Un aperçu des vues et du comportement des fumeurs
Mai 2009 - No 78
Environnements sans fumée
Près de 64 % des fumeurs et anciens fumeurs au Québec sont peu ou pas du tout d’accord avec une interdiction de fumer qui s’appliquerait aux édifices à logement. En revanche, plus de 75 % sont tout à fait ou plutôt d’accord avec une éventuelle interdiction de fumer dans les véhicules privés avec des enfants à bord.
Voilà une petite partie de ce qui ressort d’une présentation faite aux participants des 12es Journées annuelles de santé publique (JASP), en novembre dernier à Québec, par la psychologue Sylvia Kairouz, professeure au département de sociologie et d’anthropologie de l’Université Concordia, à Montréal. Ces résultats proviennent d’un sondage réalisé en décembre 2007 auprès d’un échantillon de 982 fumeurs et de 355 anciens fumeurs domiciliés au Québec. Ce sondage s’insérait dans une série d’entrevues et une recherche lancées vingt mois plus tôt par Sylvia Kairouz et Louise Guyon, pour le compte de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), afin de savoir comment les habitudes tabagiques, les connaissances et les croyances des fumeurs québécois se maintiennent ou évoluent dans le contexte d’une restriction des usages du tabac dans les endroits publics.
Vie privée et perceptions
Le parachèvement de l’interdiction de fumer dans les lieux publics en 2006 ainsi que la persistance des appels à l’hygiène paraissent avoir eu un certain écho au domicile des fumeurs et anciens fumeurs, puisqu’en mai 2006, 71,1 % d’entre eux déclaraient qu’il est permis de fumer chez eux, contre 66,6 % en décembre 2007. L’enquête montre que les fumeurs et anciens fumeurs étaient proportionnellement plus nombreux en 2007 qu’en 2006 à déclarer appliquer certaines restrictions au tabagisme à leur domicile, notamment lorsque des jeunes enfants sont présents, ou dans certaines pièces du domicile. Mais ils ne se faisaient pas tous d’illusion sur la réduction de la fumée dans l’environnement par cette dernière mesure, puisque 63,2 % d’entre eux déclaraient qu’elle est peu ou pas du tout efficace.
Un cinquième des personnes interrogées ont indiqué avoir observé un effet dans la sphère domestique de l’interdiction légale de fumer dans les lieux publics, et parmi elles, 24,7 % percevaient que cela les avait fait fumer davantage à l’intérieur de leur domicile, alors que 49,4 % avaient une perception contraire et que 20,7 % déclaraient avoir cessé de fumer chez eux. Toujours chez ces fumeurs et anciens fumeurs qui indiquaient avoir observé un effet indirect du changement législatif de mai 2006, 40,5 % percevaient que cela les avait fait fumer davantage dans leur véhicule, alors que 32,8 % avaient une perception contraire et que 23,2 % déclaraient avoir arrêté de fumer dans leur véhicule.
Connaissances et motivations
Les fumeurs ne sont pas unanimes à se déclarer au courant des risques associés à la fumée du tabac dans leurs propres voies respiratoires ou dans l’environnement immédiat. 86,7 % des personnes interrogées lors du sondage affirmaient connaître le risque de maladies respiratoires chez les enfants exposés à la fumée ambiante, 69,7 % le risque de cancer de poumon, et 60,2 % le risque de maladies cardiovasculaires. Seulement 27,3 % se déclaraient au courant du risque de maladies de l’oreille chez les enfants.
Parmi les nombreuses raisons pour tenter de cesser ou pour tenter de réduire leur consommation de tabac, la préservation ou l’amélioration de la santé a été invoquée par 84,0 % des fumeurs et anciens fumeurs, et la diminution de l’exposition d’autrui à la fumée par 63,5 % d’entre eux. Comme motifs d’un changement de comportement, 34,5 % des personnes interrogées ont invoqué l’impossibilité de fumer dans les endroits publics et seulement 25,7 % des raisons financières.
Une observation de longue haleine
Les deux chercheuses de l’INSPQ ont obtenu le consentement des personnes sondées à être interrogées de nouveau sur leur toxicomanie, leurs habitudes et leurs vues lors d’une troisième vague d’entrevues qui permettra de poursuivre l’observation de la trajectoire de fumeurs et anciens fumeurs vivant en une ère de politiques contre le tabagisme et ses méfaits.
Sylvia Kairouz et Louise Guyon sont aussi deux des auteures du Monitorage du Plan québécois de lutte contre le tabagisme paru en juin 2008 et les scientifiques à qui l’on doit la tenue d’une journée entière de conférence sur la réglementation et la législation en tabagisme lors des 12es JASP.
Pierre Croteau