Les Canadiens invités à déclarer leur domicile et leur voiture « sans fumée »

Les risques de la fumée secondaire sont de mieux en mieux connus et un nombre croissant de villes et de provinces interdisent l’usage du tabac à l’intérieur de leurs lieux publics. Toutefois, si ces mesures protègent l’ensemble de la population, beaucoup d’enfants demeurent victimes du tabagisme passif à la maison ou dans le véhicule familial. Afin de sensibiliser leurs parents, Santé Canada a récemment lancé une vaste campagne publicitaire.

« Nous devons plus que jamais faire preuve de diligence afin de réduire l’exposition des enfants dans les endroits où ils mangent, dorment et jouent, a déclaré le ministre de la Santé fédéral, Tony Clement. En renseignant les parents sur les graves conséquences de la fumée secondaire, nous misons sur une génération de Canadiens en meilleure santé et une diminution des contraintes imposées au système de santé. »

Pub télé

Dans une publicité de 30 secondes, diffusée d’un bout à l’autre du pays au cours des mois de décembre à mars, Santé Canada indiquait que « même les meilleures intentions ne parviennent pas à éliminer complètement la fumée secondaire de votre maison », en montrant une femme qui fume près d’une fenêtre ouverte. « Les agents toxiques flottent dans l’air que votre famille respire et s’incrustent aux objets du quotidien, mettant vos proches en danger, poursuit une voix hors champ. Protégez vos enfants. Faites de votre maison un endroit sans fumée. »

Fait plutôt inusité, le gouvernement a mis sa publicité en ligne sur le célèbre portail de vidéos YouTube, dans l’espoir qu’elle attire l’attention de nombreux internautes, rapportait le National Post, à la fin décembre. Toutefois, au début mars, à peine deux mille visiteurs avaient visionné sa version anglophone, et un peu plus de deux cents, le format francophone.

Pour accompagner les familles qui souhaitent prendre le virage, Santé Canada a réédité Faites de votre maison et de votre voiture des environnements sans fumée, un guide produit en 2005, qu’il est possible de commander gratuitement ou de télécharger sur Internet. À sa lecture, on apprend que fumer dans une seule pièce de la maison, pendant que les enfants sont absents, ou à proximité de la hotte du poêle est insuffisant pour protéger l’entourage des fumeurs. Les substances toxiques contenues dans la fumée peuvent perdurer des jours, voire des semaines, dans une pièce après qu’une cigarette y ait été consommée.

Méfaits de la fumée secondaire

« L’industrie du tabac a longtemps tenté d’entretenir des doutes sur les dangers de la fumée secondaire, souligne Flory Doucas, analyste des politiques à l’Association pour les droits des non-fumeurs (ADNF), mais de nos jours, on sait qu’ils sont bien réels. Par exemple, les non-fumeurs dont le conjoint fume à l’intérieur du domicile ont de 20 à 30 % plus de risques de développer un cancer du poumon. »

Dans un document récemment produit par l’ADNF (La fumée secondaire à la maison et dans les voitures), Mme Doucas explique « qu’en raison de leur plus petit tube bronchique et de leur système immunitaire moins développé, les enfants sont plus vulnérables aux contaminants que l’on retrouve dans la fumée de tabac secondaire ». Et puisque ces derniers respirent plus rapidement que les adultes, ils inhalent plus de produits chimiques par kilogramme de masse corporelle pour une même durée d’exposition.

Domiciles « sans fumée »

Près de trois quarts (74 %) des ménages canadiens sont actuellement « sans fumée ». Malgré cela, environ 10 % des enfants de moins de 12 ans (soit 379 000) demeurent régulièrement exposés à la fumée secondaire, selon les derniers résultats de l’Enquête de surveillance de l’usage du tabac au Canada.

Au Québec, la situation est encore moins reluisante, mais elle s’est tout de même améliorée avec l’entrée en vigueur de la Loi sur le tabac. D’après le sondage réalisé à l’automne 2006 par la firme Jolicoeur et Associés, environ 56 % des Québécois proscrivent la consommation de cigarettes à l’intérieur de leur domicile, ce qui représente une hausse de 6 points de pourcentage depuis le printemps.

