L’industrie du tabac se mêle de lutte contre la contrebande

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Alors qu’ils ont longtemps participé à la contrebande de tabac, les cigarettiers luttent désormais… contre elle. Pour plusieurs, cela ressemble fort à des brigands qui deviennent gardiens de prison!

Prenons Interpol. Cette organisation internationale de policiers dont sont membres 190 pays combat le tabac illégal avec Codentify, un programme qui vérifie en temps réel la légalité des produits du tabac. Le problème? Codentify a été développé par Digital Coding & Tracking Association (DCTA), un organisme dont sont membres Philip Morris International (PMI) et British American Tobacco. Mentionnons aussi que PMI versera, entre 2012 à 2015, un don de 15 millions d’euros à Interpol.

Liaisons dangereuses

Cette collaboration entre Interpol et DCTA en inquiète plus d’un. En effet, l’article 5.3 de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) stipule que, « en définissant et en appliquant leurs politiques de santé publique en matière de lutte antitabac, les Parties veillent à ce que ces politiques ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac. » Les responsables d’Interpol ont soutenu, au contraire, dans le mensuel français Lyon Capitale, qu’« [il y a] lieu de coopérer avec l’industrie pour lutter contre le commerce illicite » et que « Codentify est seulement l’une des nombreuses technologies préexistantes qui pourraient être associées à I-Checkit », le système de traçabilité lancé par Interpol.

Un don n’est pas une amende

Quant au don de 15 millions d’euros de PMI, Interpol estime qu’il ne compromet ni sa neutralité ni son indépendance. Dans Lyon Capitale, l’organisme international rappelle que même l’Union européenne (UE) et plusieurs pays européens recevront 2,15 milliards d’euros de la part des cigarettiers d’ici 2030. Les dirigeants d’Interpol oublient de mentionner que cet argent est versé dans le cadre d’une entente à l’amiable grâce à laquelle les cigarettiers mettent fin à une poursuite de l’UE les accusant de soutenir… le tabac de contrebande. Selon cette entente, les cigarettiers doivent aussi s’assurer que leurs ventes dans un marché demeurent proportionnelles aux ventes légales de ce marché. L’industrie du tabac et le Canada ont conclu un accord semblable, en 2008.

En somme, il y a bien des raisons de douter de la bonne foi des cigarettiers. D’autant plus que, selon certains, ils soutiennent encore le marché noir du tabac dans les pays en voie de développement et même… en Grande-Bretagne!

Anick Perreault-Labelle