les trois premières semaines en novembre, et hantent le cyberespace depuis le 23 octobre. Ils avaient été précédés à partir de cette date par une autre vidéo diffusée à la télévision, un peu plus longue et encore plus intrigante, parce que sans texte ni signature graphique ou vocale de De Facto.

Certaines affiches en lien avec la campagne 2011 ont aussi été placardées en octobre dans des endroits publics à Montréal et à Québec, et d’autres distribuées dans les écoles au cours des mois suivants.

Le financement de l’offensive médiatique annuelle provient du ministère de la Santé et des Services sociaux.

La campagne 2011 de De Facto ne manquait pas de mordant.

En parallèle d’une présence à l’écran et sur les murs, les campagnes De Facto, parce qu’elles sont patronnées par le Réseau du sport étudiant du Québec, rejoignent aussi directement environ 60 000 élèves-athlètes et étudiants-athlètes d’établissements d’enseignement secondaire, collégial et universitaire, qui portent d’ailleurs souvent des tee-shirts griffés du mystérieux logo-adresse DeFacto.ca. 

Le message passe

Lors d’une conférence pancanadienne sur le tabac ou la santé, à Toronto en novembre, Daniel Veilleux et Karine Bélanger, du Réseau du sport étudiant des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches, qui a été à l’origine en 2003 des campagnes De Facto, avaient quelques échos à donner de celle de l’automne 2010, dirigée contre le marketing racoleur de l’industrie, et qui donnait à voir à l’écran une grenade (voir Info-tabac no. 85, page 16). 

En 2010, ce qu’en ont retenu spontanément 30 % des téléspectateurs, lorsque la firme Léger Marketing les a interrogés au bout d’une semaine ou deux de diffusion du clip « grenade » : il ne faut pas se fier aux apparences, le tabac reste nocif. Lorsqu’on offrait aux personnes interrogées des choix à faire parmi plusieurs réponses, 89 % des répondants ont dit que la campagne visait à dénoncer les stratégies de marketing de l’industrie du tabac, 84 % ont dit que cela servait à dénoncer les emballages séduisants, 76 % ont dit que c’était pour prévenir le tabagisme. Finalement, 81 % ont trouvé le message crédible.

Pierre Croteau