Québec subventionne le Zyban et les Nicoderm

Depuis le 1er octobre, le Régime général d’assurance médicaments du Québec couvre certains produits pharmaceutiques d’aide à l’arrêt tabagique. Il s’agit du Zyban, des timbres cutanés Nicoderm, ainsi que, à titre de médicaments d’exception, des gommes Nicorette et Nicorette Plus.

L’annonce officielle de cet appui gouvernemental aux fumeurs a été faite le 20 septembre par la ministre de la Santé et des Services sociaux, Pauline Marois, au moyen d’un communiqué. Le coût prévu de ce programme est de 5 millions $, soit 0,4 % des 1,2 milliards $ en médicaments remboursés par le Régime. Le Conseil consultatif de pharmacologie (CCP), qui a recommandé la mesure, estime que 60 % de cette facture proviendra des timbres, 30 % du Zyban et 10 % de la gomme.

Président de l’Ordre des pharmaciens du Québec, Paul Fernet est tout à fait satisfait de ce support financier aux fumeurs. « C’est un autre pas dans la bonne direction de la part du gouvernement, a-t-il déclaré. Cela va de pair avec la décision de ne plus vendre de cigarettes dans les pharmacies. Notre mission depuis toujours, qui est de favoriser la santé de la population, est en parfaite harmonie avec ces deux mesures. »

25 % à débourser

Par conséquent, dans la plupart des cas, les fumeurs n’ont plus que 25 % du coût des produits à débourser, puisque le Régime est en fait une coassurance. En plus d’une franchise, le patient ne paie généralement que le quart de ses médicaments, jusqu’à un maximum mensuel qui varie selon ses revenus. Ainsi, un bénéficiaire de l’aide sociale, ou une personne à très faible revenu, pourra profiter de ces aides pharmacologiques à bas prix, soit 17 $ par mois au plus. Même durant son traitement, il économisera en tenant compte du prix des cigarettes épargnées.

Les détenteurs d’assurances privées, lesquelles concernent plus de la moitié de la population, auront eux aussi droit à une réduction importante car, selon la loi, les avantages de ce secteur doivent au moins égaler la protection du régime public.

L’accès au programme gouvernemental nécessitant toujours une ordonnance, le fumeur doit d’abord aller consulter son médecin, ce qui n’est pas requis lorsqu’il paie lui-même les timbres ou la gomme de nicotine. Dans les deux cas toutefois, le pharmacien est tenu d’ouvrir un dossier pour son patient et de le conseiller sur l’utilisation du produit. Rappelons que Santé Canada a autorisé, en juillet 1998, la vente des timbres de nicotine sans ordonnance.

Bientôt Habitrol?

Le Régime n’inclut pas encore les timbres Habitrol et Nicotrol, puisque leurs distributeurs n’avaient pas soumis à temps leurs dossiers au CCP, lequel révise, tous les trois mois, la liste des médicaments assurés. La compagnie Novartis, qui met en vente Habitrol, a entrepris les démarches en vue de la liste du 1er janvier 2001, a révélé sa représentante, Hélène Thomassin. Cet empressement ne se retrouve toutefois pas chez Johnson & Johnson-Merck, distributeur du timbre Nicotrol.

En ce qui concerne les gommes Nicorette, elles sont couvertes seulement à titre d’exception, par exemple lorsque le médecin déconseille les timbres cutanés à son patient pour cause d’allergie de la peau. Les timbres ont été privilégiés à la gomme pour des raisons de coûts et non pas d’efficacité, a précisé Dominique Lambert, conseillère au CCP. De plus, de fréquents problèmes d’observance thérapeutique ont été relevés.

Déçue de voir son produit ainsi déclassé, la compagnie Aventis Pharma soumettra à nouveau l’inscription de Nicorette au Régime, en expliquant mieux les étapes de cessation proposées et les coûts réels qui en résultent. Au Canada anglais, les gommes Nicorette sont davantage utilisées que les timbres Nicoderm; cela répond donc à un besoin, plaide Chantal Blanchard, chef de produits chez Aventis Pharma. Après les trois premières semaines d’octobre, le Régime n’a remboursé que six ordonnances de gomme, comparativement à 7157 pour les timbres Nicoderm et 7176 pour les comprimés de Zyban.

