Comprendre les jeunes pour les guider dans l’arrêt tabagique
Janvier 2006 - No 60
Bien qu’encore 22 % des Québécois âgés de 15 à 19 ans fument (ESUTC 2004), les traitements pour aider les jeunes à cesser de fumer se révèlent prometteurs.
Telle était la conclusion de la journée Abandon du tabac : les femmes enceintes et les jeunes d’abord, présentée à Québec le 14 novembre dernier, dans le cadre de la 9e édition des Journées annuelles de santé publique (JASP). Plus d’une centaine d’intervenants, de chercheurs et de spécialistes ont assisté à cette série de présentations sur la lutte antitabac qui a été animée par la Dre Michèle Tremblay, directrice du comité organisateur.
Professeur et chercheur de l’Université Waterloo, en Ontario, le Dr Paul McDonald a présenté les résultats d’une analyse comparative de l’efficacité des traitements et programmes de cessation tabagique destinés aux jeunes. Selon cet expert, les interventions basées sur une approche comportementale sont à privilégier. À l’adolescence, la cigarette représente d’abord et avant tout un instrument servant à définir son rôle social : celui de fumeur. Les moyens les plus efficaces seraient donc ceux qui aident les jeunes à remplacer l’objet social qu’est la cigarette par d’autres outils leur permettant de surmonter non seulement les aspects négatifs de leur sevrage tabagique, mais aussi ceux des autres défis que leur réservera la vie adulte.
Sans minimiser l’obstacle à la cessation qu’est la dépendance à la nicotine, il serait plus judicieux d’aborder cette réalité en faisant réaliser aux jeunes qu’ils ont perdu une partie du contrôle sur leur propre vie. Un jeune qui fume sa toute première cigarette a 40 % de chances d’en devenir dépendant, a noté le Dr Joseph DiFranza, chercheur à l’Université du Massachusetts. Par contre, de telles statistiques n’incitent pas les jeunes à écraser, si elles ne sont pas mises en contexte ou accompagnées d’exemples concrets. Il faut faire appel aux besoins et aux valeurs que les jeunes ont à cur, a précisé le Dr DiFranza. « C’est la valeur du tabagisme dans leur vie qui est leur motivation première de fumer, pourtant, nous n’en savons que très peu sur ce sujet », dit celui qui figure – selon la revue Tobacco Control – parmi les auteurs dont les travaux sont les plus cités au monde.
Ses plus récentes études examinaient les effets de la nicotine sur le cerveau. Leurs conclusions sont éloquentes. L’augmentation du nombre de récepteurs de nicotine, indicateur du début de la dépendance, serait très importante chez les jeunes, encore plus chez les filles. Ce phénomène permanent survient beaucoup plus tôt qu’on pourrait le croire : dès la première semaine de tabagisme, et ce, même si la consommation est inférieure à une cigarette par jour ou qu’elle est très irrégulière.
Ces résultats, ainsi que ceux présentés par les autres conférenciers, prouvent l’urgence d’aider ce groupe particulièrement vulnérable. Environ 80 % des fumeurs adultes affirment avoir commencé à fumer avant l’âge de 18 ans. Mais comment intervenir? « Nous nous retrouvons devant un paradoxe : les traitements qui intéressent le moins les jeunes sont les plus efficaces, et ceux qu’ils désirent le sont moins », a soulevé le Dr McDonald.
Il n’y a pas de solution miracle pour contribuer à la réussite de la cessation des jeunes. Bon nombre d’intervenants déplorent la faible quantité de ressources adaptées à cette fin, la majorité des efforts de lutte au tabagisme étant dévoués aux programmes de prévention – qu’ils considèrent peu efficaces, surtout lorsqu’ils sont ancrés uniquement en milieu scolaire. Le comportement de l’être humain en développement demeurera toujours complexe aux yeux des adultes, ce qui n’amoindrit en rien le défi qui se présente aux intervenants en contrôle du tabagisme.
Julie Cameron