Nouvelles brèves

Contrebande

Le bras de fer se poursuit entre les pouvoirs publics et les grands fabricants canadiens, à propos de la responsabilité de ces derniers dans la crise de la contrebande des années 1990. Le 23 novembre, dans la cause opposant JTI-Macdonald au ministère du Revenu du Québec, le juge James Farley, de la Cour supérieure de l’Ontario, a prolongé de trois mois la protection juridique du cigarettier contre ses créanciers. D’une part, le fabricant tente de faire annuler l’imposante réclamation de 1,36 milliard $, de Revenu Québec, alléguant que le ministère le présume coupable sans procédure équitable. D’autre part, Revenu Québec essaie de limiter les restructurations corporatives ou transferts d’actifs irréguliers de la compagnie, qui viseraient à empêcher le paiement d’amendes importantes.

Quant au géant canadien du tabac, Imperial Tobacco, il a été l’objet d’une importante perquisition de la Gendarmerie royale du Canada du 26 au 28 novembre. Le fabricant des Player’s et du Maurier est le dernier des trois grands à subir une telle visite concernant la contrebande des années 1990. La direction d’Imperial Tobacco s’est dite estomaquée par la perquisition, et soutient n’avoir rien à se reprocher.

Les trois fabricants canadiens sont suspectés d’avoir, de 1991 à 1994, alimenté la contrebande en exportant d’énormes quantités de cigarettes hors taxes vers les États-Unis, en sachant qu’elles reviendraient illégalement au pays, notamment par l’entremise de réseaux autochtones. Vers 1993, cette filière occupait plus de la moitié du marché québécois.

Mises en garde

Santé Canada s’apprête à imposer des mises en garde à ajouter aux annonces de produits du tabac qu’autorise, en principe, la législation fédérale. Dans un document de consultation daté du 17 novembre, le Bureau de la réglementation et de la conformité propose que chaque annonce publiée comporte un rectangle, d’au moins 20 % de la surface, reproduisant en noir sur blanc une mise en garde sans illustration. Par exemple, on y lirait « Fumer pendant la grossesse nuit à votre bébé » ou « Qui dit fumée dit cyanure d’hydrogène ».

L’exercice semble assez théorique puisque selon Santé Canada, les fabricants ont dépensé seulement 15 000 $ en 2003 pour annoncer leurs produits. La plupart des publicités étant des réclames de cigares. Les trois principaux cigarettiers n’ont pas recours à la publicité traditionnelle, car ils soutiennent, devant les tribunaux, que la formulation de la loi fédérale est si stricte qu’elle équivaut à une interdiction totale de la publicité.

Les intéressés avaient jusqu’au 20 décembre pour transmettre leurs observations et suggestions à la gestionnaire intérimaire de la réglementation à Santé Canada, Christine Belle-Isle.

Loi avant-gardiste en Ontario

Plusieurs médias torontois ont publié les grandes lignes du renforcement du programme provincial ontarien de lutte antitabac. Début décembre, le ministre de la Santé et des Soins de longue durée, George Smitherman, s’apprêtait à déposer un projet de loi très musclé qui interdira de fumer dans tous les endroits publics et lieux de travail intérieurs. L’intention gouvernementale est aussi de bannir les étalages de produits du tabac dans les points de vente. De plus, le gouvernement du premier ministre Dalton McGuinty entend hausser les taxes sur le tabac et financer les aides pharmacologiques. Interrogé par le Globe and Mail, le ministre Smitherman a promis la loi la plus complète au pays.

Manger sans fumée

Dans le cadre de la Semaine québécoise pour un avenir sans tabac 2005, du 16 au 22 janvier, son organisateur, le Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS), propose aux restaurateurs d’offrir une journée sans fumée. Présenté en collaboration avec l’Association des restaurateurs du Québec (ARQ), le projet « Bien manger sans fumée! » encouragera tous les établissements de la province à interdire l’usage du tabac le jeudi 20 janvier. Les dirigeants de l’ARQ se sont impliqués rapidement et avec enthousiasme, a indiqué Michelle Gosselin, coordonnatrice de la Semaine pour le CQTS. Suite à un envoi massif aux 20 000 restaurants du Québec, les tenanciers intéressés recevront, sur demande, une affiche et des centres de table soutenant l’initiative.

