Et c’est reparti!

Perspective
Devant la réforme annoncée de la Loi sur le tabac, pour protéger adéquatement tous les travailleurs du Québec de l’exposition à la fumée de tabac secondaire (FTS), nous assistons depuis quelques temps à la reprise des campagnes de désinformation sur les droits des fumeurs, campagnes suscitées par l’industrie du tabac et menées par des organismes de façade comme monchoix.ca ou encore des particuliers bien-pensants.

Comme d’habitude, on cherche constamment à évoquer la tolérance, la courtoisie, la liberté et l’équité pour justifier de continuer à fumer dans les lieux publics. Pourtant, compte tenu la nocivité de la FTS, il s’agit bien d’un comportement qui porte, de toute évidence, atteinte au droit fondamental des gens de travailler à l’abri de toute exposition évitable. Faire table rase de cette réalité élémentaire est pure sottise. C’est comme le conducteur réclamant le droit de conduire en état d’ébriété, ou encore celui du sidéen de ne pas informer ses partenaires sexuels de sa condition. Ces comportements posent des risques à autrui et, par conséquent, ne sont pas tolérés dans notre société. C’est justement en vertu des principes de respect et de liberté que des actions sont menées pour protéger le public.

D’ailleurs, le plus troublant dans tout ce débat, ce sont les déclarations gratuites, qui sont lancées ici et là, que l’on cherche à faire passer comme des faits établis. Or, dans la plupart des cas, ces déclarations ne sont nullement appuyées par des ouvrages crédibles comme des opinions juridiques, des textes de loi, la jurisprudence ou des publications scientifiques indépendantes. Le contraire est pourtant vrai.

Par exemple, on clame haut et fort que fumer est un droit. Pourtant, l’article 46 de la Charte des droits et des libertés de la personne du Québec spécifie que :

« Toute personne qui travaille a droit, conformément à la loi, à des conditions de travail justes et raisonnables qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique. »

L’obligation de protéger les employés d’une exposition à un contaminant est même enchâssée dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail (voir l’article 51.8). Des sceptiques soutiendront que ces articles ne sauraient valoir pour la FTS. La Commission des droits de la personne du Québec ne partage pas cet avis. Suite à une analyse qui tenait compte, entre autres, de ces articles, elle a conclu que :

« Les exigences de la santé et du bien-être de la collectivité justifient… la primauté du droit à l’intégrité des non-fumeurs sur le droit du fumeur à la liberté de sa personne. »

Par ailleurs, même Philip Morris, le plus gros fabricant de cigarettes au monde, reconnaît la validité des mesures requises pour se protéger de la FTS :

« Philip Morris International est convaincu que les conclusions des experts en matière de santé publique sont suffisantes pour justifier la mise en place de mesures réglementant le tabagisme dans les lieux publics. »

De plus, on conteste souvent le statut « d’établissements publics » des bars et des restaurants, dans le but de pouvoir dire qu’il revient aux propriétaires de choisir ou non de mettre en place une politique interdisant de fumer. Or, on ne laisse pas, et avec raison, aux restaurateurs et aux tenanciers de bars la discrétion d’appliquer les normes de salubrité ou de prévention des incendies dans leurs établissements. Quand il s’agit de protection de la santé ou de la sécurité publique, les normes valent pour tout le monde, comme le dit la jurisprudence. Dans un procès opposant l’Association des restaurateurs de l’Ontario et la ville de Toronto, la Cour de l’Ontario a statué que :

« L’objet et l’intention du règlement municipal consiste clairement à protéger les membres du public contre ce que le Conseil municipal estime être un danger provenant de la FTS. Dans ce contexte, je suis satisfait qu’il n’existe aucune ambiguïté et que les restaurants et les centres de divertissement sont des lieux publics auxquels s’applique le règlement municipal. » (Traduction libre)

Il est important de signaler que les politiques interdisant complètement de fumer dans les lieux publics sont de plus en plus répandues. Qu’on pense au Nouveau-Brunswick, au Manitoba, à la Californie, au Maine, au Massachusetts, à New York, ou encore à des pays comme la Norvège et l’Irlande. Si, comme certains le clament, l’interdiction de fumer constituait une violation si grave des droits de la personne, ne croyiez-vous pas que la Cour de chacune de ces juridictions aurait déjà déclaré toutes ces lois invalides?

François Damphousse, directeur du bureau québécois de l’Association pour les droits des non-fumeurs
Dr Fernand Turcotte, professeur au Département de médecine sociale et préventive de l’Université Laval