De Facto renaît de ses cendres

Bien connue dans la région de la Capitale-Nationale, la campagne antitabac De Facto sera prochainement financée, cette fois, par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec.

Santé Canada a cessé de subventionner cette initiative de l’Association régionale du sport étudiant de Québec et de Chaudière-Appalaches (ARSEQCA) lorsque son budget de « mass média » a été amputé au cours de l’automne 2004. Or, ce désistement est survenu peu de temps après que l’industrie du tabac eut envoyé des mises en demeure à l’ancien directeur de l’ARSEQCA ainsi qu’aux firmes de communication ayant contribué à son concept publicitaire.

De Facto avant

Il faut dire que la campagne De Facto de 2003 avait du mordant et ne laissait personne indifférent. Avec un budget d’environ 900 000 $, l’organisme avait élaboré un plan de marketing d’envergure (Internet, cinéma, radio, télévision, imprimés). Principalement destiné aux adolescents et aux jeunes adultes, ce projet-pilote, d’une durée de six semaines, avait pour mission de dire la vérité sur l’industrie du tabac, tel que l’illustre cette transcription d’une pub diffusée à la radio : « Ce message est pour remercier toutes les personnes qui consomment nos produits même s’ils rendent malades et tuent, déclare le représentant d’une compagnie de tabac fictive. C’est avec votre argent que nous faisons nos profits. Grâce à vous, notre industrie continue d’exister. Et merci aux jeunes qui assurent le renouvellement de notre clientèle. »

Très efficace, De Facto bénéficiait d’une notoriété enviable puisque 94 % des jeunes interrogés après la campagne avaient entendu au moins un de ses messages. De plus, 93,5 % de ceux qui avaient vu le logo étaient en mesure de l’associer à la cause antitabac.

De Facto maintenant

« Même si certaines publicités de 2003 demeureront accessibles sur le Web, le projet actuel est différent de ce qu’il était à l’origine, admet le directeur général de l’ARSEQCA, Daniel Veilleux. Il s’attaquera à la consommation de cigarettes plutôt qu’à l’industrie qui les fabrique et sera principalement axé sur le marketing de la marque de commerce De Facto. » Ainsi, plusieurs affiches, « T-shirts », bannières et aimants à cette effigie verront le jour.

Au lieu d’utiliser les médias pour véhiculer ses messages, l’ARSEQCA mise cette fois sur le milieu scolaire, les événements sportifs et Internet. Alors que la campagne initiale se limitait aux régions de Québec et de Chaudière-Appalaches, celle-ci inclut également le Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Depuis 2003, certaines équipes sportives de l’Université Laval (volley-ball, basket-ball, soccer et football) portent le logo antitabac sur leurs uniformes. Dans le cadre du présent projet, ce partenariat sera élargi à d’autres disciplines et athlètes. Le grand public peut lui aussi acheter du matériel aux couleurs de la campagne à La Boutique de l’Université Laval et du Rouge et Or ou encore en envoyant un courriel à l’adresse suivante : reagissez@defacto.ca

Un logo qui fait son chemin

L’ARSEQCA qui souhaitait que De Facto se retrouve un jour sur les vêtements des Olympiens canadiens pourra peut-être voir son rêve se réaliser… du moins à plus petite échelle. Son ancien directeur général, Gilles Lépine, sera le chef de mission de la délégation canadienne des prochaines Universiades – un événement sportif international réunissant des milliers d’athlètes universitaires – qui auront lieu à Bangkok (Thaïlande) en août 2007. Messieurs Lépine et Veilleux ont d’ailleurs discuté de la possibilité que l’équipe canadienne arbore la marque antitabac, ce qui redonnerait à De Facto un peu de la visibilité qui lui a tant manqué au cours des dernières années.

Intimidation

Aux États-Unis, les compagnies de tabac utilisent souvent l’intimidation pour s’opposer aux mesures antitabac efficaces. C’est ce qu’indique Tobacco industry litigation strategies to oppose tobacco control media campaigns, une étude dont les résultats ont été publiés dans la revue Tobacco Control de février 2006. « Les poursuites judiciaires font partie intégrante des stratégies de l’industrie du tabac, explique-t-elle. En plus d’imposer des charges financières supplémentaires, elles font obstacle à la productivité des campagnes médiatiques. Les professionnels de la lutte antitabac doivent anticiper ces éventuelles poursuites et être prêts à y faire face. »

Josée Hamelin