L’ARQ ne s’oppose plus à l’interdiction du tabac dans les restaurants. Le regroupement considère qu’il y a un consensus social suffisant. « L’industrie de la restauration s’ajusterait, sans livrer aucune bataille », a indiqué son vice-président François Meunier à La Presse.

Par ailleurs, le CQTS et son agence de publicité Pub point com poursuivent l’enregistrement de capsules télé mettant en vedette des personnalités des réseaux SRC, TVA ou TQS. Une vingtaine de comédiens et animateurs livreront, en 30 secondes, des témoignages sur les méfaits de la fumée secondaire. La porte-parole officielle de la Semaine, Mireille Deyglun, sera du nombre. La campagne 2005 a pour thème Libérez l’air de la fumée secondaire.

Cour d’école sans fumée

Depuis la dernière rentrée scolaire, il est interdit de fumer sur le terrain de l’école secondaire Dr-Alexis-Bouthillier de St-Jean-sur-Richelieu, en Montérégie. L’idée, lancée par l’infirmière scolaire Patricia Deneault, a été approuvée par le Conseil d’établissement et l’assemblée du personnel.

« Pourquoi devrait-on tolérer que les jeunes fument dans la cour d’école, alors qu’ils n’ont même pas le droit d’acheter des cigarettes? s’interroge Mme Deneault. Est-ce que l’on fermerait ainsi les yeux si c’était de la bière qu’ils consommaient? »

Puisque les jeunes ne peuvent sortir de la cour de l’école lors des récréations, il ne leur reste que le midi pour fumer, ce qui les incite à diminuer leur consommation. L’école offre aussi un service d’arrêt tabagique à l’intention des élèves qui désirent écraser.

La dépendance au tabac étant une « habitude » qui s’acquiert à l’adolescence, l’infirmière espère que le gouvernement du Québec bannira la cigarette des cours d’école lors de la révision de la Loi sur le tabac. Le premier ministre Charest s’y était d’ailleurs engagé, envers les groupes antitabac, lors de la campagne électorale de 2003.

Loi fédérale en Cour d’appel

Une cause d’une grande importance a été entendue par la Cour d’appel du Québec du 29 novembre au 3 décembre. Les principaux cigarettiers canadiens, qui contestent la validité du jugement rendu en 2002 par le juge André Denis de la Cour supérieure, s’opposent à certains aspects de la Loi sur le tabac fédérale. Rothmans Benson & Hedges, JTI-Macdonald et Imperial Tobacco prétendent, entre autres, que les restrictions sur la publicité et la promotion, de même que les règlements exigeant la présence de mises en garde sur les paquets de cigarettes, portent atteinte à leur liberté d’expression.

Le procureur général du Canada et la Société canadienne du cancer (qui agit à titre d’intervenante) soutiennent pour leur part que la Cour supérieure a eu raison de confirmer la légitimité de cette loi qui a permis de réduire, de manière considérable, la prévalence du tabagisme.

Les juges Marc Beauregard, André Brossard et Pierrette Rayle, qui ont été saisis du dossier, doivent rendre une décision d’ici quelques mois. Peu importe le groupe vainqueur, tout porte à croire que le jugement rendu sera soumis à la Cour suprême.

4e Conférence canadienne

La 4e Conférence nationale sur le tabagisme ou la santé se tiendra du 19 au 22 juin 2005 à l’Hôtel Westin d’Ottawa. Son hôte, le Conseil canadien pour le contrôle du tabac (CCCT), en a dévoilé les grandes lignes en octobre. Un « appel de propositions » a été lancé pour obtenir des suggestions de séances plénières, séances parallèles, groupes d’experts, ateliers, déjeuners-débats ou affiches portant sur des travaux originaux. Bien que la date limite de réception des propositions était fixée au 15 décembre, la gestionnaire de l’événement, Ruta Klicius, accepte de considérer, au cas par cas, les suggestions tardives de lecteurs d’Info-tabac qui n’auraient pas reçu l’avis du CCCT.