Ces résultats contredisent les arguments véhiculés par les opposants de la législation québécoise – monchoix.ca et l’Union des tenanciers de bars du Québec – qui prédisaient que les enfants feraient les frais de l’interdiction de fumer dans les bars parce que leurs parents resteraient davantage à la maison pour boire, mais surtout pour fumer…

En voiture

En raison de l’espace restreint de l’habitacle, il est plus dommageable de fumer à l’intérieur d’une voiture dont la fenêtre est ouverte que dans une maison. Une étude réalisée à San Francisco (Californie) révèle que le niveau de contaminants peut y être jusqu’à neuf fois supérieur à celui d’une voiture sans fumée.

Au début de l’année, l’Association médicale ontarienne (Ontario Medical Association, OMA), qui regroupe environ 24 000 médecins, a demandé à son gouvernement d’interdire la cigarette dans les véhicules qui transportent des enfants, comme l’a récemment fait la ville de Bangor, au Maine.

Le Ottawa Citizen rapportait toutefois, en février, que le premier ministre ontarien, Dalton McGuinty, qui juge cette mesure « intrusive », n’envisage pas cette possibilité. Il préfère informer les parents et leur faire comprendre les conséquences néfastes que peut avoir leur tabagisme sur la santé de leurs enfants.

L’OMA n’en est pas à sa première tentative pour empêcher l’usage du tabac dans les voitures. En 2004, elle publiait Exposure to second-hand smoke : are we protecting our Kids? (Exposition à la fumée secondaire : protégeons-nous nos enfants?), un rapport comportant neuf recommandations, dont l’introduction d’une loi qui interdirait de fumer à l’intérieur des automobiles où des enfants prennent place.

L’exemple américain

Alors qu’aucune juridiction canadienne n’a encore restreint l’usage du tabac dans les véhicules privés, plusieurs États américains protègent déjà les jeunes de la fumée secondaire, en appuyant leurs réglementations sur le principe de celles qui obligent le port de la ceinture de sécurité ou qui proscrivent l’usage du téléphone cellulaire. C’est notamment le cas de l’Arkansas (juillet 2006), de la Louisiane (août 2006), du Texas (janvier 2007) et de Porto Rico (mars 2007, qui relève des États-Unis mais qui n’est pas un État).

Il faut dire qu’en matière de protection contre la fumée secondaire, certains États américains ont une longueur d’avance sur le Canada. En Ohio, un père non-fumeur a obtenu la garde de son enfant parce que celui-ci a dû être hospitalisé à plusieurs reprises pour des maladies aggravées par le tabagisme de la mère. Le juge a considéré le fait que cette dernière fume en présence de l’enfant comme un abus, au même titre que si elle avait négligé de lui fournir de la nourriture ou l’accès à des soins médicaux.

Appartements sans fumée

Depuis le 1er octobre 2006, la Globe General Agencies, qui gère de nombreux appartements, dont près de 5 000 à Winnipeg, interdit l’usage du tabac aux nouveaux locataires de ses immeubles du Manitoba. Même si cette nouvelle politique a été contestée par une ancienne fumeuse, on apprenait, à la fin février, qu’un médiateur de la Residential Tenancies Branch (l’équivalent de la Régie du logement du Québec) a donné raison au propriétaire. Ce dernier a conclu que ce règlement contribuera non seulement à améliorer la sécurité et le bien-être des locataires, mais qu’il réduira aussi les dépenses de nettoyage et de rénovations causées par la fumée de tabac.

La Presse Canadienne rapportait que la Globe General Agencies prévoit éventuellement étendre cette interdiction à ses immeubles d’Edmonton, de Saskatoon et de Montréal.

Rouler sans fumée

Grâce à une subvention fédérale, la diffusion des messages radio de la campagne « Rouler sans fumée », du Centre option-prévention T.V.D.S. (qui se consacre à la lutte contre les toxicomanies, la violence, la délinquance et le sida) a été prolongée pendant tout le mois de mars, dans 10 régions du Québec. Par ailleurs, dans le cadre d’un nouveau volet, des intervenants du Centre se rendaient à l’improviste dans des entreprises, pour encourager les employés à s’abstenir de fumer lorsqu’ils utilisent leur véhicule pour se rendre au travail.

Josée Hamelin