La loi canadienne sur le tabac contestée en Cour supérieure

C’est le 26 novembre à Montréal que débuteront en Cour supérieure les plaidoiries sur la validité de la Loi sur le tabac du gouvernement canadien.

Assignée à cette cause, la juge Danièle Grenier a fait savoir que le tribunal siègera quatre journées sur cinq, trois semaines sur quatre, jusqu’à la conclusion des présentations à l’été ou à l’automne 2002. À eux seuls, les exposés du gouvernement requerront environ six mois. Plus de quatre années de procédures et de reports ont précédé le début de ces audiences, puisqu’elles découlent d’une requête déposée dès avril 1997.

En gros, l’industrie canadienne du tabac considère les normes publicitaires de la loi si sévères qu’elles équivalent à une interdiction totale de la publicité, une sévérité qu’avait rejetée la Cour suprême du Canada en septembre 1995. De surcroît, elle estime abusive la grandeur (50 %) des avertissements sanitaires apposés sur les paquets de cigarettes, ce qui constituerait à son avis une expropriation partielle illégale de ses marques de commerce.

Le ministère de la Justice et Santé Canada doivent donc démontrer le bien-fondé de l’interdiction de la majeure partie de la publicité, mais aussi prouver qu’il est encore possible d’en faire selon le libellé de la loi. Une quarantaine de témoins seront entendus au total.

Les deux parties préparent leurs argumentations avec soin, car seule la preuve exposée en Cour supérieure pourra être éventuellement revue par la Cour d’appel du Québec ou par la Cour suprême du Canada. Il est fort probable que le perdant de tout jugement portera appel en instance supérieure, comme cela s’était passé de 1989 à 1995 lors de la première interdiction fédérale de la publicité.

Plusieurs éléments permettent d’espérer des jugements favorables à la santé publique. Depuis la cause de 1989, de nombreuses études se sont accumulées démontrant que la publicité du tabac incitait au tabagisme. Aussi, les réseaux antitabac et Santé Canada sont aujourd’hui mieux organisés pour supporter la preuve gouvernementale. De plus, en 1995, les juges de la Cour suprême ont soutenu à l’unanimité l’interdiction de la publicité du tabac axée sur un style de vie, ce qu’a retenu le législateur en 1997. Enfin, la juge Grenier a déjà refusé deux sursis réclamés par les fabricants, d’abord à l’entrée en vigueur de la loi en 1997, et ensuite lors de l’instauration des nouveaux avertissements sanitaires en 2000. À ces deux occasions, l’urgence de protéger la santé publique a prévalu sur les prétendues difficultés de l’industrie.

Même si deux des trois fabricants ont leur siège social à Toronto, l’industrie conteste à nouveau la loi canadienne devant des tribunaux montréalais, qu’elle considère sans doute plus indulgents envers elle et ses produits.

Denis Côté