La Loi sur le tabac du Québec ne s’applique pas à la cigarette électronique

Des répondants de la lutte contre le tabagisme de la région de Laval ont vécu en mars la troublante surprise de découvrir qu’une poignée d’élèves de deux écoles secondaires « fumaient » à l’école… des cigarettes électroniques.
Usage permis

Questionné alors au téléphone sur la légalité de pareil comportement, le Service de lutte contre le tabagisme du ministère de la Santé et des Services sociaux, chargé depuis 1998 de faire appliquer la Loi sur le tabac, a statué que la loi québécoise ne lui donne aucune autorité pour intervenir.

Pour protéger les non-fumeurs, la Loi sur le tabac interdit de fumer dans les lieux de travail et les lieux publics. Il semble qu’un nicotinomane pourrait cependant répandre des vapeurs de nicotine pure et de propylène glycol dans l’air d’un lieu où fumer est interdit, puisque ses émanations ne sont pas de la fumée. Il n’y a pas de combustion. Il n’y a d’ailleurs pas de tabac non plus.

Une cigarette électronique est un tube rigide ayant l’apparence d’une longue cigarette qui ne se consume jamais. Dans l’appareil se trouve un réservoir qui contient une solution de propylène glycol et de nicotine, ainsi qu’une pile qui sert à chauffer le mélange et à faire s’allumer un voyant lumineux à un bout de la fausse cigarette lorsque l’usager aspire une bouffée de vapeur à l’autre bout. La vapeur se condense en une sorte de brume, une fois dans la bouche et les voies respiratoires, et ressort de la bouche ou des narines en faisant penser à de la fumée. Mais les faux fumeurs ne visent pas seulement à faire du théâtre.

Une histoire de nicotine

Contrairement à une soixantaine d’autres substances contenues dans le tabac et la fumée de tabac et qui sont cancérogènes, la nicotine, lorsqu’employée correctement, est considérée comme pratiquement inoffensive par la médecine, d’où notamment son usage médicinal dans le sevrage des fumeurs.

D’autre part, contrairement aux poisons du tabac et de sa fumée, qui ne créent aucune dépendance connue, la nicotine est LA substance qui engendre une dépendance physique au tabac et procure la sensation recherchée par son adepte, en particulier lorsque cette drogue est absorbée très rapidement par l’organisme au niveau des alvéoles pulmonaires, ce qui se produit notamment lorsqu’on respire de la fumée de tabac, plutôt qu’absorbée lentement par l’organisme à travers la peau ou la muqueuse buccale.

Utilisation déconseillée

L’apparition peut-être éphémère de cigarettes électroniques dans certaines écoles québécoises a presque coïncidé avec l’avis impatiemment attendu de Santé Canada à ce sujet.

Le ministère fédéral de la Santé a recommandé aux Canadiens à la fin de mars de ne pas acheter ou utiliser les cigarettes, cigares et pipes électroniques.

Santé Canada a rappelé que ces objets relèvent de la Loi sur les aliments et drogues et nécessitent une autorisation avant d’être importés, annoncés ou vendus au pays. L’obtention d’un permis de mise en marché viendra le jour où les offreurs auront fourni des études scientifiques qui démontrent au minimum l’innocuité de ces produits, et leur réelle efficacité comme moyens pour arrêter de fumer (pour de vrai), si les fabricants désirent les offrir à ce titre. C’est le processus auquel ont dû se plier les compagnies pharmaceutiques pour commercialiser les timbres transdermiques de nicotine ainsi que les inhalateurs oraux, la gomme et les pastilles de nicotine. Ces quatre produits vendus au Canada et les vaporisations nasales de solution de nicotine ont une efficacité scientifiquement prouvée en tant qu’aides à l’abandon taba­gique.

Étant donné la forte concentration en nicotine du contenu des cartouches de rechange des cigarettes électroniques, Santé Canada insiste notamment pour que ces cartouches soient tenues hors de portée des enfants, qui pourraient s’intoxiquer gravement au contact du liquide.

Par ailleurs, il n’existe pas encore d’études scientifiques sur l’effet d’une inhalation fréquente de propylène glycol.

Pierre Croteau