La contrebande autochtone inquiète les gouvernements

Le sensible dossier de la contrebande autochtone a récemment fait surface dans les médias après que le quotidien La Presse eût sonné l’alarme à l’effet que « Québec perd plus de 200 millions par année ». Loin d’admettre que le problème les perturbe, les ministères impliqués se renvoient la balle et promettent d’agir. Mais qui osera s’aventurer en territoire mohawk pour y faire respecter la loi?
Les kiosques se multiplient

D’une vingtaine en 2002, les kiosques de cigarettes – couramment appelés « smoke shacks » – pullulent aujourd’hui aux abords des réserves amérindiennes. Il y en aurait plus d’une centaine, rapporte La Presse, plutôt 200, selon le Journal de Montréal.

Alors que les cartouches légalement vendues coûtent environ 60 $, les fumeurs peuvent se procurer 200 cigarettes amérindiennes (soit l’équivalent) pour le tiers du prix. En plus d’être accessibles à « qui veut bien en acheter », mineurs y compris, ces paquets « à rabais » ne comportent pas de mise en garde de santé.

Des commerçants offusqués

Coordonnateur aux affaires publiques de l’Association des détaillants en alimentation (ADA), Pierre-Alexandre Blouin indique que les ventes de cigarettes de certains marchands ont diminué de 30 à 50 %. « On attribue ces pertes à la contrebande, mais on ne peut pas dire s’il s’agit de contrebande autochtone ou de contrefaçon », ajoute-t-il.

M. Blouin affirme que les commerçants sont offusqués. « Pendant qu’on leur répète qu’ils doivent se conformer à de nombreux règlements, certaines personnes contournent ces règlements et on ne fait rien pour les en empêcher, déplore-t-il. De plus, les forces policières et les ministères du Revenu des deux paliers de gouvernement disent être « très actifs », mais on ne voit toujours pas de résultats. »

Une contrebande distincte

Contrairement au début des années 1990, où la contrebande était alimentée par des cigarettes canadiennes qui transitaient par les États-Unis, le marché noir serait actuellement constitué de cigarettes autochtones et de produits contrefaits.

Selon le Journal de Montréal, il y aurait au moins 13 usines de cigarettes sur le seul territoire de Kahnawake. L’Agence du revenu du Canada (ARC) leur aurait même accordé des permis, bien qu’aucune de ces manufactures n’ait remis l’ombre d’une taxe au gouvernement.

Point de vue autochtone

Fiers d’exploiter un filon aussi lucratif, les autochtones considèrent leur commerce comme étant légitime et refusent de percevoir des taxes pour les gouvernements. Or, si les Amérindiens qui vivent sur des réserves ont le droit d’acheter des produits sans taxes, il leur est interdit d’en vendre à des non-autochtones, ce qu’ils font pourtant impunément. « Il se vend tellement de tabac dans les trois territoires autochtones près de Montréal qu’il faudrait que chaque Amérindien fume plusieurs cartouches par jour pour faire le compte », écrivait le journaliste Denis Lessard, dans La Presse du 26 octobre.

Combattre par la sensibilisation

Fin septembre, la Gendarmerie Royale du Canada, Revenu Québec et l’ARC ont lancé une campagne de sensibilisation sur l’impact du commerce des produits du tabac illégaux. Un dépliant, distribué à l’ensemble des détaillants québécois, explique, entre autres, comment reconnaître les cigarettes de contrebande. Une ligne sans frais (1-866-939-8672) a aussi été mise en service. Elle a pour but de renseigner les commerçants, tout en leur permettant de dénoncer les individus qui s’adonnent au commerce illégal.

Au cours des cinq prochaines années, les gouvernements comptent augmenter leurs activités de vérification à l’égard des fabricants de produits du tabac. Selon l’Agence du revenu du Canada, un nouveau régime d’estampillage et de marquage des produits du tabac devrait également être instauré en novembre 2006. Cette mesure permettra de suivre plus efficacement les étapes franchies par les cigarettes après leur sortie de l’usine.

Josée Hamelin