Sevrage obligatoire dans les prisons fédérales et provinciales

Les plus rebelles des fumeurs devront obligatoirement écraser en 2008. Le Service correctionnel du Canada (SCC) a annoncé, fin juin, que ses 58 pénitenciers deviendront entièrement non-fumeurs d’ici le 30 avril prochain.

Tant les employés que les détenus auront accès à de la documentation sur les méfaits du tabagisme, de même qu’à des produits de désaccoutumance au tabac. L’intérieur de ces établissements était théoriquement sans fumée depuis janvier 2006, mais puisque les détenus pouvaient encore boucaner à l’extérieur, nombre d’entre eux récidivaient dans leur cellule. Lorsque le règlement entrera en vigueur, la clientèle carcérale n’aura plus le droit de posséder ni allumettes ni cigarettes.

Quant aux pénitenciers de juridiction provinciale du Québec, ils emboîtent le pas, devançant même l’échéancier fédéral. En effet, sept semaines après l’annonce d’Ottawa, le ministère de la Sécurité publique a révélé, par voie de communiqué, que ses 18 établissements interdiront l’usage du tabac dès le 5 février 2008, soit trois mois avant les centres de détention fédéraux.

Lieu de travail plus sain

« Le Service correctionnel du Canada prend cette mesure pour accroître la sécurité dans toutes ses unités et pour offrir un milieu de vie et de travail sain aux employés, aux délinquants, aux bénévoles, aux visiteurs et aux entrepreneurs », a expliqué son commissaire, Keith Coulter. Les risques d’incendies et le commerce de produits à fumer (tabac et marijuana) seront nettement réduits. Cette politique s’inspire de ce qui se faisait déjà avec succès dans la plupart des pénitenciers provinciaux du reste du pays.

Avant d’opter pour l’interdiction complète, le SCC avait mené une série de consultations avec les syndicats, membres du personnel, partenaires et comités de détenus. Le Service élabore présentement les plans de mise en application de ce règlement audacieux (environ 70 % des prisonniers fument, selon Jean-Yves Roy du SCC). Des dispositions particulières seront prises pour les détenus autochtones ou autres « dont les pratiques religieuses et spirituelles pourraient être touchées ».

Appui du syndicat

L’annonce du fédéral n’a pas encore suscité de remous, a rapporté Lyle Stewart, du Syndicat des agents correctionnels du Canada qui réclamait le bannissement du tabac depuis quelques années. « Il y aura probablement certains problèmes d’implantation au début, mais pour l’instant, la nouvelle n’a pas fait tellement réagir », a-t-il précisé à Info-tabac. Dans les pénitenciers provinciaux de l’Ontario, une politique similaire fut implantée en 2001 sans la révolte que plusieurs avaient prédite.

Les Médecins pour un Canada sans fumée applaudissent le sevrage obligatoire des prisonniers. « Les gardiens et les détenus ont droit à la même protection sanitaire que les autres Canadiens, fait valoir sa directrice, Cynthia Callard. L’exposition aux réels dangers de la fumée secondaire ne doit pas faire partie de leurs conditions d’emploi ou d’incarcération. » L’organisme considère que ce progrès important fait en sorte que le pays respecte de mieux en mieux ses obligations en vertu de la Convention-cadre pour la lutte antitabac de l’Organisation mondiale de la santé.

Les 58 pénitenciers fédéraux abritent quelque 12 500 détenus, tous condamnés à une peine supérieure à deux ans. Quant aux 18 établissements provinciaux du Québec, ils logent plus de 4 000 pensionnaires et sont utilisés pour les sentences plus courtes de même que pour les prévenus en attente de procès.

Denis Côté