Gatineau sans fumée dès l’automne?

Après plusieurs rebondissements, la ville de Gatineau pourrait devenir sans fumée dès l’automne 2004. Le 10 février, le Conseil municipal a adopté à l’unanimité une résolution demandant au gouvernement du Québec de modifier la charte de Gatineau, afin qu’elle obtienne le pouvoir de réglementer l’usage du tabac dans les lieux publics de son territoire.

« Actuellement, on n’a pas le pouvoir de légiférer en matière de tabac, a indiqué le président de la commission Gatineau, ville en santé et conseiller municipal, Pierre Philion, lors d’une entrevue téléphonique. Si le ministre des Affaires municipales nous autorise à modifier notre charte, d’après moi, le financement ne sera pas un gros problème. »

« Est-ce qu’on va devenir totalement sans fumée, un peu comme Ottawa, ou bien ferons-nous plutôt des compromis avec les tenanciers de bars, pour qu’ils puissent aménager des fumoirs dans lesquels les employés ne seront pas admis? Ça reste encore à déterminer. À cette étape-ci, on va d’abord aller chercher le pouvoir [de réglementer], et après, le débat se fera autour d’une table afin de déterminer comment sera appliqué le règlement », a-t-il tranché.

Après avoir rencontré le ministre de la Santé, Philippe Couillard, fin janvier, Pierre Philion a souligné que ce dernier semblait ouvert à l’idée de faire de Gatineau un projet-pilote qui servirait d’exemple à l’ensemble de la province. Selon les délais qu’il faudra pour modifier la charte municipale, le conseiller Philion espère que sa ville sera sans fumée dès l’automne 2004. « C’est maintenant qu’il faut que ça bouge, l’an prochain, on sera en campagne électorale, donc ce ne sera vraiment pas le moment idéal pour déposer un tel projet », dit-il.

Coalition Gatineau sans fumée

Ancien haut fonctionnaire et notaire à la retraite, Jacques Roy souhaite, lui aussi, que la fumée de tabac soit éliminée des lieux publics gatinois. Il vient de mettre sur pied la Coalition pour Gatineau sans fumée, qui est dotée d’un site Web très approprié. Ayant comme mandat de faire pression sur les autorités pour que le dossier progresse, cette organisation de plus de 500 membres a appuyé la résolution du Conseil municipal.

Moins optimiste que M. Philion, Jacques Roy ne croit pas que les lieux publics de Gatineau seront sans fumée cet automne. « D’abord, il faut que le gouvernement accepte de modifier la charte de la ville, et pour ce faire, il doit rédiger une loi avec tous les délais que ça comporte. Ensuite, entrevoit-il, la ville de Gatineau déterminera le contenu de son futur règlement antitabac et devra le mettre en application, ce qui peut aussi prendre un certain temps. »

Des tenanciers qui n’y tiennent pas

Bien qu’ils s’opposent mordicus à un éventuel règlement qui interdirait totalement l’usage du tabac dans leurs établissements, comme c’est le cas dans la ville voisine d’Ottawa, les tenanciers de bars de Gatineau tiennent maintenant des propos conciliants. Ils devaient faire part de leurs opinions aux conseillers municipaux et au maire à la fin février, dans le cadre d’un déjeuner-causerie. Leur porte-parole Daniel Moreau a admis à Info-tabac qu’il serait moins réfractaire à un règlement autorisant les salons fumeurs fermés et ventilés. Toutefois, il préférerait une loi régissant d’un seul coup tous les bars du Québec. « La Loi sur le tabac doit être révisée et renforcée en 2005, dit-il. Pourquoi la ville de Gatineau veut-elle faire son propre règlement antitabac, alors que le gouvernement va probablement interdire de fumer dans les restaurants et les bars d’ici 16 mois? » M. Moreau estime qu’il serait temps que le gouvernement « mette ses culottes ». « Le gouvernement n’a qu’à décider que le Québec devienne totalement sans fumée… Les propriétaires de bars de Gatineau n’ont pas à faire les frais d’un projet-pilote qui ne s’appliquerait que dans leur ville », a-t-il soutenu.

En Ontario

Les propriétaires de bars de Gatineau ne sont pas les seuls à s’opposer aux règlements antitabac. Afin de faire pression sur le gouvernement ontarien, le regroupement des propriétaires de bars et de pubs de l’Ontario (PUBCO) a annoncé qu’il réclamera 500 millions $ en compensation, si la province décide de bannir la fumée de tabac des restaurants et des bars. Toutefois, cet ultimatum ne semble pas inquiéter le ministre de la Santé, George Smitherman, qui a répété qu’il sera interdit de fumer dans tous les endroits publics intérieurs d’ici trois ans, tel que promis par le Parti libéral de l’Ontario lors de la campagne électorale de 2003.

Josée Hamelin