Des mesures appuyées par la science

Ce printemps, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a publié plusieurs documents portant sur l’usage et la réglementation du tabac. Trois d’entre eux traitent des questions abordées dans le projet de loi n° 44.

Les groupes et les professionnels de santé ne cessent de le rappeler : la fumée de tabac contient 7000 composés, dont environ 70 reconnus comme carcinogènes. La conclusion est évidente : le tabac est une substance à réglementer de toute urgence et le plus sévèrement possible. Dans une synthèse de connaissances et des analyses de l’Enquête sur le tabagisme chez les jeunes 2012-2013, l’INSPQ examine des enjeux entourant l’usage du tabac qui sont abordés dans le projet de loi n° 44, Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme.

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Quatre publications récentes de l’INSPQ examinent des thèmes traités dans le projet de loi n° 44, Loi visant à renforcer la lutte contre le tabagisme.
1. Interdiction du tabac dans des véhicules en présence d’enfants

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Le Québec est la seule province qui permet encore la consommation de tabac dans les véhicules où se trouvent des enfants. Or, fumer dans un véhicule nuit à la santé en augmentant substantiellement la concentration de particules fines, même si les fenêtres sont baissées. Malheureusement, la proportion d’enfants québécois entre la 6e année du primaire et la 5e année du secondaire exposés à ce type de polluants a grimpé de 25 % à 34 % entre 2010-2011 et 2012-2013. Au final, ils sont 170 000 à respirer de la fumée de tabac secondaire (FTS) dans une voiture au moins une fois par semaine.

Les provinces qui ont interdit l’usage du tabac dans les véhicules en présence d’un enfant constatent une réduction marquée de l’exposition des jeunes à la FTS, écrit l’INSPQ. Mieux : cela n’a pas entraîné une augmentation de leur exposition à la maison.

2. Interdiction du tabac dans certains lieux publics extérieurs

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Entre 2005 et 2010, la proportion de Québécois rapportant être exposés à de FTS à l’extérieur s’est maintenue autour de 65 %. De fait, des parcs aux terrasses, il y a encore bien des endroits où il est possible de fumer au Québec. Certes, il est difficile de quantifier le risque que court un non-fumeur qui fréquente une terrasse sur laquelle on fume, reconnaît l’INSPQ. Cela est dû, entre autres, à la variabilité dans le nombre de fumeurs et la direction du vent. Par contre, l’exposition de ceux qui travaillent dans ces lieux extérieurs pourrait être assez élevée pour nuire à leur santé. Cela dit, bien d’autres raisons soutiennent l’interdiction du tabac dans des lieux publics extérieurs, dont la « dénormalisation » du tabagisme. « Plus l’usage du tabac est visible, plus les jeunes peuvent percevoir que ce comportement est prévalent et plus ils peuvent considérer [qu’il] est acceptable », rappelle l’INSPQ. Enfin, l’organisme de recherche note que certains décideurs appréhendent l’application des politiques sans fumée dans des lieux extérieurs, mais que leurs craintes seraient rarement justifiées.

3. Méfaits du tabac aromatisé

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Les saveurs sont « reconnues pour faciliter la consommation de tabac et ainsi favoriser l’initiation au tabagisme », note l’INSPQ. En effet, le tabac aromatisé est particulièrement populaire auprès des jeunes du Québec : pas moins de 26 % d’entre eux en ont fait usage au moins une fois dans leur vie, contre 13 % dans le reste du Canada. Ainsi, même si « seulement » 4 % des adolescents du Québec ont fumé une cigarette mentholée au cours du dernier mois, pas moins de 36 % de ceux qui fument la cigarette ont opté pour une marque au menthol. Or, en anesthésiant la gorge, le menthol pousserait les fumeurs… à fumer plus.

Interdiction du tabac dans les immeubles résidentiels

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Le projet de loi n° 44 n’aborde pas l’usage du tabac dans les logements, se contentant de l’interdire dans les espaces communs des immeubles de deux logements ou plus. L’INSPQ reconnaît d’emblée que « les infiltrations de fumée provenant des logements voisins […] dépassent rarement les seuils de qualité de l’air établis par les organismes de santé. » N’empêche : respirer de la FTS n’est jamais agréable. C’est pourquoi une majorité de Québécois préféreraient que leur immeuble à logements multiples soit complètement sans fumée. Les enfants y gagneraient particulièrement puisque ce sont eux qui passent le plus grand nombre d’heures à la maison. Un immeuble sans fumée élimine aussi la fumée tertiaire : l’accumulation de particules fines sur les surfaces qui entraîne de nouveaux dangers pour la santé.

De tels immeubles sont parfaitement légaux. D’ailleurs, à Waterloo et ailleurs au Canada et aux États-Unis, l’usage du tabac est interdit dans les logements subventionnés. Au Québec, l’Association pour les droits des non-fumeurs a préparé un document à l’intention des propriétaires  souhaitant implanter une telle politique. Les gestionnaires d’immeubles ont parfois des appréhensions quant à ces politiques, mais celles-ci « ne sont pas toujours justifiées et […] généralement surmontables », écrit l’INSPQ. Par contre, celles-ci pourraient nuire aux personnes pauvres, entre autres, qui peinent déjà à se loger et ont un taux de tabagisme plus élevé que la moyenne.

Anick Labelle