Progrès de la lutte antitabac en Afrique

Une soixantaine de militants antitabac et d’intervenants en santé publique ont assisté au « 1er Colloque international sur le tabac » qui se tenait à Niamey, la capitale du Niger, les 16 et 17 janvier. Le Bénin, le Burkina Faso, le Canada, le Congo (Brazzaville), le Niger et le Togo y étaient représentés. En plus de partager leurs connaissances, les délégués ont fait pression sur les gouvernements africains pour qu’ils se dotent de mesures de contrôle du tabac efficaces.

Le colloque était animé par le président de l’association SOS Tabagisme-Niger, Inoussa Saouna. L’organisation non-gouvernementale PATH Canada – qui a pour mission d’améliorer la santé des femmes et des enfants dans les pays en développement – finançait l’événement grâce à une subvention de Santé Canada.

Seul Occidental présent, le coordonnateur de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, Louis Gauvin, a dressé un portrait des luttes antitabac canadienne et québécoise. Il a également rencontré le ministre de la Santé du Niger, Ari Ibrahim, en plus d’accorder de nombreuses entrevues aux médias.

« Sur le continent africain, l’absence de réglementation permet aux multinationales du tabac de recourir à des pratiques commerciales interdites au Canada, explique M. Gauvin. Même si la lutte est moins structurée que chez nous, on sent une volonté réelle des pays africains de faire front commun pour mettre un terme à l’expansion effrénée de cette industrie. »

Prévalence africaine

En 2000, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait la prévalence africaine à 29 % chez les hommes et 7 % chez les femmes. Or, faute d’études globales, il est difficile de dresser un portrait réel de la consommation. Selon l’Atlas mondial du tabac, elle aurait augmenté de 38 % entre 1995 et 2000, ce qui constitue la plus rapide progression jamais enregistrée.

Peuplé d’environ 12 millions d’habitants, le Niger est un des pays les plus pauvres de la Terre. Selon le Programme des Nations-Unies pour le développement, en 2003, pas moins de 70 % des ménages vivaient sous le seuil de la pauvreté. Alors que les Nigériens se relèvent péniblement d’une famine qui a sévi à l’été 2005, l’argent nécessaire aux besoins des familles sert souvent à acheter des cigarettes. « Des marques aux noms évocateurs (ex. : Visa), promettant liberté et prospérité, sont très populaires, surtout dans les campagnes », indique M. Gauvin.

Déclaration de Niamey

Au terme du colloque, les participants ont signé la Déclaration de Niamey, une résolution privilégiant des hausses de taxes, des restrictions sur l’usage du tabac, des avertissements sur les emballages, ainsi qu’une interdiction de la publicité. « Nous prions instamment les gouvernements de tous les pays du continent africain d’adopter des mesures fiscales et législatives vigoureuses pour prévenir l’usage du tabac auprès des jeunes », peut-on y lire. En plus d’inviter les ONG à s’impliquer davantage, les signataires demandent à la communauté internationale de soutenir l’Afrique dans le combat qui l’oppose aux multinationales du tabac.

Un château d’eau sans eau, gracieuseté de British American Tobacco

La deuxième multinationale de tabac en importance, British American Tobacco (BAT), a réussi un coup de marketing fumant au Niger. Le 24 novembre dernier, la population de Hamdallaye, un petit village situé à une vingtaine de kilomètres de la capitale, était conviée à une grande fête. Politiciens, hommes d’affaires, journalistes, danseurs, musiciens et artistes s’y sont rendus en grand nombre, puisque ce n’est pas tous les jours que l’on procède à l’inauguration d’un château d’eau. Il faut dire que le commanditaire BAT ayant mis le paquet, il n’y avait pas que l’eau qui coulait à flot.

Dans les jours qui ont suivi, les médias ont tous glorifié la « générosité » du cigarettier. Or, depuis l’inauguration, pas une seule goutte d’eau n’est sortie des installations. Selon des témoins, les pompes qui devaient alimenter le réservoir n’ont jamais été raccordées à une source électrique. Quant au château d’eau, il aurait été rempli par un camion-citerne, au cours de la nuit précédant les festivités. Notons que la fête est survenue à peine cinq jours avant que l’Assemblée nationale n’examine le projet de loi sur le tabac… lequel vient tout juste d’être adopté après plusieurs reports.

Josée Hamelin