2,5 millions $ pour convaincre les fumeurs de leurs droits

Par le biais du Conseil canadien des fabricants de produits du tabac (CCFPT) dont ils font partie, Imperial Tobacco Canada (ITC), JTI-Macdonald et Rothmans Benson & Hedges financent monchoix.ca, une association en ligne qui souhaite promouvoir les droits des fumeurs. Les trois principaux cigarettiers au pays ont choisi de s’unir pour s’opposer aux lois et règlements qui restreignent l’usage du tabac dans les lieux publics.

« Le Conseil canadien des fabricants des produits du tabac fournit 2,5 millions de dollars au projet sans but lucratif qu’est monchoix.ca pour montrer son appui à ses clients, mais il adoptera une approche de non-intervention », peut-on lire dans le communiqué émis par le CCFPT, le 28 septembre dernier.

Aperçu du site

Avec ce site Internet bilingue, les cigarettiers prétendent offrir aux fumeurs une tribune qui leur permettra de se faire entendre sur la réglementation des produits du tabac. « Les fumeurs ont été complètement absents des discussions entourant l’usage du tabac. De nombreuses questions d’actualité restent à être envisagées selon leur point de vue », affirme le vice-président des Affaires corporatives chez ITC, Pierre Fortier, qui représente le CCFPT.

Grâce à un moteur de recherche, les abonnés peuvent localiser des politiciens des scènes fédérale, provinciale ou municipale, pour leur faire part de certaines de leurs préoccupations. Alors que l’administration du site tâte le pouls des fumeurs en effectuant de nombreux sondages, un forum de discussions (uniquement en anglais) permet aux membres d’échanger sur les « injustices » dont ils se disent victimes.

Une question de choix ou de dépendance?

« Les fumeurs paient des milliards de dollars en taxes par année pour exercer leur choix d’utiliser des produits du tabac légaux, mais ils sentent qu’ils sont traités comme des citoyens de seconde classe ou des parias », se plaint la présidente de monchoix.ca, Nancy Daigneault.

Mme Daigneault, qui a elle-même cessé de fumer pour des raisons de santé, semble ignorer que la plupart des fumeurs canadiens souhaitent se libérer de leur dépendance au tabac. La plus récente édition de l’Enquête sur l’usage du tabac au Canada révèle que seulement 29 % des fumeurs n’ont fait aucune tentative d’arrêt tabagique au cours de l’année 2003.

Moins de lois et plus de profits

Selon le coordonnateur de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, Louis Gauvin, il ne fait aucun doute que le but inavoué de monchoix.ca est de mobiliser les fumeurs, afin qu’ils s’insurgent contre les politiques antitabac jugées trop restrictives par les fabricants. Ainsi les compagnies de tabac pourront continuer à vendre librement leurs produits, ce qui leur permettra d’accentuer ou de maintenir leurs profits. « C’est une initiative très pernicieuse, qu’a mise au point l’industrie du tabac, déplore-t-il. Elle veut faire croire à la population et aux décideurs que les mesures gouvernementales en matière de contrôle du tabac sont injustes à l’égard des fumeurs. Or, on le sait, il est beaucoup plus facile de susciter la mobilisation des gens quand on leur dit qu’ils sont victimes d’une injustice que si on leur disait plutôt que le fait de fumer dans des lieux publics porte atteinte à la santé des non-fumeurs. »

Même le ministre fédéral de la Santé, Ujjal Dosanjh, a dénoncé la mise sur pied de monchoix.ca : « On mentionne dans ce site vouloir renverser le parti pris injuste des gouvernements dans l’élaboration de leurs politiques antitabac. Ils ont raison; je suis partial. La cigarette peut être un produit mortel lorsqu’utilisé tel que prévu. Comment ne pourrions-nous pas avoir de parti pris? Nous en avons un en faveur de la santé. »

Josée Hamelin