Pour des programmes de lutte contre le tabagisme qui restent performants
Août 2016 - No 116
Un nouvel outil gratuit permet de mesurer la durabilité des programmes de lutte contre le tabagisme – et de les renforcer.
Le tabagisme représente un ennemi de taille pour les sociétés. Les gouvernements et les groupes de santé doivent souvent se battre contre lui pendant de longues années avant d’en venir à bout. Adopter une loi n’est qu’une étape : il faut ensuite s’assurer qu’elle sera mise en œuvre et renforcée afin de répondre aux nouvelles stratégies de l’industrie. Un organisme international vient de publier dans Tobacco Control un index permettant de mesurer la durabilité des mesures gouvernementales de lutte contre le tabagisme, c’est-à-dire leur capacité à demeurer performantes au fil du temps.
Cet index a été conçu par l’Union internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires, l’organisme qui orchestre tous les trois ans un événement très couru : le World Conference on Tobacco or Health. Leur nouvel index ne cherche pas à pointer du doigt les pays dont les programmes antitabac sont moins performants, mais de leur donner un outil pour en mesurer la durabilité et déterminer quels sont les aspects à développer en priorité.
Des programmes à implanter
Les auteurs de ce nouvel index reconnaissent que la lutte contre le tabagisme progresse. Cela s’explique notamment par la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, adoptée par près de 200 pays. Cette entente internationale, qui a fêté son 10e anniversaire l’année dernière, est la feuille de route pour éliminer le tabac dans une société. Le problème, c’est que certains pays peinent à en implanter pleinement les mesures, écrivent les Drs Angela Jackson-Morris et Ehsan Latif dans Tobacco Control.
Pour déterminer ce qui permet l’enracinement et la durabilité des mesures antitabac, les chercheurs ont examiné les rapports d’activités soumis par sept pays ayant reçu une subvention de l’initiative Bloomberg pour réduire leur taux de tabagisme. Au final, les Drs Jackson-Morris et Latif ont identifié 31 facteurs qui assurent la durabilité d’une lutte contre l’épidémie du tabac. Contrairement aux mesures comme telles, ces facteurs sont de nature organisationnelle. Ils touchent aux « politiques et infrastructures clés (personnel, ressources, mécanismes de collaboration, etc.) requises pour entreprendre ou maintenir une lutte efficace contre le tabagisme à moyen et à long terme », écrivent les deux chercheurs (notre traduction). Il peut s’agir d’une loi sur le tabagisme, de mécanismes de coordination interministériels ou de fonds dédiés aux campagnes de médias de masse.
Une fois ces 31 facteurs identifiés, les deux auteurs ont demandé à une cinquantaine de personnes issues des mêmes sept pays (et impliquées dans la lutte contre le tabac) lesquels étaient les plus importants. Ils en ont retenu une dizaine, incluant :
- une loi nationale;
- une politique financière pour soutenir et appliquer cette loi;
- une unité de travail gouvernementale contre le tabagisme;
- un réseau citoyen concerné par la question du tabac;
- une interdiction des actions « socialement responsables » de l’industrie;
- des données sur les décès et les maladies dus au tabac;
- des mécanismes de révision des mesures;
- de taxes qui augmentent davantage qu’une combinaison de l’inflation et du produit intérieur brut.
Le Canada : élève moyen
L’index intégral sera publié cet automne, conjointement avec une évaluation des programmes de lutte contre le tabagisme de 24 pays. Ici, Médecins pour un Canada sans fumée a déjà mesuré la durabilité des programmes canadiens de lutte contre le tabac à l’aide de cet index. Ottawa se voit accorder la note de 75 %. Selon Médecins pour un Canada sans fumée, le pays perd des points parce qu’il n’a pas de politique globale contre l’interférence de l’industrie dans les politiques gouvernementales antitabac (ce qui est pourtant recommandé par la convention-cadre de l’OMS) ni de mécanisme garantissant un financement à long terme de ses mesures de lutte. S’il avait simplement maintenu les mesures en place au début des années 2000 – telles que des campagnes médiatiques – le Canada aurait obtenu 85 %, note encore le groupe de santé.
Anick Labelle