Les Québécois deux fois plus ciblés par la publicité du tabac

Même s’ils fument de moins en moins selon les nouveaux sondages, les Québécois demeurent deux fois plus ciblés que les autres Canadiens par les compagnies de cigarettes. C’est ce qui ressort d’une étude effectuée par l’agence AC Nielsen pour le compte de Santé Canada, dévoilée en août par la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac.

En 2000 selon l’agence, le montant dépensé en publicité du tabac était de 19 millions $ pour l’ensemble du pays, dont 7 millions $ pour le Québec. Per capita, cela revient à 97 cents par Québécois et 50 cents par autre Canadien, soit environ la moitié. Par contre depuis trois ans, le budget publicitaire de l’industrie aurait fondu comme neige au soleil. Au Canada, il était de 32 millions $ en 1998 et de 21 millions $ en 1999 alors qu’au Québec la facture se montait à 13 millions en 1998 et à 10,5 millions $ en 1999.

Cette évaluation inclut l’affichage extérieur, de même que la publicité dans les quotidiens, les magazines, la radio et la télévision. Elle ne tient pas compte des annonces dans les journaux hebdomadaires ou dans les bars, du marketing dans les points de vente, ni des envois postaux. Pourtant, les journaux hebdomadaires culturels et l’étalage des cigarettes chez les marchands sont deux options très prisées des fabricants. Ainsi, pour l’ensemble du pays en 1996, la promotion dans les points de vente était estimée aux environs de 60 millions $, toujours selon AC Nielsen.

En outre, concernant les commandites du tabac, la promotion sur les lieux des événements et les subventions aux manifestations ne sont pas prises en considération, lesquelles procurent souvent une couverture de presse de grande valeur. À cause de ces omissions volontaires, les dépenses totales de marketing de l’industrie dépassent bien des fois les 19 millions $ relevés par l’agence pour le Canada en 2000.

Annonces de commandites

Dans presque tous les cas, cette publicité étudiée par l’agence AC Nielsen consistait en annonces sous prétexte de commandites, placées directement par les fabricants, comme les Arts du Maurier, l’équipe de course Player’s et les sports extrêmes Export‘A’- soutenant les trois principales marques canadiennes. Précisons que, depuis octobre 2000, il est interdit de placer cette publicité à la radio, à la télévision ou dans l’affichage (sauf dans les bars et les lieux des activités).

Aucune publicité traditionnelle de cigarettes n’a été tentée par les trois fabricants depuis l’entrée en vigueur de la loi canadienne la réglementant, au printemps 1997. Les cigarettiers ont évité d’annoncer directement leurs produits avec reproduction des paquets, car ils soutiennent en Cour que la formulation de la loi est si stricte qu’elle équivaut à une interdiction totale de la publicité.

Réaction mitigée

Par voie de communiqué, la Coalition québécoise affirme apprécier que les budgets publicitaires du tabac baissent rapidement, la législation freinant la visibilité des marques de cigarettes. « En général, c’est toujours une bonne nouvelle lorsque l’industrie se voit privée de véhicules publicitaires. La commandite de grands événements sert à associer les marques de tabac à des activités prestigieuses, saines et populaires auprès des jeunes; les panneaux extérieurs renforcent la notion que le tabagisme est socialement acceptable, et les images projetées confèrent au tabac un halo d’indépendance, de maturité et de prestige », estime l’organisme antitabac.

La Coalition déplore toutefois que les Québécois soient deux fois plus visés par les compagnies de tabac que les autres Canadiens. « Est-ce qu’elles considèrent le Québec comme le bassin de fumeurs potentiels le plus prometteur? », s’inquiète-t-elle. Dans son communiqué du 3 août, l’organisme met aussi en lumière le fait que des fabricants utilisent leurs propres programmes de commandites pour faire valoir les marques, sans que cela ne serve généralement à aucun événement québécois en particulier.

Stade du Maurier

Effectivement, il ne reste presque plus d’importantes commandites du tabac au Québec, la plupart des organisateurs ayant trouvé d’autres sources de revenus, soit d’autres compagnies, soit du programme d’aide provincial, ou encore d’une combinaison des deux. Cet été, les deux principales commandites résiduelles furent un appui secondaire de du Maurier au Festival international de jazz de Montréal et l’apposition généreuse du nom « Stade du Maurier » lors du Masters de tennis du Canada.

Bien qu’Imperial Tobacco ait été amplement remerciée par Tennis Canada lors du tournoi montréalais de 2000, sa marque a curieusement conservé la visibilité d’un commanditaire principal lors du tournoi masculin d’août 2001. Incidemment, Tennis Canada demande de nouvelles subventions de 10 millions $ pour d’autres rénovations de son stade montréalais, dans le cadre du programme des infrastructures municipales. Il est possible que, en prévision d’un changement de nom du stade exigé de la part des gouvernements, l’organisme ait voulu accorder une dernière publicité importante à la marque de cigarettes, en utilisant le vide découlant de l’absence de commandite en titre cette année.

Denis Côté