Le congrès touchera à tous les aspects d’une stratégie globale de lutte contre le tabagisme dont la cessation, la prévention, la protection des non-fumeurs, la dénormalisation et la réduction des méfaits, de même que la mise en oeuvre de lois, de règlements fiscaux, de politiques, de programmes et de pratiques. Officiellement bilingue, la Conférence se tiendra surtout en anglais; quelques séances seront pourvues de traduction simultanée. Le comité organisateur, présidé par le Dr Robert Cushman, espère que « tous les participants pourront établir un lien avec au moins trois personnes, programmes, idées ou organismes qui auront un effet important sur leur travail dans les six mois suivant la conférence ».

Plus de 700 délégués sont attendus, principalement de l’Ontario. Lors de la 3e Conférence du genre, qui était présentée en décembre 2002 à Ottawa, on avait dû limiter à 560 le nombre d’inscriptions en raison du manque d’espace.

Défi « J’arrête, j’y gagne! »

La campagne publicitaire du 6e Défi « J’arrête, j’y gagne! » est déjà en cours et les inscriptions seront prises du 1er janvier au 28 février. À l’aide d’un parrain non-fumeur, les fumeurs doivent s’abstenir au moins durant les six semaines allant du 1er mars au 11 avril 2005. Des prix seront Tirés au hasard en avril à l’intention des participants ayant respecté leur engagement.

Déposée en mai dernier par Mauricio Gomez-Zamudio et Lise Renaud, de la Direction de santé publique de Montréal, une analyse coûts-bénéfices expose en détails les retombées du populaire concours d’arrêt tabagique. Compte tenu des taux de réussite de sevrage après un an, selon les sondages, le programme ne coûte que 92 $ par personne libérée du tabagisme. L’analyse considère que le concours, organisé par le groupe Acti-menu, « valorise le fait de ne pas fumer et crée une atmosphère qui vise à promouvoir la dénormalisation du tabagisme ».

Tous les détails du Défi 2005 se trouvent au www.defitabac.qc.ca. Les organisateurs peuvent y commander du matériel promotionnel. En 2004, pas moins de 88 % des 37 900 inscriptions provenaient d’Internet.

De retour d’Irlande, où elle prenait part à la Conférence mondiale de l’Union internationale contre le cancer, la coordonnatrice provinciale du Défi, Louise Labrie, indique que l’initiative québécoise fait l’admiration des spécialistes antitabac à travers le monde, tant par son taux de participation que par son taux de sevrage réussi. Mme Labrie était enchantée de son séjour, ayant notamment visité quelques pubs irlandais désormais sans fumée mais toujours aussi animés.

Convention-cadre bientôt en vigueur

Une étape déterminante pour la santé publique vient d’être franchie alors que le Pérou a été le 40e pays à ratifier la Convention-cadre pour la lutte antitabac, le 30 novembre dernier. Ce traité de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) entrera en vigueur le 28 février 2005, soit 90 jours après sa quarantième ratification. À partir de ce moment, il aura force de loi et édictera les normes minimales de contrôle du tabagisme auxquelles devront se conformer les pays qui y ont adhéré.

« Il semble que l’élan suscité par la Convention-cadre pour la lutte antitabac ne puisse plus être arrêté, a déclaré le directeur général de l’OMS, Jong-Wook Lee. Il montre l’importance que donne la communauté internationale à la nécessité de sauver des millions de vies, actuellement emportées par le tabac. »

Le Canada, qui a signé l’entente en juillet 2003, fut le 37e pays à la ratifier le 26 novembre. Les groupes antitabac se sont réjouis de la ratification canadienne qui laisse entrevoir un resserrement des mesures de contrôle du tabagisme. Le ministre fédéral de la Santé, Ujjal Dosanjh, a d’ailleurs profité d’un point de presse sur l’entrée en vigueur de la Convention, pour annoncer que le Canada sera le premier pays à se doter d’une norme nationale pour réduire les risques d’incendie posés par la cigarette.