Bien que le CCP n’ait guère adhéré à la gomme Nicorette, madame Blanchard est enchantée du programme gouvernemental. « Le Québec est très proactif, se réjouit-elle. C’est la première province au Canada à aider ainsi les fumeurs. C’est bien agréable de travailler dans ce secteur maintenant, puisqu’il y a plein de nouvelles mesures qui entrent en vigueur en même temps. Cela fait avancer les gens dans leur intention d’arrêter de fumer. »

Deux fois plus efficace

Le Conseil consultatif de pharmacologie estime le taux d’abandon du tabac, avec l’aide des timbres, de la gomme ou du Zyban, à environ 40 % après douze semaines. Quant au Dr Michèle Tremblay, elle reconnaît que ce taux est grandement réduit après un an. Avec ses collègues André Gervais et Chantal Lacroix, Mme Tremblay est coauteure des lignes directrices concernant le tabagisme, émises par le Collège des médecins du Québec.

Selon l’ensemble de la recherche, les personnes qui tentent de cesser de fumer avec de l’aide pharmacologique ont environ deux fois plus de chances d’y parvenir, soutient toutefois le Dr Tremblay. Par exemple si, dans une étude, des fumeurs ont obtenu un taux d’abandon de 20 % après un an avec des timbres cutanés, leurs homologues ayant bénéficié du même suivi, mais n’ayant disposé que de placebos (de faux timbres, sans nicotine), ne seront que 10 % à être restés non-fumeurs.

Ayant participé à des ateliers sur le sujet, lors de la Conférence mondiale sur le tabac OU la santé, à Chicago cet été, Michèle Tremblay signale que les autorités médicales américaines ne privilégient aucun des cinq produits pharmaceutiques disponibles là-bas, les considérant tous d’une efficacité comparable. Le médecin est ainsi invité à prescrire, soit le Zyban, soit l’une des quatre méthodes d’administration de nicotine, c’est-à-dire les timbres cutanés, la gomme, l’aérosol ou l’inhalateur (ces deux derniers ne sont pas encore autorisés au Canada). Les préférences du patient, ses expériences antérieures et les contre-indications sont alors prises en considération.

Zyban

Commercialisé au Canada depuis août 1998, le Zyban ne contient pas de nicotine, contrairement aux autres supports pharmacologiques. Son élément actif, le chlorhydrate de bupropion, est un antidépresseur qui agit sur le cerveau en réduisant l’effet de la nicotine. On peut l’utiliser en continuant à fumer; toutefois, au bout d’une semaine ou deux, le besoin du tabac s’estompe et il est temps d’écraser pour de bon. Son achat nécessite une ordonnance. (Voir « Lancement canadien du Zyban », Info-tabac, septembre 1998.)

Selon Janik Létourneau, pharmacienne dans une succursale Pharmaprix, peu de médecins prescrivent à la fois le Zyban et des timbres de nicotine, bien que cela ne soit pas déconseillé. Il est d’ailleurs possible d’obtenir la couverture étatique des deux produits concurremment, en autant qu’ils soient prescrits par le médecin.

Un traitement au Zyban pour trois mois coûte maintenant au fumeur environ 70 $, incluant la franchise mensuelle requise par le Régime, comparativement à environ 195 $ auparavant. Pour les timbres Nicoderm, la facture pour dix semaines, par exemple, est réduite à environ 95 $, comparativement à 320 $ avant le 1er octobre.

12 semaines par année

L’apport du Régime est limité à douze semaines consécutives par période de douze mois. Si un fumeur échoue avec le Zyban, il peut par contre se reprendre avec un médicament à base de nicotine, et inversement.

Les grands médias québécois ont bien couvert cette nouvelle mesure, notamment les nouvelles TVA, alors que le reporter a cherché en vain, auprès de fumeurs rencontrés au hasard, des personnes voulant essayer les produits subventionnés. Bien que fort connus et bien cotés dans le milieu médical, le Zyban et les timbres cutanés ne suscitaient pourtant guère l’engouement du fumeur de la rue.

Par un éditorial de Brigitte Breton intitulé Sevrage étatique, le quotidien Le Soleil a salué avec satisfaction l’annonce de la ministre Marois. « Payer des gommettes et du Zyban aujourd’hui évitera sûrement, à plus long terme, de coûteux pontages cardiaques et des traitements en radio-oncologie et en chimiothérapie pour lutter contre des cancers du poumon ou du larynx », écrit madame Breton.

Denis Côté