La Loi sur le tabac en attente d’un procès

Alors que la plupart des propriétaires de bars du Québec se sont faits à l’idée que la Loi sur le tabac est là pour rester, une poignée de tenanciers en contestent toujours la validité devant la Cour supérieure, sous prétexte qu’elle porte atteinte aux droits et libertés individuels. Défendue par l’avocat Julius Grey, leur cause devrait être entendue cet automne.

Regroupés au sein de l’Union des tenanciers de bars du Québec (UTBQ), une organisation fondée le 8 mars 2006 pour les besoins du litige, les contestataires ont jusqu’à maintenant remporté les deux premières manches. D’abord le 10 avril – lorsque le juge Pierre Senécal, de la Cour supérieure, a rejeté une requête du Procureur général pour qu’il n’y ait pas de procès – et ensuite le 9 mai, quand la Cour d’appel, qui avait été saisie du dossier, a maintenu la décision du juge Senécal.

Dans une lettre ouverte destinée au premier ministre, Jean Charest, et au ministre de la Santé, Philippe Couillard, les deux principaux plaignants, Voula Demopoulos et Peter Sergakis, ont même demandé un report de l’entrée en vigueur de la Loi sur le tabac, en attendant que la Cour supérieure ait statué sur sa validité.

« Maintenir le statu quo quelques mois n’aurait pas d’impact négatif sur la société québécoise, alors que permettre l’entrée en vigueur de la loi comme prévu le 31 mai risque de causer des torts irréparables, et d’autant plus déplorables qu’ils auront été inutiles si la loi est jugée invalide », ont-ils argué. La loi a cependant été appliquée, tel que prévu.

Contestation désapprouvée

Bien qu’il se soit déjà opposé à la Loi sur le tabac dans le passé, le président de la Corporation des propriétaires de bars, brasseries et tavernes du Québec (CPBBTQ), Renaud Poulin, ne voit pas d’un bon oeil cette contestation judiciaire. « Ça nous irrite un peu, a-t-il confié à Info-tabac, parce que si on veut attirer les gens dans nos établissements, il faut éviter de leur laisser un message négatif ou contradictoire. »

Pas vraiment surpris que l’Union des tenanciers de bars du Québec ait vu le jour, il signale que ce n’est pas la première fois que M. Sergakis fonde une association du genre. Il l’a déjà fait pour s’opposer au retrait des appareils de loterie vidéo dans les bars et dans le cas d’un regroupement de gens d’affaires du Centre-ville de Montréal. « Dans ces associations, il n’y a pas de conseil d’administration, ni de « membership » à payer, soutient M. Poulin. Peter Sergakis peut ainsi faire passer ses idées et ensuite aller revendiquer sur la place publique. »

Alors que la CPBBTQ compte plus de 2 000 membres (payants), l’UTBQ affirme en avoir actuellement 500. Renaud Poulin explique que ces membres auraient été recrutés par le biais de lettres dans lesquelles M. Sergakis disait aux propriétaires de bars qu’il allait demander une injonction et que ça ne leur coûterait pas un sou. « Généralement, les gens sont beaucoup plus enclins à signer des documents et à prendre part à un mouvement lorsque ça n’implique pas de frais », fait remarquer le président de la CPBBTQ.

Injonction?

Bien qu’il ait exprimé sur plusieurs tribunes son intention de demander une injonction qui suspendrait l’application de la loi pendant les procédures, Peter Sergakis n’avait toujours pas formulé une telle requête au moment d’écrire ces lignes. Fin mai, Le Devoir rapportait d’ailleurs que « la jurisprudence n’est pas favorable », en citant Julius Grey.

Avant de dire que la loi n’est pas bonne, les commerçants doivent en mesurer l’impact, insiste Renaud Poulin, en précisant qu’ailleurs, il n’y a pas eu « d’hécatombe des bars » : « Si on se rend compte après quelques mois que ça ne va vraiment pas, on réajustera le tir mais en attendant, on n’est pas là pour saboter un projet de société comme celui-ci. »

Josée Hamelin