Au tour de l’Ontario et du Québec d’augmenter leurs taxes sur le tabac

Les pressions se multiplient pour que l’Ontario et le Québec, là où les cigarettes sont les moins chères au Canada (ou même aux États-Unis), augmentent à nouveau leurs taxes sur le tabac, mais considérablement cette fois. Plusieurs éléments donnent du muscle à ces demandes.

Les provinces de l’Ouest ont toutes unilatéralement accru leur taxation depuis février, et ce dans des proportions qui ont épaté les organismes de santé. La Colombie-Britannique a ouvert le bal le 19 février, avec une hausse de 8 $ la cartouche, suivie de l’Alberta le 20 mars avec un bond énorme de 18 $. La Saskatchewan a ensuite surpris les fumeurs à son tour, le 27 mars, avec une hausse de 14,80 $ la cartouche. Enfin, le Manitoba a fermé la marche le 22 avril par une majoration de 9,80 $. Les quatre provinces de l’Ouest ont maintenant une taxation moyenne d’environ 30 $ la cartouche de 200 cigarettes. Elles ont récupéré la portion de taxation abandonnée le fédéral en 1994 pour endiguer la contrebande.

L’invitation à les imiter est ouverte pour l’Ontario et le Québec, afin d’éviter la contrebande interprovinciale (surtout entre l’Ontario et le Manitoba), mais aussi pour devancer le gouvernement canadien, lequel est accusé par les provinces de trop taxer les contribuables, compte tenu de ses champs de compétences. Une proportion 2/3 – 1/3 en matière de taxation du tabac, plutôt que 1/2 – 1/2 comme il était d’usage, amènerait des fonds additionnels aux provinces, notamment pour les soins de santé, dont le traitement des maladies liées au tabac.

L’Ontario est réceptive

L’Ontario semble entendre le message, surtout depuis que Ernie Eves est devenu chef du Parti Conservateur, remplaçant Mike Harris, un homme qui détestait les taxes. Le nouveau premier ministre, de même que deux autres candidats à la chefferie, Tony Clement et Elizabeth Witmer, admettent volontiers aux journalistes qu’ils envisagent une hausse de taxe sur le tabac. M. Clement est ministre de la Santé alors que Mme Witmer est vice-premier ministre et ministre de l’Éducation. Avec de tels appuis, deux questions demeurent. Quand? Et combien? Des médias ontariens indiquent qu’une augmentation de 15 $ la cartouche serait à l’étude, laquelle rapporterait un milliard à la province.

Les prochains jours seront cruciaux. Le Québec et l’Ontario accepteront-ils de surprendre Ottawa en augmentant unilatéralement leurs taxes, affirmant candidement imiter les autres provinces? Et si l’Ontario voulait y aller d’un grand coup, de 10 $ ou 15 $ la cartouche, le Québec l’accompagnerait-il?

Trois des quatre provinces maritimes ont aussi élevé leur taxation, en mars ou en avril, toutes de 5 $ la cartouche. Seul le Nouveau-Brunswick s’est retenu. Deux des cinq provinces qui avaient baissé leurs taxes en 1994, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard, viennent donc de les augmenter sans s’harmoniser avec le fédéral. Mais les deux provinces populeuses oseront-elles?

Tout comme leurs vis-à-vis ontariens, mais sur un terrain peut-être moins fertile, les principaux organismes antitabac du Québec tentent eux aussi, inlassablement, d’inciter leur gouvernement provincial à accroître de beaucoup sa taxation du tabac. Interrogés par les médias, la ministre des Finances Pauline Marois, de même que plusieurs fonctionnaires, ont déclaré récemment qu’ils évaluaient la situation.

Le journaliste Michel Corbeil du Soleil a signé plusieurs articles solides favorisant des hausses. Voici un extrait de son texte du 22 avril, intitulé Le Québec, paradis des cigarettes bon marché : « La surveillance d’une reprise de la contrebande fait partie de l’évaluation du contexte, dit-on au cabinet de Mme Marois. Nous avons toujours comme objectif de ne pas rallumer la contrebande, dit-on à Ottawa. Personne n’a pu expliquer au Soleil comment ce phénomène pourrait reprendre maintenant que les prix sont plus bas ici. »

68 % d’appui au Québec

Le 16 mai, la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac a diffusé un communiqué selon lequel 68 % des Québécois approuveraient des hausses substantielles de la taxation du tabac, en se basant sur un sondage de Léger Marketing. Si les fonds recueillis allaient aux « programmes de prévention et d’aide à la cessation du tabagisme ainsi qu’à l’amélioration de l’accès au système de santé québécois pour le traitement de maladies comme le cancer », pas moins de 39 % des fumeurs et 75 % des non-fumeurs appuieraient une hausse de 3 $ le paquet (24 $ la cartouche) répartie sur une période d’un an et demi (trois hausses de 1 $). « Rien ne devrait empêcher le gouvernement d’agir en faveur de la santé des Québécois », a plaidé le coordonnateur de la Coalition, Louis Gauvin.

M. Gauvin espère que la hausse éventuelle puisse contribuer à doubler les budgets consacrés à la prévention au Québec, les faisant atteindre le cap du demi-milliard de dollars, comme l’a souhaité dernièrement le ministre délégué Roger Bertrand. Les groupes spécialisés en lutte antitabac répètent que leur secteur devrait pouvoir compter sur un budget annuel de 75 millions, ce qui deviendrait extrêmement rentable pour le gouvernement en tenant compte des maladies évitées, selon deux récentes études du Groupe d’Analyse économique.

Pour plus de renseignements, voir la nouvelle section « Taxation » du site Web du Centre national de documentation sur le tabac et la santé (accès facile par Info-tabac.ca)

Denis Côté