« Not To Kids! » sème la controverse en Ontario
Septembre 2005 - No 59
De plus en plus répandue en Ontario, la campagne Not To Kids!, qui pourrait se traduire par « Pas aux enfants! », a pour but de limiter l’accès des jeunes de moins de 19 ans (âge de la majorité ontarienne) aux produits du tabac. Bien que son intention soit fort louable, elle ne fait pas l’unanimité, notamment à cause de sa ressemblance avec une initiative de l’industrie du tabac.
« Moins de 19 ans? Oublie ça, indiquent ses affiches. Il est interdit par la loi de vendre du tabac aux personnes de moins de 19 ans. » Ce qui n’est pas sans rappeler l’Opération carte d’identité – un programme financé par le Conseil canadien des fabricants de produits du tabac – dont les annonces québécoises se lisent comme suit : « C’est la loi. Moins de 18 ans, pas de tabac. Montrez une pièce d’identité. »
Intervenante au Département de santé publique de la région de Niagara, Jackie Gervais a été confrontée à une kyrielle de questions, lorsqu’elle a présenté Not To Kids! dans le cadre de la 4e Conférence nationale sur le tabagisme ou la santé. Il faut dire qu’après son exposé, la directrice de campagne de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, Heidi Rathjen, vantait les « mérites » de l’Opération carte d’identité, la qualifiant comme « l’une des plus ingénieuses stratégies de relations publiques de l’industrie du tabac ». D’ailleurs, d’anciens documents de l’industrie, aujourd’hui publics, corroborent ses propos. « En intensifiant les campagnes qui condamnent la vente de tabac aux mineurs […], nous attireront l’attention des médias sur ce que nous faisons et sur pourquoi nous le faisons », indique un mémo du Conseil canadien des fabricants de produits du tabac, daté de 1995.
Pour les groupes qui militent contre le tabagisme, le but inavoué de l‘Opération carte d’identité est d’encourager la consommation de tabac chez les jeunes, en faisant appel à leur penchant pour l’interdit. Se gardant bien d’aborder les risques du tabac sur la santé, ses publicités condamnent la vente aux mineurs uniquement parce que c’est la loi. « Au Canada, il est illégal de vendre des produits du tabac aux mineurs. Ce n’est pas une blague, ce n’est pas un caprice. C’est la loi! Même si les personnes d’âge mineur ont le droit de consommer du tabac, il est illégal de leur en vendre, tu risques gros si tu le fais », prévient la formation interactive que l’Opération propose aux commis de dépanneurs via son site Web.
« Par ailleurs, a ajouté Mme Rathjen, restreindre l’accessibilité du tabac n’a que très peu d’incidence sur le tabagisme juvénile. Il suffit qu’un seul détaillant accepte de vendre des cigarettes à un jeune pour que celui-ci informe ses amis de l’endroit où il a été capable d’en obtenir. »
Not To Kids!
Partenariat entre les agences de santé publique, les commissions scolaires, les commerçants et la communauté, Not To Kids! est une campagne de mass média soutenue par le ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l’Ontario et par Santé Canada. C’est par le biais d’affiches et d’annonces diffusées dans les cinémas et à la radio qu’elle encourage les adultes à ne pas fournir de tabac aux mineurs, et les détaillants à ne pas leur en vendre. Pour les artisans de la lutte antitabac, il est difficile de ne pas souscrire à ce programme, a confié un intervenant ontarien. « Si on n’embarque pas, les gens supposent qu’on est indifférent au fait que les jeunes puissent se procurer des cigarettes n’importe où. » Défendant sa campagne, Mme Gervais a indiqué que Not To Kids! n’a pas les effets pervers qu’on lui attribue.
Au terme du « débat », quelques personnes se demandaient pourquoi le gouvernement finance un tel programme alors que l’industrie du tabac le fait déjà, et qu’on le lui reproche. D’autres ont rétorqué que même si les interventions qui dénoncent les pratiques des cigarettiers ont plus d’impact sur l’usage du tabac chez les jeunes, il est important de veiller à ce que les lois soient respectées.
Josée Hamelin