Édifices sans fumée : une décision d’affaires
Novembre 1996 - No 1
La vague des édifices sans fumée prend enfin de l’ampleur au centre-ville de Montréal. Et la décision d’interdire la cigarette est de plus en plus une simple décision d’affaires.
En 1994, Place Ville-Marie a été le premier complexe multi-fonctionnel (bureaux et centre commercial) au centre-ville à interdire la fumée dans les espaces publics. À l’époque, la décision a fait la une du Journal de Montréal. Il est difficile de mesurer l’impact sur l’achalandage, mais le centre ne s’est certainement pas vidé.
Début 1996, le Complexe Desjardins a emboîté le pas en intégrant une interdiction de fumer à son projet de revitalisation. Avec sa grande aire centrale à plafond très haut (environ 24 mètres), l’on pourrait croire que le Complexe Desjardins serait un des derniers édifices à avoir des problèmes de qualité d’air. Et en effet, pendant une bonne partie de ses 20 ans d’existence, les plaintes par rapport à la fumée de cigarette étaient plutôt rares, explique France Bonneau, directrice adjointe (communications) au service du marketing.
Ce n’est que depuis quelques années que les plaintes se sont multipliées – à cause, entre autres, de l’interdiction de fumer dans les locaux de plusieurs des locataires du Complexe. L’aire centrale se transformait en gigantesque fumoir pour les employés de bureau des alentours. « Même des fumeurs se plaignaient », se souvient Mme Bonneau.
On a donc décidé d’interdire la cigarette et on est allé se renseigner auprès de divers organismes de santé et de Place Ville-Marie pour concevoir une stratégie d’implantation qui ne ferait pas fuir les clients fumeurs mais qui aboutirait quand même à une interdiction efficace.
La partie la plus controversée de la nouvelle politique est l’interdiction de fumer dans la foire alimentaire : pour bien des fumeurs, café et cigarette sont indissociables. Mais c’est aussi l’élément qu’apprécient le plus les non-fumeurs.
L’implantation de la nouvelle politique n’est pas encore tout à fait terminée, puisqu’il reste à installer la signalisation permanente, par exemple sur les portes d’entrée. Mais très rapidement, la politique du Complexe a fait boule de neige. Quelques jours après son application, la Place des arts, devenue le nouveau refuge des fumeurs travaillant dans le Complexe, a décidé d’accélérer la mise en place d’une politique semblable. De l’autre côté du boulevard René-Lévesque, les responsables du Complexe Guy-Favreau (gouvernement fédéral) ont dû renforcer leur politique antitabac pour la même raison.
Effet intéressant de cette vague d’interdictions : le site du Festival de jazz, présenté par les cigarettes du Maurier, est maintenant entouré d’édifices sans fumée. Aussi est-il interdit de fumer à la porte du Café-théâtre du Maurier.
C’est donc un effet de cascade, plutôt qu’une prise de conscience subite en matière de santé, qui a banni le tabac d’une bonne partie du quartier – phénomène qui risque de se généraliser au cours des prochaines années.
Francis Thompson