Champix et Zyban : des médicaments sécuritaires

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Augmentation des niveaux d’anxiété, d’agitation, des pensées suicidaires et des épisodes agressifs. Il n’y a aucun doute : une mauvaise réputation entoure les médicaments d’aide à la cessation tabagique, la varénicline et le buproprion, vendus respectivement sous les marques de commerce Champix et Zyban. Plusieurs études s’étaient déjà penchées sur les effets neuropsychiatriques de ces deux médicaments. Mais certaines ne prenaient en compte que certains de ces effets tandis que d’autres éliminaient d’office les patients les plus malades.

Publiée dans The Lancet (édition du 18 juin 2016), l’étude EAGLES constitue une preuve importante que ces deux médicaments n’entraînent pas plus de symptômes neuropsychiatriques que les timbres de nicotine (pensées suicidaires, anxiété, agressivité, etc.), et ce, que le fumeur soit atteint ou non de problèmes psychiatriques. L’étude est la plus imposante menée à ce jour sur cette question. Ses résultats ont été jugés assez convaincants pour que les autorités sanitaires de l’Union européenne retirent leur avertissement sur l’usage du Champix. La Food and Drug Administration américaine, qui a commandé l’étude, réserve toutefois son jugement pour l’instant.

Une méthodologie solide

Cette recherche, menée par le professeur Robert Anthenelli et son équipe, a été financée par Pfizer et GlaxoSmithKline. Sa force est l’utilisation d’une méthodologie rigoureuse. Les chercheurs ont recruté, dans 16 pays, près de 8200 fumeurs. Ceux-ci grillaient en moyenne 10 cigarettes ou plus par jour depuis au moins un an et souhaitaient tous cesser de fumer. Parmi eux, environ 4000 souffraient de problèmes psychiatriques (troubles de l’humeur, troubles anxieux, troubles psychotiques ou troubles de la personnalité). Les personnes affectées au cours des 12 derniers mois par une dépendance à l’alcool ou à d’autres drogues étaient exclues, de même que les personnes dont l’état psychiatrique s’était détérioré au cours des six derniers mois.

Le suivi auprès des participants s’est étendu sur 24 semaines : 12 semaines pendant lesquelles ils recevaient un traitement ou un placebo et 12 semaines à la suite de ce traitement. Les chercheurs ont rencontré chaque participant jusqu’à 15 fois en face à face et 11 fois au téléphone. Les chercheurs mesuraient leur tabagisme en calculant le taux de monoxyde de carbone dans leur souffle expiré puis, à l’aide de différents outils psychiatriques, la sévérité de 16 symptômes psychiatriques, incluant l’agitation, la dépression, l’anxiété, l’idéation suicidaire et l’agressivité. Afin d’éviter tout biais, les chercheurs se sont assurés que tout le monde – participants, médecins et chercheurs – ignorait quel traitement avait reçu un fumeur en particulier.

Pas plus d’effets neuropsychiatriques qu’un timbre de nicotine

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Au final, Robert Anthenelli et son équipe calculent que 6,5 % des fumeurs avec des problèmes psychiatriques ayant reçu du Champix ont connu des effets neuropsychiatriques modérés et sévères au cours des 24 semaines. Du côté des fumeurs sans problèmes psychiatriques, cette proportion tombe à 1,3 %. Dans les deux cas, la différence est non significative comparativement aux fumeurs ayant reçu d’autres types de traitement. En somme, selon ces scientifiques, les effets indésirables les plus courants des aides à la cessation tabagiques sont la nausée (chez 25 % des usagers de la varénicline), l’insomnie (12 % des usagers du buproprion), des rêves anormaux (12 % des usagers de timbres de nicotine) et des maux de tête (10 % des usagers de placebo).

Mentionnons aussi que, selon le professeur Robert Anthenelli et son équipe, le Champix est plus efficace que le Zyban ou les timbres de nicotine pour soutenir le sevrage du tabac tandis que le Zyban et le timbre de nicotine sont plus efficaces que le placebo. D’autres études montrent toutefois que l’utilisation simultanée de deux thérapies de remplacement de la nicotine (TRN) est aussi efficace que la varénicline. Notons également que Santé Canada recommande encore qu’une TRN soit utilisée avant le Champix ou le Zyban.

Rester prudent

En somme, « l’étude EAGLES démontre que des effets neuropsychiatriques modérés et sévères peuvent toujours survenir chez les fumeurs qui se libèrent du tabac, quelle que soit la méthode d’abandon utilisée, et qu’ils sont plus fréquents chez les personnes atteintes d’une maladie psychiatrique », commente le Dr André Gervais, médecin-conseil à la Direction régionale de santé publique du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. En effet, la varénicline a entraîné cinq fois plus d’épisodes neuropsychiatriques modérés et sévères chez les personnes souffrant d’une maladie psychiatrique stable que chez les personnes qui n’en souffrent pas (6,5 % contre 1,3 %). Mentionnons aussi que, selon les chercheurs, cette étude ne compte pas assez de participants pour conclure, hors de tout doute, que ces médicaments n’entraînent pas davantage de suicides, comparativement aux autres traitements. « Bref, il faut encore aviser les fumeurs qui se libèrent du tabac qu’ils pourraient subir des effets neuropsychiatriques, surtout s’ils souffrent déjà de problèmes psychiatriques, et s’assurer de faire un suivi médical auprès d’eux, conclut le Dr Gervais. Il ne faut pas oublier non plus que les résultats de cette étude ne s’appliquent pas aux patients atteints d’une maladie psychiatrique instable et qui ont abusé d’alcool ou d’autres drogues au cours des 12 derniers mois. Or, ce sont justement pour ces personnes les plus à risque que nous avons le plus besoin de traitements efficaces! »

Anick Labelle