Action communautaire : l’exemple de Valleyfield

Le mouvement antitabac québécois connaît depuis quelque temps une expansion rapide, entre autres à cause d’une réorientation du système de santé vers la médecine préventive plutôt que curative. Dans ce nouveau contexte, il ne faudrait pas oublier le rôle de pionniers des « militants de la première heure » – dont bien sûr l’Association des Non-Fumeurs du Sud-Ouest.

Cet organisme, fondé en 1979 et basé à Valleyfield, demeure l’un des rares groupes dans le secteur communautaire non gouvernemental qui se consacre à plein temps à la lutte au tabagisme.

Contrairement à d’autres organismes, qui concentrent leurs énergies sur la sphère politique (fédérale, provinciale ou municipale), l’association est avant tout un moyen pour aider les fumeurs à se libérer personnellement de leur dépendance. La fondatrice de l’organisme, Lise Léger, qui a elle-même fumé pendant 22 ans, a choisi d’organiser des rencontres « dans le style des AA » – un format qui semble donner de très bons résultats.

Depuis environ un an, grâce à une subvention de Santé Canada, l’Association des Non-Fumeurs du Sud-Ouest est en pleine expansion; elle a maintenant son propre local et un directeur général payé.

Un souper d’honneur au cours de la Semaine québécoise sans fumer a permis de constater à quel point nos décideurs commencent à saisir l’importance de la lutte au tabagisme, du moins dans cette région avant-gardiste. La soirée n’a pas attiré que du monde du réseau de la santé; on a vu aussi plusieurs représentants du milieu municipal, le député provincial Serge Deslières et le candidat et aspirant au leadership du Bloc Québécois Daniel Turp.

L’invité d’honneur était Jean Beauchamp, directeur général de la Commission scolaire de Huntingdon, laquelle a adopté une vigoureuse politique d’espaces sans fumée en mai dernier. En effet, depuis septembre passé, les écoles et les édifices administratifs de la commission sont entièrement exempts de fumée – même en dehors des heures de cours, comme par exemple lors des fêtes d’enseignants.

Lorsque des représentants de l’Association des Non-Fumeurs sont allés voir M. Beauchamp l’été dernier pour lui demander son aide dans la prévention du tabagisme chez les jeunes, ils ont découvert, à leur grande joie, que la commission avait déjà choisi d’aller de l’avant, après maintes consultations avec son personnel. L’association a donc décidé d’accorder son prix d’excellence – qui vient d’être créé – à M. Beauchamp.

Évolution des mentalités

Selon M. Beauchamp, la nouvelle politique de sa commission scolaire n’est pas le fruit d’une croisade personnelle de sa part mais bien d’une évolution générale des mentalités. En effet, à l’automne 1995 les directeurs d’écoles de Huntingdon et le conseil des commissaires ont tous deux suggéré de renforcer les mesures antitabac dans les écoles locales, ce qui a mené à la création d’un comité sur le tabagisme en décembre 1995, composé de fumeurs et non-fumeurs, enseignants et personnel administratif.

Après plusieurs mois de débats, le comité a accepté de proposer une interdiction totale au personnel de la commission scolaire. Un sondage au printemps 1996 a donné des résultats très encourageants : 73 p. 100 des répondants se sont dits « tout à fait en accord » ou « plutôt en accord » avec une telle interdiction – dont presque la moitié des fumeurs.

C’est donc en s’appuyant sur ce consensus assez large que la commission scolaire a pu instaurer une nouvelle politique dès la rentrée 1996. Il ne reste qu’un point à régler : l’interdiction éventuelle de la cigarette à l’extérieur, sur les terrains appartenant à la commission scolaire.

Francis Thompson